AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de karmax211


En 2022 parmi mes lectures ont figuré les mémoires de Matthieu Ricard - Carnets d'un moine errant -, le moine bouddhiste qui s'est vu attribuer le titre de " l'homme le plus heureux du monde " ( que j'ai présenté sur Babelio ), le livre d'Alexandre Jolien – Cahiers d'insouciance - ( présenté également sur Babelio ) ; deux lectures résultant de l'estime que m'inspirent ces deux hommes.

Dans la foulée des mémoires du moine bouddhiste français, j'ai lu à peu près la moitié de – le moine et le philosophe -, ce best-seller ( traduit en 21 langues ) qui a propulsé en 1997 le généticien français traducteur du Dalaï- Lama au rang de star internationale du bouddhisme et de la cause tibétaine.
J'avoue que ce tête à tête avec Jean-François Revel, son philosophe de père, m'a donné à un moment l'impression d'un bavardage éthéré entre deux intellos évoluant dans des sphères qui ont eu, en ce qui me concerne, une répercussion soporifique sur ma lecture et une cessation temporaire (?) de ladite lecture.

Tout cela pour dire que si j'ajoute le nom de Christophe André aux deux précédents et que je vous dise – Trois amis en quête de sagesse -, la plupart d'entre vous comprendront que je fais allusion à ce trio célèbre qui, avec ce coup d'essai éditorial, a réussi un coup de maître : ( + de 300 000 exemplaires vendus ), et un engouement retrouvé pour le " spirituel ", le bouddhisme et la méditation.

J'ai eu un moment l'impression que j'allais enfin faire, grâce à eux, mon chemin de Damas ; rassurez-vous, je n'ai trouvé ni le chemin ni " l'éveil " espéré.

Et puis par ce qu'on appelle le hasard, ce "truc" qui fait dit-on bien les choses, je suis tombé à l'automne dernier, si ma mémoire à l'instant T ne me trahit pas, sur un documentaire diffusé par Arte intitulé - Bouddhisme, la loi du silence -, co-écrit par Élodie Emery ( journaliste d'investigation à Marianne et à L'Express ) et Wandrille Lanos ( journaliste d'Envoyé Spécial et de Cash Investigation ).
Et là...patatras !
La révélation... ; pas celle que j'attendais.
La désillusion, tout au moins le doute et le questionnement.

Petit retour en arrière.
1959, les Tibétains qui ont échappé au génocide chinois trouvent refuge en Inde.
À leur tête, un certain Tenzyn Gyatso, de son vrai nom Lhamo Dondup, plus connu sous l'appellation de 14ème Dalaï-Lama.
Ces exilés n'ont pas d'argent, pas de vrai point de chute ; seuls quelques trésors culturels et spirituels au premier rang desquels des manuscrits.
Les premiers temps son difficiles.
Le Dalaï-Lama et ses disciples n'ont pour survivre qu'une "religion" et la charité.
C'est là que l'histoire humaine est fascinante.
L'Occident saturé de matérialisme et de superflu est en quête de " l'essentiel " et d'une nouvelle religion.

Arrivent en 1958 Hergé et son album dont il dit qu'il est son plus personnel - Tintin au Tibet -, en 1968 - L'album blanc - des Beatles, en 1993 - Little Buddha - de Bernardo Bertolucci*, en 1997 - Sept ans au Tibet - de Jean-Jacques Annaud ( tiré de l'autobiographie - Sept ans d'aventures au Tibet - d'Heinrich Harrer , el la même année – Kundun – de Martin Scorsese.
À tout cela il faut ajouter l'obtention par Le Dalaï-Lama en 1989 du Prix Nobel de la paix, et nous avons le cadre historique, culturel explicatif du passage de cette petite communauté dépendante, en survie et en exil, à un phénomène politique, historique, religieux et culturel d'envergure internationale.

