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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce qui distingue une histoire post-apocalyptique d'une autre, c'est qui la raconte et comment. En un mot, la voix. À cet égard, celle de Carola Dibbell est à coup sûr singulière.
Sous la forme d'un monologue intérieur un brin désordonné, elle donne la parole à une jeune femme analphabète qui a vécu une grande partie de son existence cloîtrée dans une cave et qui se prostitue depuis la mort de sa mère adoptive.
La plus grande difficulté pour le lecteur est le lâcher-prise. Il faut qu'il accepte une langue plutôt enfantine avec une grammaire approximative, des fautes d'orthographe et des formules répétitives. Mais ceux qui ont achevé la lecture d "Enig marcheur" de Russell Hoban ou du "Livre de Dave" de Will Self trouveront la lecture de celui-ci d'une desarmante facilité.

Moira, surnommée Moi, erre dans un monde en proie à d'incessantes pandémies, mais elle appartient à la catégorie des Vivace Dolls qui sont mystérieusement immunisées contre toutes les maladies. Elle gagne sa vie en se prêtant à différents tests, en vendant son sang, son urine, ses dents ou ses cheveux et en se prostituant si besoin.
" C'est ça qu'ils veulent d'habitude là où je bosse. C'est débile, mais plein de gens se mettent dans la tête que s'ils arrivent à baiser avec une vivace de Powell's Cove, ils vont pas mourir… et ben c'est une clientèle assez idiote. Mais ça, c'est pas mon problème. Moi j'aimais pas trop ça baiser, alors je proposais d'autres trucs, genre du sang ou de l'urine. Mais j'ai aucune idée ce qu'ils en faisaient. Ils achetaient même des dents des fois. Je crois bien ils les accrochaient sur une ficelle autour de leur cou, comme un porte-bonheur. Ils achetaient même des ongles."

Dans ce futur chaotique où l'État et la protection qu'il accorde aux plus faibles se cantonnent au strict minimum, la grande question est celle de la fertilité. Pour faire face aux épidémies, les expérimentations les plus farfelues se sont déroulées au mépris de toute déontologie et des tas de bricolages génétiques ont causé une stérilité quasi universelle. La recherche d'un génome sain est un enjeu considérable et si le clonage est strictement interdit, des laboratoires clandestins appelés fermes semblent exister sur toute la planète.
Ils sont cependant menacés par les Chevaliers de la Vie, des fanatiques religieux qui brûlent les fermes isolées où se déroulent ces expérimentations.

Lorsque Moi rencontre Rauden, un fermier-généticien, elle est embauchée pour fournir du matériel génétique à une mère riche et désespérée , qui vient de perdre ses quatre filles et qui veut acheter un enfant résistant aux virus.
Carola Dibbell dévoile alors une qualité insoupçonnée chez son héroïne que l'on croyait un peu attardée. Elle témoigne d'un réel bon sens et d'une réelle curiosité scientifique lorsque le processus de fécondation se met en place.
Ovule, cellule, cryoPak, soma, enucleation, noyau, mitochondrie : le vocabulaire assez pauvre de Moira s'enrichit alors d'un lexique insoupçonné et elle montre sa fascination pour des manipulations très techniques.

L'auteure partage cette curiosité qui va prendre une large place dans la narration. Tout le processus du clonage est décrit en détail par la voix de Moi qui nous épargne ainsi un discours trop scientifique. L'intrigue repose alors sur les épreuves et les tribulations de Rauden qui, dans des conditions pour le moins rustiques, doit créer des utérus artificiels capables de donner naissance aux embryons clonés. Les lecteurs assistent abasourdis à des FIV tentées avec les ovules de Moi et du sperme congelé, puis au clonage de Moi en utilisant Rini ( la riche cliente) comme donneuse d'ovules, enfin au clonage de Moi avec ses propres oeufs.
En partageant les expérimentations avec ses lecteurs, l'auteure transmet à la fois sa fascination et ses interrogations face aux enjeux éthiques de ces expériences.

