Le titre français est pitoyable, le titre original -Trigger- excellent; fallait-il qu'un éditeur juge nécessaire d'imprimer sa marque canine, en l'occurrence pompeuse et plutôt inconsistante? Passons, l'essentiel n'est pas là.
Ce premier ouvrage de
Wulf Dorn est un patchwork assez surprenant qui, après m'avoir fait passer par différents états- curiosité, déception, vague ennui, quelques frissons légers, intérêt recouvré, questionnement- me laisse finalement perplexe.
Dans la colonne des mécomptes, le recours quasi-systématique de l'auteur à la facilité confinant à l'occasion à l'invraisemblance pour déboucler des positions patiemment élaborées et qui auraient mérité un meilleur sort; une relative incapacité à créer et maîtriser une ambiance forte, accaparant et transportant le lecteur tout au long de la fiction; la pauvreté-comme si l'auteur n'y attachait aucune importance- de l'analyse des caractères; pas mal de clichés.
Au compte des satisfactions, un thème plutôt original, une construction linéaire - à une exception près- le servant de façon efficace dont l'absence de complexité laisse libre de se concentrer sur l'enchaînement de situations , de réguliers clins d'oeil amicaux au lecteur, tenu par la main au travers des quelques solutions possibles au problème posé; remarquons en passant qu'à chaque étape, aucune des explications envisagées puis éliminée par Ellen ne peut être définitivement exclue en tant que solution du problème, ce que je prends pour une habilité "au second degré" de l'auteur.
Et dans le no man's land, cause de ma perplexité, deux points:
- une sorte de mystification causée par la "bâtardise" du procédé d'écriture s'agissant d'Ellen: l'emploi d'une caméra clairement non subjective (les agissements d'Ellen sont rapportés comme vus objectivement par un oeil extérieur qui parle de "Ellen" ou de "elle") mixé avec l'exposé des pensées d'Ellen exprimées par elle-même; d'où le recours obligatoire à une particularité typographique- ici l'italique- pour rendre le récit compréhensible; le procédé n'est pas pur et pèse sur la cohérence globale du récit même si je dois reconnaître qu'il concourt, à ce prix, à produire de "l'angoisse", qui pourrait par ailleurs faire défaut,
- une forte incertitude sur l'issue de l'intrigue puisque l'auteur ménage, de façon relativement classique, la possibilité de deux explications, plus ou moins enchevêtrées; on apprécie ou pas cette latitude laissée au lecteur; je considère qu'il s'agit d'un choix légitime de l'auteur et suis prêt à m'en accommoder à la stricte condition que les deux scénarios d'élucidation soient chacun en parfaite cohérence avec la totalité des événements rapportés au fil de l'ouvrage; j'avoue avoir quelques doutes mais n'avoir pas pris le temps de la vérification, investissement non rentable de mon point de vue.
En synthèse, vite lu (une journée) et pas si mal! auteur qui doit travailler et à suivre.