"Dans cette ville, si petite qu'elle soit, tous les jours il se passe quelque chose, vous le savez bien".
Le pétale des magnolias est lisse, d'un grain nu. Les doigts le froissent jusqu'à le trouer puis, interdits, s'arrêtent, se reposent sur la table, attendent, prennent une contenance illusoire. Car on s'en est aperçu. Anne Desbaresdes s'essaye à un sourire d'excuse de n'avoir pu faire autrement, mais elle est ivre et son visage prend le faciès impudique de l'aveu. Le regard s'appesantit, impassible, mais revenu déjà douloureusement de tout étonnement. On s'y attendait depuis toujours.
Anne Desbaresdes boit de nouveau un verre de vin tout entier les yeux mi-clos. Elle en est déjà à ne plus pouvoir faire autrement.
Elle découvre, à boire, une confirmation de ce qui fut jusque-là son désir obscur et une indigne consolation à cette découverte.
L'homme a lâché les grilles du parc. Il regarde ses mains vides et déformées par l'effort. Il lui a poussé, au bout des bras, un destin.
Anne Desbaresdes boit et ça ne cesse pas, le Pommard continue d'avoir ce soir la saveur anénantissante des lèvres inconnues d'un homme de la rue.
Je le savais, dit Anne Desbaresdes, et... ces dernières années, à quelque heure que ce soit, je le savais toujours, toujours...
La sonatine résonna encore, portée comme une plume par ce barbare, qu'il le voulût ou non, et elle s'abattit de nouveau sur sa mère, la condamna de nouveau à la damnation de son amour. Les portes de l'enfer se refermèrent.
« Quand même, […], tu pourrais t’en souvenir une fois pour toutes. Moderato, ça veut dire modéré, et cantabile, ça veut dire chantant, c’est facile. » (p. 20 & 21)
« Vous aurez beaucoup de mal, Madame Desbaresdes, avec cet enfant, […], c’est moi qui vous le dit. / C’est déjà fait, il me dévore. » (p. 16)
« Si vous saviez tout le bonheur qu’on leur veut, comme si c’était possible. Peut-être vaudrait-il mieux parfois que l’on nous en sépare. Je n’arrive pas à me faire une raison de cet enfant. » (p. 33)
C'est loin les maisons la nuit.