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La Monture est un court roman aux allures de conte, récemment publié par les éditions Argyll. Il s'agit d'ailleurs de la première traduction française parmi la poignée de romans signés par Carol Emshwiller, parfaite contemporaine de le Guin qui en fait l'éloge.

À une époque indéterminée, une race extraterrestre a débarqué, conquis et domestiqué les êtres humains (« les nous »). Les Hoots, bipèdes à l'allure féline mais aux jambes atrophiées, voient essentiellement dans les hommes un parfait mode de locomotion.

Le premier chapitre, introductif, est très instructif, car on rentre dans la peau d'un représentant Hoot, justement. Dans la suite du roman, nous suivrons Smiley, un jeune adolescent promis à devenir la monture officielle du futur chef Hoot, qui n'est pour l'heure qu'un bébé.

Dès les premières pages, le style de l'auteure m'a rebuté. À vrai dire, je ne m'y suis jamais fait. Un style un peu vieilli, mais c'est surtout la façon de rendre les pensées et les paroles des Hoots d'une part et celles d'un Smiley plus tout à fait humain d'autre part, qui ma challengé. La traduction n'a semble-t-il pas beaucoup aidé.
Fort heureusement, ces premières pages nous plongent aussi au coeur du sujet, elles annoncent la couleur et cela a suffi pour me motiver suffisamment.

Ce conte explore avec une sensibilité folle les rapports de domestication, et plus généralement de domination. On y prend également la mesure de l'aliénation sous-jacente. On y voit bien sûr aussi la relation de maître à esclave disséquée, avec ses paradoxes perturbants, comme dans La planète des singes, ou encore l'excellent Dogville.
À côté de cela, d'autres thèmes forts sont explorés, comme le passage à l'adolescence (rapport aux parents, découverte de l'amour), la quête de soi-même, mais aussi l'amitié.

La Monture est un roman poignant qui fait réfléchir, forcément et intelligemment. La narration à la première personne nous plonge dans l'intimité psychique du Smiley, et c'est ici plutôt efficace. le climax se fait longtemps désirer pour éclater plus fort encore : larmes assurées ! le dénouement ne m'a pas déçu non plus.

Bref, un roman fort qu'on appréciera d'autant plus si l'on fait abstraction de l'écriture parfois laborieuse et de quelques invraisemblances somme toute normales pour un conte.


Si vous avez aimé l'ambiance et la narration de ce roman, Roche-Nuée, de Kilworth Garry pourrait vous plaire, avec des thèmes différents mais apparentés (quête de l'identité, tolérance et rapport à l'autre, races), même si personnellement cet autre conte ne m'a pas vraiment ému.


Carol Emshwiller s'est éteinte le 2 février 2019. Deux ans de plus et elle était centenaire. Deux ans qui ont vu le monde entier consentir comme un seul homme. Deux ans qui ont vu partir en fumée des libertés lentement et durement acquises.
Destin ironique ou mal pour un bien ? Je l'ignore mais je suis bien certain que cette grande dame eut été bien attristée.
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Il faut persévérer au delà des premières pages pour goûter le style et les choix narratifs de Carole Emshwiller, qui choisi de nous plonger dans son univers sans ménagement, faisant appel à notre imagination dès les premières lignes.

En effet le récit s'ouvre par les paroles d'un Hoot qui s'adresse à des montures, c'est-à-dire à des humains dressés pour porter les Hoots, créatures aux jambes trop faibles pour marcher longtemps. le texte est à la fois parfaitement clair, et totalement déroutant.
Puis le second chapitre nous fait entrer dans l'esprit d'une jeune monture, Charley, un humain qui a à coeur de devenir un bon compagnon pour son Petit Maître. Là encore le mélange de soumission et de pensées minimalistes surprend mais est totalement pertinent.


Puis des événements inattendus bouleverseront la belle organisation monture/cavalier.e, obligeant les uns et les autres à reconsidérer les positions, les rôles et les liens entre les deux espèces dans une progression narrative assez tendue.
Charley et son Petit Maître survivront-ils à leurs aventures ? A quel prix ?


Pas de narrateur externe, on suit les réflexions des personnages en même temps que l'action se déroule.
Carole Emshwiller développe son postulat - les hommes sont des outils pour les autres créatures - avec des images précises (la "sélection" pour la reproduction, les "riens" ces humains qui ne peuvent plus servir de monture, les "stalles", etc...) et qui restent en mémoire.


Intemporel, très abouti, prenant, et qui stimule la réflexion, ce texte m'a procuré le même plaisir intellectuel et émotionnel que la lecture de "Des fleurs pour Algernon" de Daniel Keyes.
La force du "Et si...?" entraine l'imagination très, très loin...
J'ai hâte de découvrir d'autres titres de Carole Emshwiller.

Et mention spéciale pour la très belle couverture réalisée par Xavier Collette aka Coliandre.

