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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Maria, actrice de seconde zone, se prélasse dans sa villa de Beverly Hills. Au bord de la piscine, elle observe, à travers ses lunettes noires, le défilement de sa vie : un divorce en cours, une jeune fille internée à l'hôpital, des rôles de plus en plus insignifiants et éphémères. Dans ces moments-là, elle se sert un verre, prend deux cachets et la route à bord de sa corvette. Sans but, la plupart du temps… Rouler, rouler, jusqu'à ce que la lumière lui intime le désir de rentrer. Et puis des fois, elle pousse sur la Route 66, traverse Barstow, s'enfonce jusque dans le Nevada, et s'arrête à Las Vegas ou dans un coin de poussière qui s'appelle le Café du Crotale.

Bonsoir me dit-elle. Je regarde ma bière, n'ose pas relever les yeux vers cette voix. La radio passe un truc des Red Hot, dream of californicaaaaa… …tiooon… Je m'appelle Maria et vous ? La chanson est triste, un brin mélancolique comme sa voix. Je garde le silence, elle parle, les verres se vident. Sa vie, une série de scénettes sans intérêt et pourtant je m'y intéresse. Elle commande deux nouveaux whiskys. Les glaçons tintent dans les verres, la musique de ma vie. Sa vie, elle en pleure chaque nuit. Je regarde les étoiles, le bleu de la lune, les bleus à l'âme. Elle roule sur les longues lignes droites et désertes du Nevada, le vide de son existence, elle boit, elle prend des cachetons, elle baise ou se fait baiser. J'ai comme une vision cynique des années soixante-dix de ce monde-là, sous ton soleil implacable ton univers impitoyable.

Au revoir me dit-elle. Je continue de regarder mon verre vide, en silence. le silence du crotale qui glisse sur la poussière. J'écoute une dernière fois le vide de sa voix. Elle va reprendre la route, je reste dans la pénombre du Crotale. Mon univers à moi. Je me dis que Maria est une belle personne, qu'elle veut juste aimer, juste être avec sa fille. Putain de vie. Dream of californicaaaaa… …tiooon…
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J'ai déjà cité ici Joan Didion il y a quelques mois quand je l'avais découverte grâce à la réédition de son livre culte L'Amérique, emballé par ce livre j'ai voulu en savoir plus sur cette femme écrivain et je me suis plongé dans Maria avec et sans rien édité dans la très élégante collection Pavillons poche chez Robert Laffont. J'insiste sur l'élégance de cette collection, car si le texte est primordial, cela tombe sous le sens, quand l'édition est soignée c'est un petit plus qui s'ajoute au plaisir de la lecture.
Le roman est sorti aux USA en 1970 mais il garde néanmoins toute son actualité. Maria est une jeune femme d'une trentaine d'années, actrice de second rang, divorcée et mère d'une fillette internée pour troubles mentaux. Elle ne manque néanmoins pas de moyens financiers au vu de ses voyages et séjours à l'hôtel et repas au restaurant. Dépressive, elle sillonne la Californie en voiture, à la recherche d'une tranquillité d'esprit qui ne semble pas lui être destinée.
Le livre est très bien écrit, trop bien peut-être pour moi car j'ai eu beaucoup de mal à suivre le périple de cette femme qui ne sait jamais trop ce qu'elle veut, qui erre sans but précis, qui gâche des occasions de se remettre en selle. Tout à fait le genre de personne que je ne supporte pas dans la vie réelle mais c'est aussi tout le talent de l'auteur de nous mettre sous le nez un tel personnage aussi bien décrit. Quant à son entourage, la clique superficielle des « petits » de Hollywood qui ne connaissent que les ragots, les coucheries et la dope, il n'est pas fait non plus pour l'aider à se sortir de son marigot déprimant. Joan Didion nous livre là encore, une vision cynique d'une certaine Amérique. Heureusement que le livre n'est pas trop épais car je crois bien que je serai tombé moi aussi dans la déprime totale à suivre la vie de ces gens.
J'espère m'être fait bien comprendre, il s'agit d'un très bon livre mais il ne faut pas trop s'impliquer dans sa lecture sous peine de dépression.
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Le livre de Joan Didion s'ouvre sur trois témoignages. Celui de Maria qui nous raconte son enfance dans une petite bourgade du Nevada avec un père joueur mettant en place des projets perpétuellement voués à l'échec. Elle parle aussi de sa fuite à New York où elle commence une carrière de mannequin. Puis elle rencontre Carter, un jeune réalisateur, qu'elle épouse et avec qui elle a une petite fille Kate. Cette confession s'adresse à des médecins, on devine que Maria est internée. On ne tarde pas à savoir pourquoi grâce au deuxième témoignage. Hélène, une amie de Maria, nous apprend que celle-ci a tué un certain BZ. La troisième personne à s'exprimer est Carter qui repense à son mariage avec Maria, à ses attitudes étranges qui auraient dû lui faire comprendre le mal-être de son épouse.

Ensuite Joan Didion reprend la narration en main. Elle décompose la vie de Maria en 84 fragments, 84 courts chapitres. Ils décrivent un destin tragique, un être à la dérive, le revers du rêve américain. Maria n'a pas réussi à faire carrière comme actrice, elle a divorcé de Carter et leur fille est internée. Maria est perdue, elle passe ses journées à rouler sans but pour ne penser à rien. Elle vit pourtant à l'endroit où se cristallise le plus le rêve américain : Hollywood. Elle est entourée d'acteurs, de réalisateurs, de producteurs dont le fameux BZ qui la traîne de soirée en soirée. Mais Maria semble déjà morte, en dehors de la vie, ne ressentant plus rien, n'ayant plus d'espoir en rien. Elle va droit dans le mur jusqu'au drame :”Si Carter et Hélène veulent croire que c'est arrivé parce que j'étais folle, qu'on les laisse dire. Il faut bien qu'ils le mettent sur le dos de quelqu'un. Carter et Hélène croient encore au système cause-effet. Carter et Hélène sont également persuadés que les gens sont soit sains d'esprit, soit déments.”

Ecrit en 1970, “Maria avec et sans rien” est un livre culte aux Etats-Unis. Grâce aux éditions Pavillons de Robert Laffont, ce roman arrive enfin jusqu'à nous. Joan Didion a toute sa vie scruté son pays et l'a décrit avec une écriture au scalpel, crue, froide et sans concession. le mal-être de Maria est celui d'une génération, celle des années des 70 marquée par la guerre du Vietnam, plongée dans la drogue et agitée par les mouvements pour les droits civiques. La perte des illusions sur le rêve américain est très présente dans la littérature de ce pays, on pense à John Fante, Hubert Selby Jr et, plus proche, Bret Easton Ellis. Tous nous montrent la noirceur de l'Amérique, la vie de ceux qui n'ont pas eu de chance et que le rêve a laissés sur le bord de la route.

J'ai été au départ déroutée par la forme fragmentaire du roman qui picore dans la vie de Maria de manière anachronique. le livre refermé, j'ai eu un sentiment de grand pessimisme, d'un grand gâchis. Maria est le symbole d'une Amérique dépressive, se débattant contre le néant et sous prosac. “Maria avec et sans rien ” est un grand roman qui ne peut laisser indifférent, Joan Didion est un auteur de la trempe de ceux cités plus haut avec la même acuité de regard sur son pays.


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