Où étiez-vous le 11 Août 1999 à l'heure du déjeuner?
Si vous pouvez répondre à cette question, inutile de vous demander ce que vous faisiez.
Il y a des dates qui marquent l'inconscient, collectif ou non. Des jours de naissance, de mariage, d'obsèques. Des jours de rencontre. Ceux-ci nous sont personnels. Et puis, il y a les jours qui appartiennent à tout le monde.
Ainsi, ceux qui l'ont vécu se rappellent parfaitement ce qu'ils ont fait le 21 Juillet 1969, le 11 Mai 1981, le 11 Septembre 2001 et, peut-être, à l'avenir nous nous rappellerons parfaitement ce 17 Mars 2020 où il nous était fortement conseillé de ne pas sortir de chez soi.
Dans les « ensoleillés », on ne parle pas directement de l'éclipse, celle du 11 Août 1999, mais de tous ceux qui ont eu la chance de la contempler et l'impossibilité de le faire.
Les ensoleillés, ce sont tous ces gens qui ont raté ce moment unique, pour une raison ou une autre. Galerie de portraits :
On y croise un paresseux hors normes, une famille autour d'une carte postale à rédiger, une jolie jeune femme qui maudit cette absence momentanée de l'astre pour effacer la marque du maillot, une vieille dame trop courbée pour pouvoir lever le regard vers le ciel, un spécialiste de comptoir qui trouve son maitre et comment une réunion improvisée peut se conclure de trois manières différentes. Il y a aussi ce petit garçon ne sachant pas encore bien prononcer les mots compliqués, qui voit sans arrêt des « acrenciels » et qui, le jour où il s'exclame « un éclixe », son père est excédé. Un maniaque de la vérification qui prend une bonne heure à tout débrancher chez lui, à bien fermer les robinets, à mettre les interrupteurs sur « off » (pourtant il n'y a rien qui ressemble plus à un interrupteur en position « off » qu'un interrupteur en position « on »). On croise un allergique à tout, ou presque. Celui qui, dépité de ne pouvoir assister à la prochaine éclipse, en Septembre 2081, refuse tout net d'aller voir celle-ci. Ces parents trop matérialistes qui ruinent les croyances de leur enfant (jubilatoire). On croise cette famille d'agriculteur qui a décidé de quitter la planète le jour J (on se rappelle qu'un célèbre couturier avait prédit la fin du monde). On apprend à relativiser entre, par exemple, la peur de perdre l'être aimée dans un terrible accident et le soulagement de sa découverte en nuisette chez son meilleur ami. Il y a ce couple qui s'engueule pour un rien (typique). Au contraire, il arrive, qu'ayant oublié les obligatoires lunettes de protection, on se retrouve les deux seuls à pouvoir se garder les yeux dans les yeux quand tout le monde a le nez en l'air. On y découvre aussi comment bien se comporter dans les transports en commun (à qui doit-on céder sa place en premier) et les interrogations d'un soldat qui se demande pourquoi il fait la guerre.
Un petit volume qui se laisser déguster. le temps d'une éclipse.