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La Monture est un roman surprenant et volontairement malaisant qui permet, sous couvert d'une intrigue faussement classique, d'interroger notre rapport aux animaux mais surtout les questions de domination et de racisme entre les peuples. La narration peut parfois déstabiliser mais le roman n'en reste pas moins très intéressant en proposant un schéma qui ne tombe pas dans l'écueil du manichéisme. Notons qu'il sort en poche au mois d'avril pour celleux que ça intéresse!

Retrouvez la critique complète sur yuyine.be!
Lien : https://yuyine.be/review/boo..
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Apprivoisés depuis trois siècles par les Hoots, lutins extra-terrestres aux sens aiguisés mais aux jambes atrophiées, les humains sont devenus leur moyen de transport. Élevés dans des haras, sélectionnés puis harnachés comme des bêtes de course, récompensés par des friandises pour leurs performances ou leur élégance, ils ont intégré leur statut de monture d'équitation. Charley, adolescent destiné à devenir la monture royale, noue avec le futur souverain une relation spéciale. Quand son père dissident redevenu "sauvage" le retrouve, une nouvelle voie et des choix s'offrent à lui: le mors en or dans les stalles chauffées ou la survie dans les montagnes austères ? L'auteur, en imaginant comment des animaux de proie pourraient dompter le plus dangereux des prédateurs, aborde avec simplicité, pudeur et une grande originalité les thèmes de la domestication, de l'aliénation animale, des différences raciales, de l'eugénisme et de la liberté. Pour cela, cette fable initiatique écrite à hauteur d'adolescent, hymne à l'humanité et au monde animal, est recommandable à tous les publics. Et quelle magnifique couverture aux airs d'enluminure...
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L'espère ces hommes est depuis longtemps dominée par les hoots, êtres aux jambes tellement chétives qu'ils peuvent se déplacer, mais dont les mains et la voix sont si puissantes qu'elle leur permet d'asseoir leur autorité. Les humains servent de montures aux hoots, qui les traitent comme nous traitons nombre d'animaux domestiqués : avec tendresse quand ils sont dociles, avec cruauté quand il s'agit de se faire obéir.
Le parallèle peut sembler un peu facile, et pourtant, l'alternance entre récompenses et câlins, et châtiments corporels est saisissante. La narration, portée par un jeune humain qui doit devenir la monture du futur chef des hoots, est plus complexe que le synopsis laisse à penser : le seul objectif de ce jeune humain, c'est de devenir la monture la plus belle, la plus puissante, la mieux dressée. Et quand des humains retournés à la liberté le libèrent, c'est pour lui une catastrophe, et il ne le suit... qu'à la condition de garder avec lui le jeune hoot qu'il appelle "petit maître".
Dés lors, pris malgré eux dans une rébellion contre les hoots, et marqués chacun par leur ancienne vie, les deux jeunes personnages se retrouvent pris entre deux camps, entre deux idéologies. Et leur amitié, qui demande bien des ajustements puisque créée sur la base de la domination, va infléchir sur les événements.

C'est un livre étonnant, inattendu, bien plus subtil que ne peut laisser à penser la couverture et 4e de couverture. Les éléments fantastiques ne cherchent pas à être expliqués à tout prix - d'où viennent les hoots ? -, mais posés comme un état de fait. Une lecture plaisante et qui porte à réflexion.
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Ce roman est un choc. On va découvrir un univers singulier. Des extra terrestres on asservi certains hommes pour s'en servir comme monture. Ils ont les mots pour convaincre pour endoctriner ou pour oppresser les Seattle et les Tennessees. le premier chapitre donne la voix à l'un de ces Hoots pour nous montrer leur façon de faire. Puis, le chapitre suivant c'est un Tennessee qui a la parole. On se dit alors qu'on va être dans un système binaire avec l'un qui a tort et l'autre raison, selon que l'on soit dans un camp ou dans l'autre. Puis vient la troisième voix et du coup la troisième voie : un adolescent (monture) et un jeune Hoot.

On a donc un roman avec des aspects politiques et philosophiques. A travers des faits concrets et des situations sur le terrain on va avoir des discussions par exemple autour de la notion de liberté, de choix de conditions sociales, d'appartenance à une communauté et à la défense des droits fondamentaux, la famille etc.

La révolte et la violence vont venir bouleverser la vie toute tracée de Charley et de Petit Maître. Charley est né en captivité. Pour lui le contrat qui lie la monture qu'il est à son hôte est gage d'une vie civilisée, avec une évolution de carrière. Cela ne vous rappelle rien ? D'autant qu'il porte un futur dirigeant. Il a un toit, des vêtements, de la nourriture et une vie bien réglée.

Avec ces deux jeunes personnages le roman prend un tour initiatique. Une certaine intimité s'est crée et leur relation « maître-esclave » va se transformer en amitié. L'un va aider l'autre et vice versa, ils ne peuvent compter que l'un sur l'autre. J'ai aimé suivre ces deux personnages en particulier car Carol Emshwiller a su nous montrer les questionnements et les conflits intérieurs de ce jeune adolescent. Charley était en révolte contre son géniteur par envers la société. Charley va devoir grandir d'un coup, faire des choix et faire un apprentissage de la vie sauvage.

