Citations sur Une partie de chasse (40)
C'est bien ce que je disais, bougonne le lapin, excédé. Vous séparez. Vous divisez. Vous vous croyez supérieurs pour cette raison, mais vous êtes vos propres dupes. J'ai beaucoup de tendresse pour toi, jeune homme, mais j'ai honte quand je t'écoute. J'ai honte de l'existence morcelée que tu mènes.
Absence de continuité. Classification stérilisante. En catégorisant, tu assassines. Cette femme, Emma, si tout est raté avec elle, quitte-la. Et ne me parle pas d'amour. Comme si je ne savais pas ce que c'est. Votre passion guindée, votre distance, le respect qu'elle t'inspire. Foutaises.
S'intégrer, qu'est-ce que c'est ?
C'est vivre selon les lois de l'espèce, répond le lapin. C'est faire ce que l'instinct te dicte. Moi, par exemple, j'ai trois missions : me nourrir, me reproduire, échapper aux prédateurs. Pour toi, c'est plus compliqué, vos vies sont plus longues, vos amours aussi.
Nous n'avons pas le choix, nous ne nous posons pas de questions, nous baisons pour survivre, ça s'appelle la perpétuation de l'espèce. Vous, vous vivez pour baiser, ça s'appelle le sexe. ... C'est si compliqué pour vous, alors que pour les animaux, c'est fonctionnel.
dixit le lapin
Nous avons tellement œuvré pour prolonger nos vies, pour les améliorer, que le dernier refuge de la créativité se loge dans la destruction. L'art doit poser une bombe. Si tu ne poses pas une bombe, tu es mort.
Emma est plus grande que lui. Plus lourde aussi. On dirait un chef indien, se dit-il parfois. Il adore son corps. C'est son pays. Le seul territoire où il se soit jamais senti chez lui. Il en est devenu le cartographe, l'expert.
Il avait dix-huit ans. Tout arrivait trop vite dans sa vie. Il avait l'impression que quelqu'un avait tourné la molette du temps et que son existence se déroulait en accéléré.
Tristan se demande comment une dispute [entre chasseurs] se termine quand on a un fusil chargé à la main. (p. 18)
« J’ai trouvé ce qui nous sépare, toi et moi. Vous et nous. La conscience de votre propre finitude, vous l’avez, je l’accepte, je le constate, mais ce qui vous manque, c’est la conscience de la finitude de l’autre. L’amour naît de là. » (p. 130)
Un père ? demande le lapin. Qu'est-ce que c'est ?
C'est le mâle qui a engrossé ta mère.
Jamais vu, répond le lapin. Jamais entendu parler.
Il n'y a pas eu de mâle auprès de toi, auprès de ta mère
pendant que tu grandissais ?
Non. À quoi ça sert, un père ?
À donner des ordres, à enseigner les règles, fait Tristan, sans réfléchir.
Alors ça sert à rien, réplique le lapin. Chez nous, il n'y a
pas de règles. Nous n'en avons pas besoin. L'instinct, la chance et la poisse sont les trois piliers de nos existences misérables.
p.69-70
Connaître la nostalgie poignante qui étreint le coeur des adolescents. Quelque chose en eux pleure l'enfant qu'ils ne sont plus et c'est un chagrin magnifique et muet.