Une voix qui semble avoir inventé l’éternité, et vouloir prendre l’éternité seulement pour raconter son histoire – mais qui ne rend compte au fond que d’elle-même. Jalonnée d’arrêts, de pauses, parce que habituée à son esseulement, elle n’a pas à se précipiter ayant tant attendu ; et puisque parler ou ne pas parler, c’est aussi la même chose à la fin, la chose rien moins que nécessaire quand on le sait.
On vit son malheur toujours seul.
L’orgueil. L’orgueil à jamais invaincu, à jamais indompté. J’ai voulu sourire. Mais la pâle éclosion qui m’a paru effleurer mes lèvres, je l’ai sentie s’éteindre aussitôt comme un aveu d’impuissance. J’ai courbé le front. Une violente rancune s’engouffrait dans ma poitrine ; une horreur, une hostilité sans nom. Je me suis forcée pourtant à relever la tête.
Ce peuple qui s’endort très vite est aussi un peuple qui se réveille brusquement. Qui pourrait dire ce qui fermente dans les recoins obscurs de sa conscience en cet instant précis ? Alors il nous faut veiller. Nous ne devons jamais laisser passer le temps de faire une chose – de ramener l’ordre là où il semble menacé, avant même qu’il le soit.
– J’en conviens, il y a beaucoup de choses à aimer sur terre.
– Tu veux dire à adorer.
– La femme, dis-je intentionnellement.
– Les femmes ! rectifie-t-il. Chacune avec sa beauté, chacune avec son mystère, qui n’est pas illusion.
Aime ton prochain comme toi-même ; c’est tout ce que je trouve à penser.
Certaines personnes nous empêchent de dormir seulement parce qu’elles existent, seulement parce qu’elles sont ce qu’elles sont. Nous voudrions que le passé, et tout un tas de gens, un tas d’histoires, cessent d’exister à cause d’elles. Mais ils n’en finissent pas de nous filer le train.
Toute l’aventure de l’homme, j’en conviens, est dans le défi. Non dans la soumission, non dans l’imitation. C’est l’apparent progrès importé qui risque de faire échouer cette aventure chez nous, un progrès reçu plus comme un coup de masse que comme un bienfait. Chez nous plus qu’ailleurs.
S’il faut que le mal purifie le monde de tant d’égoïsme, de veulerie, d’infamie, laissons-le tout envahir. Peut-être que l’innocence viendra après !
Gardez-vous d’avoir honte une fois la victoire remportée : vous n’aurez pas plus de destin, dans ce cas, qu’un ver de terre. Vous l’aurez payée plus cher qu’une défaite ! Ne vous demandez jamais si vous êtes un tricheur si le sort décide de se ranger de votre côté, s’il lui prend la fantaisie de le faire. L’enjeu que vous risquerez sera le plus élevé qu’un homme soit capable de miser. Mais là sera votre vertu. Seule la pierre est innocente !