La lecture de mon premier roman de
Dostoïevski (après «
Les Nuits blanches » qui m'avait prodigieusement ébloui, et qui siège maintenant très haut parmi mes nouvelles préférées) fut, je dois dire, particulièrement ardue.
Après un premier chapitre difficile, je me suis rapidement laissé prendre par cette intrigue assez originalement conçue : l'auteur n'a visiblement construit aucun plan et s'est laissé porter lui-même au fil des péripéties, à grand renfort de splendides commentaires sur la nature humaine, exprimés au détour de conversations par des personnages qui reflètent sans nul doute l'opinion de
Dostoïevski lui-même. Cette structure m'a beaucoup plu, elle permet à mon sens de construire une oeuvre au visage de son auteur, au prix certes de quelques longueurs.
Seulement voilà : ce procédé m'a fortement rebuté pendant une très longue partie du roman, le troisième quart à peu près (ce qui correspond à 200 pages, quand même), pendant laquelle tout le déroulé de l'intrigue m'a proprement glissé entre les doigts. Je ne saisissais plus rien aux motivations des personnages et l'histoire (cette fois quasi exclusivement bâtie sur des digressions) me passait par-dessus la tête. Est-ce purement ma faute car j'avais hâte de terminer cette lecture qui traînait sur un mois ? sans doute. Voilà qui explique en tous cas la perte d'une étoile.
Je retire une demi-étoile supplémentaire pour le style qui m'a légèrement déçu. Je n'ai en effet pas trouvé de véritables fulgurances formelles dans l'écriture de
Dostoïevski — cette écriture est splendide, je ne le nie pas, et particulièrement fine dans ses analyses psychologiques, mais elle ne présente pas à mon sens, ou du moins pas en traduction, de formule élégante, de mot intéressant, qui aurait su m'émouvoir.
Malgré ces deux défauts, «
L'Idiot » demeure un très bon roman et présente de nombreuses qualités remarquables, notamment pour ce qui est de l'étude des personnages ; l'expérience est immersive autant qu'instructive et je ne regrette pas de l'avoir faite.
Ainsi, si je manque le coup de coeur qu'aurait pu présager celui des « Nuits blanches », je ne suis pas pour autant fâché avec M.
Dostoïevski et continuerai probablement ma découverte de son oeuvre dès que j'en aurai l'occasion.