Legendborn a non seulement été une très bonne lecture, mais en plus le roman m'a rassurée sur le fait que non, lire en anglais n'influence pas mon ressenti sur l'histoire que je découvre. Comme en français, il y a seulement des romans qui nous touchent et d'autres non, et je n'ai juste dernièrement pas eu la chance de découvrir des univers avec lesquels j'avais des affinités. Et c'est un soulagement en soi, car j'ai bien l'intention de continuer à lire en anglais !
Legendborn avait beaucoup pour me plaire : les légendes arthuriennes mélangées à de la sorcellerie, le tout placé à notre époque, étaient déjà un très bon point. S'ajoute à cela : une société secrète, des démons, une quête, des mystères à résoudre, un brin de romance et une ambiance sombre. J'ai vraiment beaucoup aimé l'univers créé par
Tracy Deonn, qui est plein de détails et très riche. Certains ont trouvé toute la mythologie mise en place trop complexe, pour ma part, j'ai tout de suite été happée et je l'ai trouvée assez fascinante. Même les petites touches de gaélique étaient top, car immersives à souhait.
Tracy Deonn parle aussi de deuil dans
Legendborn. C'en est même la racine du roman. Elle le traite de façon touchante et réaliste, et pousse même jusqu'aux conséquences de la perte d'un être cher et de la façon de rebondir. Il y a par la même occasion une part de découverte de soi. Plusieurs personnages doivent faire face à qui ils sont, qui ils veulent être et pourquoi. Cela leur donne plus de consistance et de complexité. Les protagonistes ayant entre seize et dix-huit, c'est l'âge parfait pour ce genre d'introspection. Ils doivent également faire face aux actions de leurs parents, voire de leurs ancêtres, et décider s'ils veulent marcher dans leurs pas. Un schéma classique où l'on voit la nouvelle génération opérer une révolution.
Les personnages maintenant. Il y en a beaucoup, il faut donc bien s'accrocher à ce niveau-là, et je vais me focaliser le trio principal d'ailleurs. Bree est très réussie, et malgré son jeune âge (que l'on oublie d'ailleurs assez facilement), elle a une attitude plutôt mature et volontaire. Elle n'est pas parfaite du point de vue de la psychologie, ce qui permet de s'identifier assez facilement à cette héroïne qui sort de l'ordinaire. Nick est le gentil garçon qui cherche sa place. Il est plutôt lisse par certains côtés, mais ses nombreuses qualités font que cela fait du bien d'avoir un héros masculin qui sait s'effacer et qui ne roule pas des mécaniques. Sel est, à contrario, plus complexe, plus sombre, plus torturé. Pour moi, le personnage le plus réussi et j'ai adoré son évolution et surtout sa relation avec Bree.
Il y a aussi de très nombreux personnages secondaires très sympathiques. William notamment dont j'adore le flegme et Alice qui est un peu trop en retrait, et j'avoue parfois un peu trop « je me mêle de tout » ce qui est enquiquinant, mais de ce que l'on peut voir vers la fin, j'espère que son rôle évoluera de façon plus active.
Revenons un peu sur Bree. Cela fait plaisir de voir un personnage principal qui a du potentiel et de couleur (et que sa représentation soit correcte sur la couverture). Pour ma part, je ne fais pas vraiment attention à cela, je veux dire que le personnage pourrait être jaune, vert, rose… l'important, pour moi, est sa construction, mais à notre époque, je trouve cela plutôt chouette de voir émerger plus de diversité (présente aussi vis-à-vis des orientations sexuelles d'ailleurs ici). Cependant, j'ai trouvé que
Tracy Deonn se perdait un peu dans le message qu'elle voulait transmettre, en lui donnant un côté trop critique, voire stéréotypé. J'aurais adoré, à certains moments, voir quelque chose de plus éducatif et de plus nuancé. Et pas cette sensation de nous contre eux, mais plus nous avec eux, tout en gardant cette réalité du racisme moderne encore trop présent.
On est aussi face à la fin à une découverte, certes expliquée et plausible, mais qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe et donne à Bree cette étiquette de l'héroïne qui dépasse toutes les normes, en la rendant soudainement moins crédible. À vouloir jouer la carte de : la plus forte, la plus extraordinaire, la seule de sa génération, la plus intelligente… tout devient moins intéressant. La révélation sur Bree donne aussi l'impression que
Tracy Deonn a voulu faire de son héroïne un membre de la Société de la Table ronde à part entière, de la fondre dans le groupe, alors que toute la culture sur la magie créée par les noirs était absolument géniale et donnait l'opportunité à notre héroïne de damner le pion aux
Legendborn, en restant qui elle est. Elle aurait pu être cette outsider qui combattait avec les descendants des chevaliers, mais à sa façon. Je comprends aussi le choix de la mettre au-dessus et qu'il n'y ait pas d'ascendance sur elle pour briser le cercle, mais encore une fois je suis plus dans le « vivre ensemble avec nos différences », que dans une domination d'un groupe. Et j'ai peur que par la suite, cette partie de l'histoire (concernant son héritage maternel) soit quelque peu noyée, alors que j'adorerais en découvrir encore plus sur la famille de Bree et les sorcières qui la compose.
Malgré ces points, j'ai passé un très agréable moment, et j'ai hâte de voir ce que la suite pourrait donner. Loin d'être un tome introductif, ce premier chapitre est plein d'actions, de découvertes et pose très bien ses bases. La quête de vérité est prenante et les personnages sont attachants et très réussis, même si les méchants sont un peu manichéens. Les révélations des dernières pages ont un énorme potentiel, et j'espère les voir prendre de l'ampleur par la suite.