Dans ce roman, il est question de Soudabeh et Zahra, deux filles magnifiques dont les chemins vont se séparer et qui connaîtront pourtant le même destin : elles deviendront prostituées.
Mais cela, elles ne le savent pas encore lorsqu'elles sont amies en étant plus jeunes.
Mais plutôt que de s'arrêter à ce récit fictionnel sur ces deux héroïnes, l'auteur va aussi compléter son récit avec des témoignages de prostituées qui ont été assassinées.
Certes, ces récits sont eux aussi fictifs, mais les crimes sont eux bien réels.
Car être fille en Iran, c'est plus que l'enfer : "Naître fille dans ce pays est un crime en soi.", et pour être considérée comme une pute il n'y a qu'un infime pas à franchir : "Un rien fait de vous une pute, dans cette contrée. Femme, dès qu'on vous remarque, pour quelque raison que ce soit, vous êtes forcément une pute.".
Alors que des femmes soient assassinées en étant désignées immédiatement comme des prostituées, pour certains c'est bien fait pour elles et inutile d'aller chercher plus loin et surtout pas la vérité : "Qui mènerait ici une enquête digne de ce nom pour une pauvre femme dont la vie ne valait que la moitié de celle d'un homme ? Déjà que la vie d'un homme ne valait pas grand-chose.".
Ceci n'est pas une fiction,
Chahdortt Djavann part de faits réels : dans plusieurs villes d'Iran et depuis plusieurs années des femmes sont retrouvées assassinées sans que cela émeuve qui que ce soit dans la population.
Et c'est à travers le prisme de la fiction que l'auteur va dénoncer plusieurs choses : que le système islamique contrôle tout, que le voile est une prison pour les femmes, que les hommes les asservissent ainsi et les utilisent pour assouvir leurs frustrations, particulièrement sexuelles.
Car ne soyez pas étonnés, mais dans un pays tel que l'Iran la prostitution est omniprésente : "Ici, sur cette terre sacrée de l'islam, souillée pourtant par le péché, Shéhérazade et ses mille et une nuits de fables se muent en une seule nuit et mille et une fornications.", à tous les coins de rue et ce malgré les tchadors : "Tâche ardue et contradictoire. Elles portent le hijab le plus sévère et parviennent à se prostituer sans montrer la plus infime parcelle de leur corps. du grand art !".
Il ne faut point juger ces femmes, bien souvent la prostitution est le seul recours qu'elles ont, dans un pays où le chômage explose tout comme le trafic de drogue.
Chahdortt Djavann a placé la femme au coeur de son récit, et montre à quel point il est difficile, pour ne pas dire sans issue, de naître tout simplement femme dans certains pays : "Habiter un corps de femme, dans l'immense majorité des pays musulmans, est en soi un une faute.".
Elle n'hésite pas à dénoncer de façon percutante l'hypocrisie des islamistes qui asservissent ainsi les femmes tout en se parant du voile de l'innocence et du droit divin.
Difficile de ne pas être bouleversée par ce texte, ni dérangée par la puissance des mots qui frappent toujours justes.
Par moment ce récit m'a mis mal à l'aise, le dégoût m'a entièrement envahie et bien souvent j'ai été au bord de la nausée, parce que ce que je lisais dépassait tout ce que j'avais jamais pu (naïvement) imaginer sur le sujet.
Et c'est sans doute la plus grande force de ce récit, l'uppercut qu'il déclenche à chaque phrase ou presque, parce que de temps à autre cela fait du bien de s'en prendre en pleine figure avec une lecture.
Si "
Les putes voilées n'iront jamais au paradis !" tant mieux pour elles, et pour toutes les autres femmes, car ce n'est point un paradis qui leur est promis mais un enfer pur et simple qui commence sur terre, quel formidable roman de
Chahdortt Djavann.
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