- Dites donc l'écrivain, il serait peut être temps de vous remettre vraiment au boulot...
- Comment ça ? Je sors un bouquin tous les deux ans, ils se vendent comme des petits pains et je viens même de créer ma propre maison d'édition...
- Et bien justement, l'écrivain, maintenant que fortune est faite, que diriez vous de prendre le temps nécessaire pour nous sortir enfin un roman de qualité et pas une histoire calquée sur les précédentes ?
- Je vous trouve très sévère... Mon dernier roman est tout de même de bonne facture, non ?
- Pas vraiment Marcus... Depuis l'excellent "Harry Québert", tout va de mal en pis et après un bon début où j'ai cru entre apercevoir l'espoir que vous ayez enfin renoué avec une écriture de qualité, votre "affaire Alaska Sanders" n'a fait que confirmer que finalement votre premier polar n'était qu'un feu de paille.
- Je ne vous comprends pas ; j'ai pourtant convoqué pour celui-ci tout ce qui a fait mon succès : les Goldman, Harry Québert, le sergent Gahalowood, des rebondissements à foison, des fausses pistes en veux tu en voilà, des flash-backs, des flash-back dans les flash back, j'ai même calqué la narration sur celle de Harry Québert...
- Et bien justement, l'écrivain, tout le problème est là... Vous nous refaites le même coup à chaque fois sans jamais vous renouveler.
Je vous accorde que "
l'affaire Alaska Sanders" est moins mauvais que ne l'était "
l'énigme de la chambre 622" mais ça n'en fait pas pour autant un bon bouquin.
- Mais enfin, qu'est ce que vous lui reprochez ? (puisque vous dites vous même que c'es un copié coller de "Harry Québert" que vous avez beaucoup apprécié)
- Je me suis ennuyé, l'écrivain, je me suis ennuyé.. Je me suis ennuyé parce que je vous connais maintenant.
Je me suis ennuyé parce que je savais à l'avance que toute l'histoire n'était qu'un prétexte pour pouvoir nous proposer un final alambiqué où chacun des derniers chapitres est simplement l'occasion d'une nouvelle fausse piste finale... démentie dans l'acte suivant qui nous propose une nouvelle explication... qui sera à son tour contredite par la suite.
- Mais c'est ce qui fait le sel de l'ouvrage ! Des rebondissements incessants, du re...
- Non Marcus, je ne peux pas vous laisser dire ça !
Votre livre est mauvais parce que vous n'écrivez plus pour raconter une histoire mais pour remplir des pages, parce que vous êtes tellement obnubilé par la nécessité d'écrire que vous ne vous souciez même plus de savoir si ça a du sens, vous ne vous rendez même plus compte à quel point certaines scènes sont tâchées d'incohérence... On n'y croit plus une seconde l'écrivain, c'est très mauvais, on n'a même plus envie de savoir comment va être menée l'enquête, on veut juste savoir qui a tué cette pauvre fille, ,on en est juste à attendre que tout cela se termine !
- Vous exagérez, et vous le savez très bien ...
- Evidemment que j'exagère parce que je croyais vous aimer et que vous m'attristez à chaque fois un peu plus.
Vous savez quoi, Marcus ? Je vous l'ai déjà dit mais cette fois-ci je vous le jure ; c'était la dernière fois que vous me déceviez. C'était la dernière fois parce qu'il n'y en aura pas d'autre.
Je ne peux plus vous faire confiance l'écrivain.
Je ne peux plus vous donner une chance de plus.
J'ai perdu assez de temps avec vous alors que bien d'autres méritent mon attention.
Vous avez trop joué avec le feu, Marcus, c'est terminé.
Je mérite mieux que ce que vous m'offrez
Adieu Marcus !