Charlie, comme vous, comme moi, on lui a appris le langage. On lui a appris à nommer. A genrer. Féminin. Masculin.
Il a quinze ans.
La leçon est assimilée.
Le voici contraint de desapprendre.
Vite et violemment.
La salle d'attente d'un hôpital. A ses côtés, sa mère.
Au bloc opératoire, son père. Où des chirurgiens s'emploient à lui construire un vagin.
Son père. Alice. Trans.
Ce sont les mots et les souffrances de Charlie, du petit garçon face à l'inconnu. A l'impossible. Un parent qui change de sexe. Qui exprime ce mal-être et ose offrir ça à sa famille : la liberté d'être soi. Avec ou sans mot.
Parce que des mots, finalement, il y en a trop. de quoi y perdre son identité à vouloir tout nommer, précisément. Comme une révolution qui ne saurait plus son but.
Du père, Alice, il est peu question, intrinsèquement.
Le sujet n'est pas le parcours du combattant de ce père de famille. Mais celui de son épouse, un peu. Cette femme insultée par le voisinnage, cette femme qui s'interroge sur sa sexualité, suis-je lesbienne maintenant, est-ce un homme que j'ai aimé, son corps d'homme, ou suis-je capable de continuer à aimer cette femme qui est mon mari...
Et puis Charlie. Qui doit faire le deuil de l'image du père traditionnel.
Leur terre tremble.
Assez fort pour tout casser ?
On a classé
Julien Dufresne-Lamy comme porte-parole queer, avec ou sans son consentement, je l'ignore.
Mais je trouve une certaine originalité à se placer loin des souffrances, des pensées, des angoisses, d'Alice. Elle est là, en filigrane, en toile de fond. La parole est donnée au fils, uniquement, et l'on perçoit l'impact sur un esprit modelé, et l'amour et la force qu'il faut pour sortir de ces carcans. Encore plus quand il s'agit de vos modèles. Vos héros. Vos parents.
Le sujet porte l'écriture.
Sans quoi, le livre s'effondrerait.
On est dans l'air du temps, somme toute.
Ça se lit, vite et bien. Ça laisse quelques interrogations, et tant mieux.