Citations sur Un vrai jeu d'enfant (18)
Le garde du corps, là, je ne vais pas le maîtriser avec un peigne, tu vois. Il faut un minimum, juste pour être crédible, tu comprends. La psychologie, avec un flingue, ça marche quand même vachement mieux.
Il y a parfois chez les malfrats de brusques élans d’émotion sincère et ils ne sont pas toujours étrangers aux sentiments ordinaires. L’amitié reste pour eux une valeur forte, qu’ils respectent avec ferveur et dont la trahison tient du crime de lèse-majesté. Ce qui ne les empêche pas, bien entendu, de buter certains de leurs « amis » lorsque la situation l’exige. Et pour celui qui venait d’arriver je savais qu’il avait, à plusieurs reprises, eu à faire face à des situations extrêmement exigeantes… Il était dangereux et au-delà même de la menace physique qu’il incarnait, sa simple présence dans la même pièce que moi représentait un réel danger pour ma conditionnelle.
La prison n’apprend rien, je crois, elle vous brise juste. Elle vous enferme bien au-delà de ses murs et de ses lourdes portes. Et croyez-moi, jamais cliché n’aura porté autant de triste vérité.
Je suis encore jeune pourtant, enfin pas vraiment dans ce métier, mais plutôt jeune pour quelqu’un qui vient de faire dix ans de prison. Dix années en off et toujours aussi con.
Le commissaire principal Blier jette le dossier sur mon bureau du geste auguste d’un improbable empereur romain. Puis il me donne une petite tape amicale dans le dos et me sourit avec enthousiasme. Je lève la tête vers lui, l’air plus abattu et plus fatigué que jamais.
— Vous sortez de la boutique par-derrière et vous allez prendre le métro. Vous vous rendez à pied chez le photographe, vous attendez qu’il ait terminé son job et vous repartez. Vous voyez, c’est très simple, mademoiselle, très simple et très linéaire. Vous avez bien compris ?
Évidemment, j’ai compris. Des phrases courtes, des verbes d’actions : sortir, attendre, prendre, repartir… J’ai fait des études, messieurs, même si elles ne sont pas encore tout à fait terminées.
Allongé dans mon sang, j’observe le ciel, je le regarde parce que je ne peux rien voir d’autre. Tout devient blanc, de plus en plus blanc. Je sombre doucement dans un univers ouaté où chaque couleur perd peu à peu de sa substance pour se fondre dans un brouillard immaculé. De gros nuages cotonneux envahissent mon champ de vision. Je les reconnais, ces nuages. Ce sont les mêmes qui, il y a peu de temps encore, s’accrochaient bien haut dans le ciel, inaccessibles, indifférents au monde. Ils sont descendus si vite. Ils me recouvrent maintenant et m’entourent d’une infinie quiétude emplie de silence mais aussi de cette sourde souffrance qui contribue à mon abrutissement. Il y a quelqu’un, là, près de moi, je le sens. Quelqu’un qui tente de me parler, qui me touche… Laissez-moi tranquille, s’il vous plaît, laissez-moi flotter dans mon océan de douleur au cœur de mon joli petit royaume de coton.
Je n’avais jamais tué personne avant aujourd’hui, même si j’en avais eu parfois l’occasion. Pourtant là, tout de suite, je ne me sens pas le courage de m’interroger sur la portée morale, forcément morale, de mon acte. De toute façon, je n’en aurai pas le temps.
Une douleur sourde, dense, insupportable, de celles qui vous ravagent le corps et vous explosent la tête, de celles qui vous submergent la conscience et vous donnent une furieuse envie de sombrer. Une douleur dont maintenant je n’identifie plus vraiment l’origine tant elle est devenue envahissante, perpétuelle…
Je souffre encore tellement. Peut-être un peu moins que tout à l’heure, juste après les coups de feu. Le choc a été brutal, d’une violence inouïe. Je me suis retrouvé par terre dans l’herbe jaune, puis il y a eu tout de suite cette atroce sensation de brûlure. Comme si on venait de mettre le feu à mes entrailles.