Tout commença un peu par hasard, comme on lance des dés en ne sachant pas trop ce qu'il pourrait advenir du résultat. Les quatre amis, deux garçons et deux filles, la petite trentaine, passèrent leur annonce dans les deux plus importants journaux de Berlin. le texte était tout simple : «
Sorry : nous veillons à vous éviter tout embarras, faux pas, malentendu, erreur et licenciement. Nous savons ce que vous devriez dire. Nous disons ce que vous voulez entendre. Professionnalisme & discrétion ». Quelques jours plus tard, les premiers clients s'étaient manifestés et, contre toute attente, Wolf, Frauke, Kris et Tamara avaient bien dû se mettre au boulot. En quelques semaines, ils étaient devenus les spécialistes de l'excuse. Là où quelqu'un se sentait coupable mais éprouvait trop de honte ou de gêne pour présenter lui-même ses regrets, l'un des quatre amis prenait sa place et, avec tout le professionnalisme nécessaire, aplanissait le différent, s'excusait au nom du client et, éventuellement, négociait un dédommagement. Depuis sa création, chaque intervention d'un membre de l'agence «
Sorry » se couronnait d'un soulagement, d'une véritable délivrance pour le client et d'une fierté retrouvée pour la personne qui recevait les excuses. L'argent rentrait et les quatre amis vivaient plus confortablement qu'ils n'avaient jamais osé l'imaginer. Tout allait donc pour un mieux, jusqu'au jour où Tamara envoya Wolf chez une certaine Dorothea Haneff, à laquelle un nouveau client, Lars Meybach, lui avait demandé de présenter ses excuses. Sur place, Wolf découvre, sans trop en croire ses yeux, le cadavre d'une femme clouée au mur.
Premier roman traduit en français pour l'allemand
Zoran Drvenkar, «
Sorry » se révèle un véritable coup de maître, une claque qui va résonner longtemps dans les oreilles des amateurs de suspense pur et dur. Déstructuré façon 'puzzle', le roman se compose d'une multitude de courts chapitres chacun dédiés à un personnage différent. Si certains sont clairement titrés par le prénom de protagonistes facilement identifiables, d'autres paraissent à priori plus nébuleux : 'L'homme qui n'était pas là' ou '
Toi'. Malgré cela, et il s'agit du véritable tour de force qui va rendre tout vert de jalousie
Harlan Coben, l'ensemble se laisse très vite aisément appréhender sans que pour autant la tension ne retombe d'un seul cran -autre exploit dans la cas d'une brique de pas loin de 450 pages. S'il inscrit clairement sa prose dans un genre cher à l'auteur américain précité, Drvenkar lui taille selon nous quelques croupières : ses personnages se révèlent extrêmement crédibles au point que le lecteur ne peut s'empêcher de sympathiser avec eux et d'espérer que certains -les 4 amis- s'extirpent sains et sauf du bain nauséabond dans lequel un inconnu sans doute psychopathe les a plongés. Autre trait caractéristique de l'auteur : si son but premier reste bien de nous faire tourner les pages et de nous communiquer une agréable frayeur consécutive, son intrigue ne pèche jamais par légèreté et les thèmes qu'il aborde (la culpabilité bien sûr, qui domine l'ensemble, mais également l'individualisme, la réussite à tout prix, l'amitié et le respect des lois) lestent son intrigue d'une profondeur propre à lui insuffler cette pointe de réalisme que certains amateurs désespèrent de trouver dans ce genre d'intrigue. Une intrigue complexe et passionnante portée par une voix réellement originale : c'est un plaisir de vous le recommander.