Lorsque la cliente refuse le bébé cloné, Moira se retrouve responsable d' Ani, la petite fille, alors qu'elle n'a jamais vu de bébé auparavant . Elle va devoir veiller à sa survie et l'éduquer, en évitant les autorités et les fanatiques religieux, mais aussi en essayant de fournir à Ani l'amour qu'elle même n'a jamais eu.
Sur une trame minimaliste, l'autrice nous livre un roman d'apprentissage, celui d'une femme qui devient mère sans l'avoir souhaité dans un monde en plein chaos.

Le quotidien est rythmé par des déplacements incessants dans une ville où les transports publics sont un défi permanent, alors que Moi cherche la meilleure école possible pour Ani. Avec une touche de dérision, l'auteure met en scène des bureaucraties scolaires exaspérantes, signifiant que le seul ministère qui fonctionnait encore, celui de l'Education, n'existait que pour complexifier la vie des survivants. Dans ce décor des années 2060, on assiste également à l'amplification des ghettos et des inégalités sociales comme si, au-delà des impératifs sanitaires, il était indispensable de préserver certains privilèges dans des quartiers armés et de livrer le reste de la population à la loi de la jungle.

Ce roman nous plonge dans une exploration de la reproduction expérimentale et des questions éthiques qu'elle peut susciter. Mais il nous fait aussi découvrir ce qui fait le lien entre une mère et un enfant, ressentir à quel point une différence peut être un handicap et puis devenir une force.
Le titre au pluriel, "The only ones" met l'accent sur cette force en devenir et délivre finalement un message positif.
" Etre normale c'est pas une garantie que les choses vont bien se passer. Y a toujours des imprévus dans l'Industrie de la Vie. Même la bonne vieille manière normale, quand les gens avaient des enfants avec des rapports sexuels homme /femme non protégés, tu sais ? Franchement je crois que même là, personne a jamais vraiment su ce qui allait se passer. Ya toujours eu plein de facteurs et même de la chance. "

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En l'an 2060, l'humanité a été décimée par des pandémies successives, des grippes, des filovirus, le Bombay, le Luçon… Moïra, une jeune femme d'une trentaine d'années, issue du quartier du Queen's à New York, tente tant bien que mal de survivre. Orpheline, recueillie bébé par une femme nommée Cissy Fardo qui la cachait dans un sous-sol pour la protéger du monde et de ses dangers, elle s'est trouvée livrée à elle-même dès ses dix ans, suite à la mort de sa protectrice dans un incendie. Sans éducation, sans ressources, elle n'a que son corps à offrir pour se nourrir, se loger… Car elle détient un trésor inestimable « Moi » comme on la surnomme : c'est une vivace doll. Cela signifie que son corps contient une immunité contre toutes les maladies connues et répertoriées. le pire des dons pour la jeune femme, de ceux qui conduisent tout individu qui en a la connaissance à désirer exploiter son corps pour en faire bénéficier tous les autres… mais il lui faut bien continuer à vivre alors elle accepte tout type de contrat. Et le dernier en date que lui offrent Rauden et Henry, c'est de contribuer à cloner des bébés, en bonne santé et résistants, comme elle. Et là encore, bonheur et malheur se fondent : la cliente change d'avis et offre à Moïra le défi de sa vie : devenir mère.

Me voici bien attrapée avec ce premier roman de Carola Dibbell, surtout connue pour être journaliste et critique musicale, genre rock et punk, mais aussi pour son activisme féministe. Je ne m'attendais pas à cette écriture âpre, ce récit rédigé tel que Moïra s'exprime, avec ses mots et ses structures de phrases, sans véritable vocabulaire ni grammaire… Il m'a fallu m'accrocher sur les 50 premières pages mais très rapidement, j'ai dépassé cette petite difficulté pour entrer totalement en empathie avec notre héroïne. À se demander si je l'en ai pas plus aimée finalement… sa bonté, sa naiveté, son altruisme s'en trouvent sublimés, magnifiés.
C'est un roman dystopique captivant, qui traite de la pauvreté et de la précarité, de la condition de la femme, de la parentalité, de l'identité et de la transmission… C'est un récit troublant de par sa forme et ce qu'il nous renvoie, et surtout, une très belle rencontre. Moïra Kissena Fardo est un personnage féminin que je ne risque pas d'oublier de sitôt.
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Je vous présente aujourd'hui petit bijou de science-fiction.

