Victoria, 26 ans, réapparaît. « Enfin ».Après 11 ans de captivité, à l'en croire. Et c'est là tout le ressort de cette histoire, nous faire douter de la victime absolue. Est-elle vraiment qui elle prétend être ? A-t-elle vraiment subi une séquestration, par qui ? Un mystérieux homme masqué et son assistant ? Les références à l'affaire Natacha Kampusch, à Marc Dutroux, nous entraînent à la croire ; mais on la constate manipulatrice aussi, affabulatrice. Elledit elle–même : « Je leur raconte l'histoire qu'ils veulent entendre ». Alors ?
Alors évidemment on ne répondra pas ici, mais on incitera à ne pas se laisser désarçonner par l'apparente (insistons sur point) banalité de la première moitié du livre. L'enquête de la gendarmerie, la difficile réappropriation de ses repères par la jeune fille, ses revirements qui la rendent franchement antipathique, un comble d'ailleurs !
Le rythme change vraiment à la moitié du livre (on ne remerciera jamais assez les analyses ADN pour leur immense contribution à l'Histoire du roman policier en tant que genre) pour s'emballer totalement aux trois quarts, quand Victoria elle-même prend l'histoire en main et fait un aveu décisif. Et nous amène à reconsidérer toutes nos certitudes du début et peut-être à relativiser les passages plus faibles, qui -à dessein ?- mettent en relief l'indicible de l'épilogue. Effet volontaire ou pas, on s'en félicite. Vraiment, on a aimé le livre.
Plus on en apprend dès lors, et plus on veut savoir,
Florian Dennisson mène très bien sa partition. Crescendo vers l'abomination. Il construit des personnages intéressants – l'héroïne, on l'a compris, qui change de nombreuses fois de visage, jusqu'au bout on n'aura su que penser d'elle. Celui du gendarme, Maxime Monceau, à l'histoire personnelle touchante. On a apprécié ses séances d'introspection, comme sa finesse dans l'enquête, moins peut-être l'aventure –convenue- avec sa collègue, et la scène vaudevillesque qu'elle entraîne lorsqu'elle rencontre la soeur de Maxime – mais avouons que nous ne sommes pas fleur bleue. Maxime est formé à décrypter les signaux envoyés par les autres, utile quand on est en salle d'interrogatoire, mais habile aussi à les écouter et à lire entre les lignes. L'auteur aussi, a cette finesse, usant de l'anaphore à bon escient – « Lisez ces pages, vous comprendrez tout ». Autant une adresse à l'enquêteur qu'au lecteur !
Autre point fort, les histoires sous-jacentes, avec les figures incontournables de la journaliste sans foi ni loi (les scènes en conférence de rédaction sont un poil caricaturales tout de même) et de l'avocat cynique (« Votre histoire vaut de l'or »). Les passages sur les réseaux sociaux, prompts à gloser davantage sur les victimes que sur leurs bourreaux, apportent aussi un plus, car aussi bien Victoria que Maxime doivent composer en fonction. L'histoire, située quelques décennies auparavant, n'aurait pas eu la même saveur sans ce ressort.
Nous avons beaucoup aimé cette histoire, nous y avons repensé. Oui, une victime peut en cacher une autre et un horreur, une autre. Oui, une victime a le droit de mentir. Oui, la résilience peut prendre de drôles de formes, merci monsieur Dennisson d'avoir si bien fait transparaître ces réalités tabouisées.
Je n'ai pas lu le premier (à aucun moment cela ne m'a gênée, mais je vais rattraper ça !) et je dis : Vivement la suite, car le mot FIN n'en est pas vraiment un.
Merci à NetGalley.