Citations sur Rouvrir le roman (53)
Le roman as usual, qui se répète avec succès, demande un sujet à la mode, une intrigue vraisemblable et haute en couleurs, des personnages bien campés, auxquels on peut s'identifier, un style d'une lisibilité digeste, quelque chose de clair, d'immédiatement compréhensible et reconnaissable.
Henry James disait que lire provoque deux réactions : le « c'est bien ainsi » qu'on éprouve en lisant une description de nos sentiments mieux que nous le pourrions faire ; et le « C'est donc ainsi » que l'on ressent face à des aventures qu'il nous est permis de vivre par procuration. Un roman nous confronte par avance à des expériences émotionnelles, d'où son rôle dans la construction de soi, notamment chez les plus jeunes. Les lecteurs sont sensibles à ce qui les secoue, les console, les aide à vivre, les révolte, aux comportements décrits, au fait que les personnages puissent être des exemples ou des contre-exemples
Aucun art ne s'enferme dans un dogme sans perdre son âme, et cela fait peur à celui qui veut réfléchir. Mais la théorie n'est pas le dogme, elle est au contraire un outil, discutable et pratique, qui évolue pour rester efficace. Toute théorie, pour être féconde, doit être un appui pour l'écrivain.
(...) les lecteurs ne sont pas une entité anhistorique, mais une communauté à construire, voire à prendre à rebrousse-poil; que se faire reconnaître peut prendre du temps; et que, quand bien même les lecteurs ne suivraient pas tout de suite ni en foule, cela vaut la peine d'aller jusqu'au bout de ce qu'on a dans le ventre (...)
Si nous voulons changer le roman, c’est avant tout pour le plaisir.
Expérimenter de nouvelles formes, c'est donc non pas forcément croire qu'il y a un progrès en littérature, mais prendre le risque de confronter le roman à la vie contemporaine. Cette recherche de nouvelles formes remplit deux fonctions très importantes. Premièrement, elle apporte des plaisirs nouveaux aux lecteurs et, partant, rend nécessaire le roman comme forme d'art. Deuxièmement, elle permet au roman de dire quelque chose de notre époque qui ne peut être dit que par le roman et par cette époque.
Cette dimension morale, ou, pour le dire autrement, l'épaisseur humaine d'un texte, est-elle extérieure à la littérature ? Est-ce un échec de constater que les lecteurs vivent certaines lectures comme une interpellation existentielle autant que comme une jouissance esthétique ?
Si nous revenons sur le premier point, le roman, comme la musique ou la peinture, fait partie des trésors culturels de l'humanité. En tant que romancier ou romancière, j’œuvre donc à la préservation de ce trésor afin que la lecture romanesque apparaisse comme un acte culturel important à l'humanité. Là est notre vocation, notre utilité.
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Trop souvent considéré comme un supplément d’âme ou un enfantillage, le comique est un ferment intellectuel majeur dans la création artistique.
La plupart des écrivains ne sont pas des êtres combatifs, sinon ils seraient mieux adaptés au capitalisme et ne seraient pas écrivains.