saint jean était un de ces village où les chiens s'appelaient rex et les chats minoux, où l'église se trouvait place de l'église, et la mairie, place de la mairie.
Les deux derniers commerces agonisaient lentement: le café du commerce...et juste en face,une petite boutique sombre: Edmond ganglion et fils- pompes funèbre-;
-ça suffit, Molo, on n'ira pas plus loin. On va au cimetière, j'ai décidé.
-Mais on ne peut pas y aller sans cortège, il faut les retrouver.
-On n'a pas besoin d'eux, on est payés pour enterrer le défunt, pas pour courir après la famille. Tant pis pour eux s'ils ne veulent pas nous suivre.
En attendant août, le mois des grands départs, Ganglion rinçait son ulcère à l'alcool blanc. Son anxiété se transformait en patience feline. Depuis peu, il abordait la situation avec une sérénité déconcertante. Il s'était même mis à faire de la prospection téléphonique. « Chez Ganglion & fils, on n'enterre pas, monsieur, on encielle. Et pour les couronnes, on est bien moins cher que les dentistes, croyez-moi. » Mais la méthode était délicate, et malgré tout le tact dont il usait, devant l'accueil qui lui était fait, il finissait souvent par insulter ses interlocuteurs avant de raccrocher.
Ils rentrèrent à pied sous une pluie battante. Delphine sentait bon le chat mouillé.
Il y a deux personnes absolument indispensables en ce bas monde. La sage-femme et le fossoyeur. L'une accueille, l'autre raccompagne. Entre les deux, les gens se débrouillent.
Sur le parvis, un vieux chien pelé se léchait le cul sans conviction. Il ressentit soudain un choc terrible. Il fut essoré et dégueula sa pâtée du midi. Sa décontraction lui avait valu un magistral coup de pied au flanc. Plus calme, le curé continua vers le presbytère.