Sans avoir de problème avec la gent féminine, je m’entendais nettement mieux avec les hommes. Les filles pouvaient vraiment se montrer impitoyables et mesquines les unes avec les autres. Moi, j’avais toujours eu tendance à éviter leurs mélodrames, car tout comme les hommes, j’avais horreur des prises de bec inutiles. Je n’y pouvais rien, je me sentais plus en phase avec leur manière de penser.
Je n’avais besoin de personne dans ma vie, et si quelqu’un s’avisait de mal me parler, je le remettais aussitôt à sa place. Je ne reculais devant rien, quitte à me battre, à défendre seule mon honneur. Mais en recroisant John, je m’étais effondrée. Il happait toute ma force, me rendant vulnérable, malléable et pathétique. Quelle nulle...
J’étais prête à débuter une vraie carrière, en adéquation avec mes études : je voulais écrire. Un poste de réceptionniste venait de se libérer au sein d’un magazine de mode, avec quelques missions de rédaction en prime. Il me fallait saisir cette chance. Ce n’était pas en bossant comme serveuse que j’allais me faire respecter ! Quand j’expliquais aux gens ce que je faisais dans la vie, je les sentais me juger aussitôt. C’était bien payé, mais pas au point de compenser les migraines que le job m’occasionnait.
Je devais faire preuve d’assurance, de calme, car mon futur employeur serait aux aguets, et ne manquerait pas d’identifier toute trace de malaise dans ma posture comme un indice de faiblesse. Or, il fallait que j’obtienne ce job. Coûte que coûte. C’était l’opportunité rêvée pour faire carrière dans une branche qui me tenait à cœur. Je voulais tourner la page, m’engager dans le droit chemin. J’étais lasse de travailler comme serveuse et de sortir jusqu’à pas d’heure avec mes amies. Ces jours-là étaient révolus.
J’aime bien mon travail, mais ce n’est pas ma passion. Mon rêve, c’est de devenir pianiste professionnel. J’ai déjà donné des concerts dans des clubs de jazz et quelques petits cafés, mais pour le moment, c’est plus un hobby qu’autre chose. J’ai presque toujours vécu à New York et je ne me verrais pas m’installer ailleurs.