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Critique de glegat


glegat
28 septembre 2023
Cette biographie m'a captivé du début à la fin, non seulement pour la qualité d'écriture de l'auteur, mais bien sûr pour le parcours exceptionnel de Romain Rolland (1866 - 1944) immense écrivain qui a reçu le prix Nobel de littérature en 1915. Comme beaucoup d'auteurs de sa génération (à part Proust), il n'est plus beaucoup lu aujourd'hui. Cet intellectuel brillant n'était pas seulement romancier, il a écrit aussi de nombreuses pièces de théâtre et des biographies. Il avait aussi le don de la musique et jouait admirablement bien du piano au point qu'il aurait sans doute pu embrasser une carrière de pianiste. Après l'école normale supérieure et l'agrégation d'histoire, il obtient un doctorat avec une thèse ayant pour titre : « Les origines du théâtre lyrique moderne. Histoire de l'opéra en Europe avant Lulli et Scarlatti ». Il rédigea en tant que musicologue de nombreux articles sur la musique et une biographie de Beethoven, ses écrits dans ce domaine font encore autorité en la matière.

Il est surtout connu du grand public pour son roman « Jean-Christophe » une fresque de 1200 pages qui est considérée comme le premier roman-fleuve de la littérature, Romain Rolland aurait lui-même inventé cette expression pour qualifier son roman.

Sa biographie est intéressante dans la mesure ou elle permet de se plonger dans une période très importante de notre histoire entre l'affaire Dreyfus et la Deuxième Guerre mondiale. On peut ainsi mieux se rendre compte des débats qui opposaient les partisans de la paix aux nationalistes belliqueux. La position de Romain Rolland peut être résumée par le titre de son fameux manifeste pacifiste publié en septembre 1914 « Au-dessus de la mêlée ». Ses propos, dans lesquels il renvoie dos à dos les nationalismes français et allemands fait l'objet de vives critiques certains le considère comme un germanophile. Devant ces critiques injustes, Romain Rolland préfère se taire et se retirer du débat. C'est une attitude qui lui sera souvent reprochée comme dans l'affaire Dreyfus ou il refuse de prendre parti, même si après la condamnation de Zola il se placera dans le camp des dreyfusards. Proche des socialistes il se rapprochera de la Russie soviétique de Staline, mais comme beaucoup d'intellectuels de l'époque il s'est trompé lourdement sur ce sujet et ne changera vraiment d'opinion qu'après le pacte germano-soviétique signé entre Hitler et Staline.

Toute sa vie il voulut rester libre et indépendant de tout parti politique et a prôné la non-violence. Il admirait profondément Gandhi dont il écrivit une biographie.

Travailleur infatigable il est l'auteur d'une oeuvre immense ainsi que d'une correspondance avec tous les grands esprits de son temps : Zweig, Aragon, Gandhi, Hermann Hesse, Gorki, Paul Claudel, Richard Strauss et cette liste est loin d'être exhaustive.

Il est intéressant de se plonger dans cette époque et d'essayer de comprendre comment des personnalités brillantes sur le plan intellectuel et artistique ont pu se tromper à ce point sur le communisme soviétique qui allait totalement à l'opposé de leurs idéaux de justice et de paix.

Cette biographie de Bernard Duchatelet ne masque pas les contradictions et l'itinéraire complexe de Romain Rolland qui s'est fait le champion de l'antifascisme et a lutté contre le nazisme et qui en même temps a accepté cet autre totalitarisme, le communisme soviétique.

Il est touchant d'apprendre que malgré de gros problèmes de santé qui le maintenait le plus souvent alité, sa passion pour la musique ne le quitta jamais. Quelques jours avant sa mort, au prix d'un grand effort, il a joué pour ses amis Bouillé de Mégennes la sonate opus 111 de Beethoven. J'ai écouté ce morceau après lecture de cette biographie et j'ai été surpris par sa modernité. J'ai cru même reconnaître des accents jazz dans le deuxième mouvement Arietta adagio. Intrigué j'ai fait une recherche sur internet pour découvrir que certains critiques d'art considèrent que Beethoven était le précurseur du jazz (un jugement un peu trop péremptoire à mon avis). Pour ceux que cela intéresse je précise que le passage dure deux minutes et commence à 6'15. Ceci n'a pas grand-chose à voir avec la biographie de Romain Rolland si ce n'est que je regrette qu'aucune de ses prestations musicales n'ait pu faire l'objet d'un enregistrement.

— « Romain Rolland tel qu'en lui-même », Bernard Duchatelet, Albin Michel (2002), 446 pages.
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