Quand il a commencé, avec son accent de là-bas, à me parler de la tour Eiffel, de Kinder Bueno et d'Aubervilliers, j'ai compris qu'il voulait me casser le moral. Grassouillet et prétentieux, il était venu, par avion, de l'autre côté de la mer, et moi j'essayais de passer de bonnes vacances dans le camping de Salamane. Ce matin-là, il portait un maillot de bain orange orné d'un Mickey aux grandes oreilles noires qu'il avait, bien sûr, acheté à Eurodisney et des palmes plus longues que ses jambes. Je n'étais pas non plus jaloux de sa montre de plongée, mais je ne sais pas pourquoi, je me suis mis à pisser dans l'eau.
Le pauvre Butagaz trouvait, lui aussi, rarement le sommeil.
La casquette en déroute, il errait, tel un boxeur sonné, parmi les tentes et les allées encombrées.
Depuis longtemps il avait jeté l'éponge, vaincu par la grosse chaleur et par tout ce qui l'entourait.
Près du transformateur électrique, sentant la poussière, le tabac et la démission, se trouvait le bureau-chambre à coucher de Butagaz, le gardien.
La cinquantaine ronde, court sur pattes, une casquette de base-ball sur la tête, le visage rouge, une dent en or sur le devant, il suait, telle une motte de beurre au soleil, en essayant de mettre un peu d'ordre dans le campement.