Mon père, ma mère, mes tremblements de terre

Que ce livre puisse récolter tant de bons échos de la part des libraires et des blogueurs est pour moi une stupeur. Mon père, ma mère, mes tremblements de terre (ce titre à rallonge sera pour la suite réduit à Mon père, puisque c'est là le sujet principal de ce roman), c'est le type même roman sujet de société, comme il y a les films qui étaient pile poil calibrés pour Les dossiers de l'écran, écrit on le suppose pour d'excellentes raisons, mais qui à l'arrivée s'écroule au fur et à mesure que les pages défilent. Premier couac éditorial, ce roman qui, par son didactisme aurait plutôt sa place en jeunesse ou Young Adult se retrouve en littérature générale ; question de ressenti sans doute. Mon père passe à côté du vrai sujet à savoir, qu'est-ce que cela fait de vivre un père devenu femme ? Celui de l'opération et ce qui y a mené est raconté comme un récit, un témoignage, sans jamais faire oeuvre de littérature. L'écriture y est factuelle, tente des envolées stylistiques sans jamais convaincre tout à fait. Il manque surtout dans ce texte une vraie force qui le distinguerai justement du simple sujet « prêt-à-débattre ». Plus loin de nous, mais dans la même veine, et publié en 1996 (1988 pour l'édition originale), on peut citer Kitchen de Banana Yoshimoto. L'histoire de Mikage, amoureuse des cuisines, qui ne se sent bien que dans le cocon douillet des ronronnements de frigo et de fours dernier cri, et qui emménage chez son camarade Yûichi et la mère de celui-ci à la mort de sa grand-mère. Eblouie par leur cuisine rutilante dans laquelle elle se sent immédiatement chez elle, Mikage l'est plus encore par Eriko, la « mère » de Yûichi, transsexuel à la beauté poignante, et qui n'est autre que… son propre père. Ici loin d'être l'unique sujet de l'intrigue, cet élément en est l'un des rouages et augmente encore le pouvoir de fascination de ce court roman sur le deuil, le désir d'appartenir à une famille, quelle qu'elle soit, et sur la solitude des hyper-sensibles. Etre animé des meilleures intentions, à savoir parler de la transidentité/transsexualité et de ses conséquences familiales ne fait pas nécessairement un bon roman. Il peut même donner pire dans ce cas précis : un roman totalement oubliable.