M. Doucet, soucieux de trouver un joli titre à son livre, a-t-il, comme beaucoup de poètes, des jours et des semaines, tourmenté l’âme des mots français ? Je l'ignore. Il me semble, au contraire, que ce titre, “Chanson du Passant”, lui soit venu d’aventure, au fil du rêve. Je crois le voir feuilletant ces pages sincères et se disant à lui-même, éclairé par sa conscience de poète : Ces rimes, ces sonnets, ces ballades, n'est-ce pas comme la chanson du passant?... Et maistre Villon, son cher François Villon, dont le rythme l’obsède, Villon qui, tel un bon génie, toujours l’accompagne, lui a, sans doute, chuchoté à l’oreille: Oui, poète, poète mon ami, c’est “La Chanson du Passant”.
“Chanson du Passant”, j’aime à le dire, est un titre vrai.
PETITE LETTRE
Je rêve d’une nier éclatante et sublime
Que sonde le regard de la divinité ;
Je rêve d’un voilier aux mats blancs dont la cime
Nous indique l’azur sous son immensité.
Je rêve d’une plage inconnue et lointaine
Où flottent le silence et le repos des temps,
Où l’ombre des bosquets aux fuites de la plaine
A le charme endormeur des éternels printemps.
Je rêve à l’infini tout empourpré de gloire.
Je rêve d’une gloire écrite en l’infini ;
Je rêve d’un soleil, du soleil de victoire
Planant sur le repos sacré du temps béni.
Je rêve d’un sourire éternel et sincère,
Plein du reflet doré des doux rayons de mai ;
Je rêve des bonheurs et des biens d’une sphère
Que savent les esprits dans leur envol charmé.
Je songe aux disparus, je songe à l’âme morte
Dont la blanche poussière aux vagues des destins,
Tourne éternellement sous le vent qui transporte
Notre ombre à l’espérance et nos soirs aux matins!
Mais dans l'enchantement de ces nimbes sans flammes,
Sur les horizons bleus touchant au paradis,
Mon cœur voulut placer votre image, madame,
Qu’encadreront de beaux “je vous aime” inédits :
L’auteur de “La Chanson du Passant” se révèle un grand ami de la nature, et cela vous semblera tout naturel, puisqu’il est né à Lanoraie, voisin des champs de blé et des eaux chantantes. Tout jeune il a vu le roi des fleuves, le Saint-Laurent, éclairer de son immensité bleue la perspective des campagnes. Dans ses yeux est restée, svelte et claire, l'image du clocher dont la flèche domine le décor de la terre natale.