Après plus de 1000 pages de lecture, je referme ce roman et une multitudes de pensées et d'émotions me traversent.
L'histoire du Comte de Monte-Cristo, c'est tout d'abord l'histoire d'une vengeance. Ce roman interroge directement la question philosophique de "Qu'est-ce que la justice ? Comment appliquer cette justice ?"
L'histoire d'Edmond Dantès est celle d'un homme broyé par un système judiciaire défaillant, qui n'applique aucunement la justice à laquelle chacun de nous adhère. Danglars, Fernando et Villefort ne sont que des hommes vivant dans une société qui les protège, qui ne les punit pas, et pire, qui leur permet de se hisser aux plus hauts rangs de la société.
Ce système politique et judiciaire décrit dans le roman broie un homme honnête, simple, ne demande qu'à être heureux . le sentiment d'injustice qu'il vit le change, le transforme à tout jamais et modifie pour toujours non seulement sa destinée mais aussi sa personne.
Ce mécanisme est incroyablement bien décrit et l'auteur nous le fait vivre à travers les ressorts de la narration : Dans un premier temps, au sein de la prison du château d'If nous sommes avec Edmond Dantès et nous percevons toutes ses pensées, toutes ses émotions. Nous vivons à l'intérieur de ce château mais aussi à l'intérieur de ses pensées.
Une fois l'évasion commise, Edmond Dantès meurt aux yeux de la société mais il disparaît aussi pour le lecteur qui n'a plus accès à ses pensées ni à ses émotions. On connaît ses objectifs mais nous ne connaissons plus les moyens qu'il souhaite mettre en place pour y parvenir. Il porte le masque pour le lecteur tout comme pour les personnages.
C'est seulement vers la fin, lorsque sa vengeance est presque achevée qu'il redevient humain.
Le comte de Monte-Criston est une sorte de Dieu : il sauve ceux qu'ils jugent bon et punit ceux qui lui ont fait du mal.
Il maîtrise tout - ou presque. Il profite de situations qui sont de parfaites opportunités pour lui et font ainsi réfléchir : Villefort a un fils illégitime (le comte n'y est pour rien), Morcerf a commis une faute à l'armée (là encore le comte n'y est pour rien) et le Comte ne fait que révéler au monde ces crimes. D'où son sentiment d'être une forme d'ange qui doit accomplir le destin de Dieu pour rétablir la justice.
Mais il redevient humain - et donc plus touchant - lorsque certains mécanismes lui échappent : Mercédès qui intervient pour sauver son fils, Edouard qui décède, Morrel qui aime Valentine... Et il ne peut appliquer une justice qui soit implacable (il n'est pas Villefort) car les émotions agissent. Et pourtant ! Ces changements de situations créent finalement une situation encore plus juste : Albert de Morcef et Valentine n'ont pas à payer pour la faute de leurs pères.
Enfin, une question qui m'a taraudée pendant tout le livre et, il me semble, peut nous parler à tous : "
le Comte de Monte-Cristo est-il heureux de se venger ainsi" ?". Lui, malheureux et détruit par tant d'années d'enfermement, lui qui a perdu sa femme et son père; cela le console-t-il de tuer les personnes qui l'ont détruit ?
Le roman ne répond pas forcément par le positif. Il redevient heureux en tombant amoureux de Haydée, certes , mais je suis aussi extrêmement attachée à l'avant-dernier chapitre qui est, à mon sens, beaucoup plus profond que l'on ne peut le croire : "Le Pardon".
Le comte de Montre-Cristo comprend qu'il en a "trop fait" et fait le choix de pardonner -peut être aux pire de tous - à Danglars.
"Le pardon, quel repos !" disait
Victor Hugo. Peut-être est-ce en pardonnant - en oubliant la haine et la rancune, que Edmond Dantès peut devenir heureux.