Donc, d'abord un mouvement anthropo-philosophique pré-maoiste, puis le " Hyppie Trail " avec pour corollaire le mouvement " Free Tibet " et consécration, un chef religieux devenu une personnalité politique majeure, opposant pacifique au régime chinois, "mi-pape, mi-chef d'État " qui a ses entrées dans toutes les démocraties occidentales, pendant que dans le même temps le bouddhisme s'installe de manière prosélyte dans tous ces pays en question.

Qu'en résulte-t-il ? Une ruée spirituelle. L'ouverture exponentielle de centres, de monastères où se pressent des "fidèles" étudiant(es) en quête d'un apprentissage en vue d'une rédemption karmique, et pour ce faire d'un maître, un lama.
Car ces centres deviennent très vite les "préfectures d'un Tibet virtuel, un Tibet déterritorialisé."
Ces centres deviennent, avec le Boutan, les poumons économiques de Dharamsala ( la petite Lhassa, terre d'accueil du 14ème Dalaï-Lama ) et de son méga monastère de Schechen.
Ces centres à la tête desquels trônent des lamas tout-puissants vivant d'offrandes généreuses ( entre 2012 et 2019, 14 des centres Rigpa, une de leurs plus grandes Associations, ont touché 58 millions d'euros ), " hébergent " et font travailler bénévolement à leur profit des adultes célibataires, mariés, des enfants.
Et là le bât blesse.
Les portes s'ouvrent sur les abus, les sévices, l'exploitation, les viols, la pédophilie.
Les plus jolies parmi les jeunes filles deviennent des " dakinis " dévouées corps et âme à leurs lamas-maîtres qui, en cas de refus, leur promettent l'enfer ( une multitude d'atroces karmas à répétition ) ,et vont jusqu'à proférer des menaces contre leurs familles.
Par ailleurs, ces lamas violeurs, pédophiles escrocs, prétextent pour justifier leur comportement un concept "religieux" qui a pour nom " la folle sagesse "...

Dans ce livre reportage, qui se couple très bien au reportage réalisé par Arte, vous retrouverez quelques témoins dont Mimi, Isabel, Claudia, Justine, Céline et Ricardo toutes et tous victimes d'un bouddhisme systémique où l'omerta opère comme dans n'importe quelle secte.

Vous ferez connaissance avec trois lamas, trois véreux? dont deux totalement corrompus, pervers, mafieux : Sogyal Rinpoché*, Robert Spatz surnommé lama Kunzang Dorjé et enfin Namka Rinpoché.

Vous constaterez l'insoutenable comportement de Matthieu Ricard, dans le silence, le déni, les contradictions, qui qualifie ces abus, ces sévices, ces viols et ces dérives mafieuses de " potins de la commère ", et fait marcher son carnet d'adresses bien fourni pour faire pression sur les journalistes et les médias.
Vous y constaterez que le Dalaï lama est une sainteté à géométrie politique dominante, un spécialiste d'une espèce de langue de bois politico-religieuse.

Puis, comme moi, vous vous interrogerez.
Et comme moi, je pense que vous n'aurez pas de réponse toute faite si ce n'est que les religions accouchent de dindons qu'elles farcissent aux marrons ou aux " châtaignes " ( redondance pour marquer le ou les coups!) avant de les engloutir.

Le livre est clair, pédagogique, explicite, crédible.
Les intervenant(e)s sont des personnes aux capacités, aux compétences et à la fiabilité incontestables.
Les documents : photos, vidéos, lettres etc renforcent un livre à charge ; normal lorqu'on parle d'abus de pouvoir, de maltraitance, d'escroquerie, de non assistance à personne en danger, de sévices corporels, de harcèlement, de viols, de pédophilie, de pratiques sectaires, voire mafieuses...

Un conseil répété : avec le livre, regardez le streaming sur Arte. le reportage seul est moins complet que le livre, mais on peut se passer du bouquin après avoir vu le streaming d'Arte.
Faites votre choix !

*Sogyal Rinpoché a tourné ( comme comédien ) dans le film de Bertolucci...
Commenter  J’apprécie          366



Ont apprécié cette critique (36)voir plus




{* *}