Dans une langue orale déroutante, brute, « The only one » est d'abord une voix, celle de Moïra, dites Moi. Une voix chaotique dans un monde qui ne l'est pas moins.

Rentrer dans ce livre n'est pas chose facile tant le monologue décousu et désordonné de la narratrice ne cesse de nous faire trébucher. Mais pour peu que l'on s'accroche et c'est un univers incroyablement riche et original qui se découvre. En résonance constante avec notre époque, « The only one » interroge notre présence au monde à travers l'amour filiale, une aventure tout aussi palpitante qu'une autre.

La restriction des libertés semble être la réponse au moindre problème (ici des pandémies à répétition ), la « bonne marche » de la société s'accommodant sans problème de laisser la plupart sur le bord de la route, et la résistance, le réflexe s'y opposant.

Sans manichéisme l'auteur creuse un étroit chemin entre ces deux voies. Et l'acte de résistance ultime devient la maternité, envers et contre tous.

A la lecture de ce roman on pense bien sur à « la servante écarlate » de Margaret Atwood. Mais contrairement à Defred, Moi, qui n'a aucune éducation et à poussée comme une mauvaise herbe devra se fier à son instinct pour protéger cet enfant.

Pour moi, l'un des meilleurs romans d'anticipations de ces dernières années, à ranger au côté d'Alain Damasio et de Jeroslav Melnik
Lien : https://bonnesfeuillesetmauv..
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Une vertigineuse éducation sur le tas, dans la jungle des pandémies et des opérations génétiques de fortune.

Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2017/08/23/note-de-lecture-the-only-ones-carola-dibbell/
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Chronique de Diana :

Je crois que cette parution est tout à fait dans l'air du temps et même si la trame de base n'est pas novatrice, elle a tout le même le bénéfice de nous plonger dans une vision d'un monde pas si éloignée du nôtre.

Dans ce monde ravagé par diverses pandémies, les hommes vivent constamment dans la crainte de périr d'un nouveau virus. Peu sont immunisés contre ces derniers mais ce n'est pas le cas de notre héroïne, Moïra fait partie de ceux qui sont hors de danger à ce niveau. Bien que sa vie sur les docks du Queens à New York est loin d'être enviable.

Ce qui est intéressant c'est de voir comment les choses ont évolué, la lutte des classes, le fait que les infrastructures n'ont pas pu suivre avec la succession d'épidémies et qu'au final la population n'a pu être instruite ou tout simplement préservée. C'est un récit assez dynamique, même s'il n'est porté que par Moïra et ses réflexions.

Au final c'est la fertilité qui est la plus grande menace pour cette époque, les vaccins successifs ayant considérablement diminuée cette dernière. le marché noir de la reproduction bat donc son plein et Moïra va aller vendre son appareil reproducteur pour une femme qui a perdu ses filles. Cette nouvelle reproduction est plus du clonage et Moïra va se retrouver mère parce que la cliente change d'avis au final.

Pour cette jeune femme qui a toujours du survivre plutôt que vivre, se retrouver à protéger un enfant de la violence de ce monde sans ressources est un véritable challenge. Notre personnage ignore tout de la maternité, n'étant pas éduquée, on sent qu'elle se raccroche à tous les conseils qu'elle pense être bons. Mais l'humain a tout de même des instincts grégaires qui resurgissent alors qu'on s'y attend le moins.

Ce rajoute à ça la question éthique sur engendrer des enfants qui ont pour but d'être immunisés et donc qui peuvent vendre des dents, du sang, de la peau… C'est assez perturbant car au final, est-il réellement considéré comme une personne à part entière dans cette société ?

C'est un très bon récit, perturbant il faut l'avouer. Sa diction, la construction et les interrogations peuvent mettre à mal le lecteur. Mais il ressort aussi une telle force de ce personnage que rien n'aide et qui pourtant est capable de tout pour son enfant ; de vouloir lui construire un futur meilleur que celui qu'on lui prédestinait.

J'ai beaucoup aimé, à la fois l'humour, la tendresse et l'espoir qui ressortent de ce récit alors que la violence, les inégalités et la maladie ravagent ce monde. Une plume atypique mais efficace qui saura toucher les lecteurs sans nul doute.
Lien : https://followthereader2016...
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