En ouvrant les premières pages de
Marguerite, attendez-vous à être immédiatement happé.
Nous sommes en août 1944, la guerre est terminée depuis peu et c'est la chasse aux boches, aux collabos au sens que l'on connait et aux « collaboratrices horizontales », celles qui ont noué une relation intime avec l'ennemi. L'Histoire nous la connaissons tous, ils sont humiliés : crâne rasé, corps maculé de goudron…
Marguerite fait partie de cette vague d'inhumanité.
Alors que Josette, l'autre femme arrêtée pour avoir aimé un allemand, pleure,
Marguerite elle reste impassible, elle balaye la foule du regard, forte, droite, téméraire.
Qu'a-t-il bien pu se passer pour que cette femme se retrouve ainsi humiliée par tout un peuple ?
A la suite de cette scène aussi dramatique que dérangeante, Jacky Durand reprend le récit au début, avant et pendant la guerre pour amener le lecteur à comprendre.
Marguerite est une jeune mariée lorsque la guerre se profile. Pierre, son amour de jeunesse, est appelé défendre sur la Ligne Maginot. Alors en attendant que son bien-aimé revienne, parce que la guerre ne durera pas,
Marguerite cultive ses plants de légumes et élève ses volailles. Et puis le premier Noël arrive, les suivants aussi et
Marguerite apprend que Pierre est prisonnier. Les années passent, les lettres se font de plus en plus rares. L'absence d'abord insoutenable devient peu à peu habituelle, le désir se dissout dans la monotonie de sa vie de célibataire. La vie du village se féminise : à l'usine, à la maison où il faut apprendre à couper le bois, dans les terres où il faut remplacer les hommes. Au fil du temps,
Marguerite est ainsi capable de se passer d'un homme pour les travaux du quotidien. Heureusement pour ne pas perdre totalement pied,
Marguerite rencontrera quelques âmes bienveillantes.
D'abord lancinant, le récit se focalise sur la mélancolie qui habite
Marguerite depuis le départ de Pierre. Jacky Durand, minutieux, dépeint les souvenirs d'amour tendre et charnel qui unissaient les jeunes mariés avant que la guerre ne frappe. Ce qui maintient la tête de
Marguerite hors de l'eau ce sont Raymonde, sa patronne durant un temps, une femme grande, élégante et masculine à la fois ; André, ce petit gitan qui vit dans une roulotte, caché dans la forêt avec sa famille pour échapper aux allemands et qui rend visite chaque dimanche à Madame
Marguerite ; Germaine, sa voisine envahissante mais pour qui elle éprouve de la tendresse tant leur solitude est comparable. Puis peu à peu l'histoire s'accélère, les chapitres se font plus courts à mesure que
Marguerite prend goût à cette liberté et cette indépendance apprivoisées. Jusqu'au jour où un homme dénommé Franz viendra bousculer son quotidien …
Jacky Durand offre au lecteur un premier roman composé de beaucoup d'humanité et de bonté où il évolue à travers le regard de
Marguerite, méfiante, abattue et pourtant doté d'une force et d'une détermination admirable. Il nous emporte dans le tourbillon d'une vie où la guerre chambarde tout et malgré cela il le fait sans jugement aucun. Ici tous les occupés ne sont pas les victimes, et tous les occupants ne sont pas des ennemis. le tout est de savoir ouvrir les yeux, ouvrir son coeur pour ne pas laisser la haine le consumer.
En résumé,
Marguerite est sans hésitation aucune un joli roman résolument émouvant et sensible sur le destin d'une jeune femme ô combien courageuse mais aussi un roman avec une pointe de féminisme ô combien délicieuse.
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