Citations sur Allons voir plus loin, veux-tu ? (97)
Il fallait quelqu'un capable de l'entendre, de recevoir ce qui était en lui. Il a senti cette possibilité en toi. Tu étais là. C'était sa dernière chance... Mon amour, cet homme t'a fait dépositaire de son esprit. C'est un
- Où en es-tu dans ta vie?
- J'étais en train de me détruire.
Il avait parlé gravement. Une blessure, une souffrance, encore inconnue de Christine, avait percé dans sa voix.
- Et toi ?
Elle hésita une seconde et, le regardant de ses yeux les plus nus, elle répondit :
- Je me préparais à devenir une vieille dame.
Ni l'un ni l'autre ne se rendirent compte qu'ils parlaient déjà au passé.
"Elle faillit avoir des regrets mais c'était trop tard. Le malheur était accompli, la coupe d'amertume vidée, elle n'en boirait pas une goutte de plus. Il aurait beau faire, elle ne reviendrait pas en arrière, il fallait comprendre avant. On ne se méfie jamais assez des êtres qui semblent tout accepter, tout supporter en silence et parfois même en souriant. Leur soumission paraît sans limites, leur tolérance inépuisable, puis un jour ils quittent le jeu, tournent les talons, claquent une porte, et c'est définitif."
Il y a de ces destins affreux où tout espoir se trouve barré - par l'étroitesse d'esprit de la famille, le manque d’attention des autres, l'époque aussi, qui compte nombre d'adultes dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils n'étaient pas fins psychologues, même dans l'Education Nationale - toute possibilité de libération tournée en impasse...
Et si rien ne se passait, si rien ne changeait dans son existence, tant pis, il garderait au moins l'intégrité de son rêve, de ce qu'il était au plus profond. Il avait choisi.
Elle s'était légèrement avancée vers la porte. Elle se haussait le plus possible sur ses grosses semelles pour tenter de voir au-dessus des gens qui la bousculaient parfois en sortant. Son visage s'était animé, sa bouche entrouverte semblait prête au rire de joie, au baiser. Elle avait sorti ses mains de ses poches et les gardait soulevées, ouvertes dans l'air, dans leur impatience à saisir, à embrasser.
Ca l'avait pris d'un coup, au beau milieu de sa pelouse : elle allait vendre sa maison.
Elle en resta plantée sur place, les deux pieds écartés dans l'herbe, sous le choc. L'idée, incongrue jusqu'à la minute précédente, l'impensable, avait fondu sur elle sans aucun raisonnement préalable, l'avait traversée comme la foudre. Elle en restait hébétée, saisie d'une sorte d'éblouissement.
"Elle se sentait mal. Fatiguée, si fatiguée ... Alors, tout au fond d'elle-même, elle reconnut la peur - cette saloperie de peur, sournoise, vénimeuse, qui prenait les formes déguisées de la lassitude, de la colère, de l'épuisement, de l'envie de tout laisser tomber, de fuir, qui sapait tous les courages et le coeur du bonheur. Cette peur qui serait foutue de vous faire maudire le plus bel amour. Elle la débusquait, encore une fois. Mais comment faire pour résister ? Quelle force découvrir en soi, quelle ruse trouver pour lui échapper, l'empêcher de renaître, maléfique ? Il faudrait avoir la candeur de cette fleur offerte sans défense au solei et aux étoiles, à la pluie bienfaisante comme aux orages, même aux pieds maladroits d'une promeneuse, et qui relevait sa corolle vers le ciel avec une humble vaillance."
C'était l'horrible maladie de cette famille, maléfique tare héréditaire : changer toute chance de joie et de bonheur en plomb. Pas de remède, pas de consolation, et le pire est toujours certain.
Soudain, au beau milieu de la nuit, Christine fut saisie d'une crise de larmes, aussi violente qu'une brusque nausée qui vous arrache au sommeil et vous tord sur le lit. Elle sanglotait comme on vomit, avec des torrents de larmes qui mouillaient les draps. Ce chagrin sec s'épandait enfin, jusqu'à ce que cela se tarisse tout seul. Luc l'assistait avec une patience d'accoucheur qui laisse s'accomplir le travail de libération.