Héron est peut-être fort et un héros pour les montures libérées mais pas pour son fils. Il y a trop de violence et de non-dits. Et puis, il y a la mère absente, la quête de la mère pour Charley.

Dans le camp des révoltés, des libérés tout n'est pas aussi simple qu'on pourrait croire. Il n'y a pas qu'une seule façon de penser.

J'ai beaucoup aimé ce roman pour tous les sujets traités, pour tous les questionnements qu'il a provoqué en moi. Il est beaucoup question d'empathie. le conditionnement, la rhétorique employée est transposable à tant d'autres situations.[blog]
Lien : https://latelierderamettes.w..
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Carol Emshwiller est une autrice américaine de SF que je découvre. Elle a reçu quelques « petites » distinctions comme le prix Philippe K. Dick pour cet ouvrage 😁. Et à part quelques nouvelles, c'est son 1er roman a être traduit en français. Merci donc aux éditions Argyll pour cette découverte !

Dire que cette lecture a été perturbante serait un euphémisme 😅. Dès le 1er chapitre on est dans le bain avec la seule occasion que l'on aura d'être dans la tête d'un Hoot et d'avoir sa vision des choses et surtout de sa précieuse monture (nous). Car ils nous aiment, ils nous adorent même ! Rien n'est trop beau pour nous. C'est un honneur, bien sûr, car ils sont la meilleure chose qui nous soit jamais arrivée. Vous voyez l'idée.

Après ce 1er chapitre, on bascule dans la tête de Smiley (nom humain Charley), un jeune ado/poulain choisi pour sa lignée impeccable, parfaitement endoctriné et au service de Petit-Maître, le futur dirigeant des Hoots. Smiley est très content de son sort, il adore son Petit-Maître. Donc quand son père, figure de la résistance humaine, vient l'arracher à son petit confort, notre Charley accompagné de son Petit-Maître va voir toute sa vie complètement détruite. Et ça, il n'aime pas du tout. C'est ça votre liberté ? À crever de froid et de faim dans les montagnes, à mélanger notre lignée avec n'importe qui, alors que ma stalle m'attends avec de délicieux biscuits sec et de l'eau chaude ? Ma destinée était de courir dans les arènes et d'être la meilleure monture qui soit.

Autant vous dire que c'était assez difficile à lire surtout que défaire toutes ses croyance profondément ancrées, ça va prendre du temps et que rien n'est évident ni aussi simple que eux, c'est les méchants et nous, les gentils. Car il n'est pas tout seul dans cette galère. Il y a Petit-Maître aussi et ils vont tous les deux devoir changer et grandir ensemble.
Mais c'est aussi extrêmement fascinant et enrichissant. En partant simplement de la relation dominé/dominant, l'autrice tacle tellement de sujets dans ces deux cent et quelques pages, c'est juste fou ! Non seulement elle réussit avec brio à dépeindre l'asservissement d'une population par une autre, mais elle va aussi nous parler de racisme, de féminisme, de notre rapport à la nature/animaux, de ce que l'on est prêt à sacrifier pour un minimum de confort et plein d'autres choses !

Rien dans cette lecture n'est simple ni manichéenne. Elle est faite pour déranger, pour se poser des questions et c'est absolument passionnant à défaut d'être confortable. Je salue donc encore une fois les éditions Argyll pour ce choix audacieux et bien sûr, Carol Emshwiller pour cette maîtrise :).
Lien : https://fourbistetologie.fr/..
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"La monture" est un livre qui m'a mise profondément mal à l'aise. Ce n'est pas que je n'ai pas aimé cette lecture au contraire mais l'ambiance générale est tellement bien faite que ça nous donne envie de repousser le livre autant qu'il nous repousse.

Le concept est étrange et glauque : des extraterrestres venus sur terre suite à un crash il y a plus d'une centaine d'années, décident de dresser et domestiquer les humains par la domination physique.

Ici les humains sont traités de la même manières que les chevaux. Ils sont croisés par reproduction, élevés dans des stalles, on leur fait porter des mors, on les félicite ou on les puni.

Ce roman présente la situation aux travers des yeux d'un petit garçon qui n'a connu que cette forme de société. C'est là que l'écrivaine a choisi un parti pris intelligent car on se retrouve dans la tête de ce garçon qui se pose milles questions et qui se bat intérieurement contre son propre fanatisme pour ces extraterrestres. Il les adore, il aimerait être la meilleure monture qui existe pour eux. Mais un évènement va tout bouleverser et l'amener à questionner sa position, ses choix et les choix collectifs.

Je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher les surprises cachées de ci de là au travers du livre mais soyez avertis, vous n'allez pas passer un "bon" moment, tout est fait pour vous mettre mal à l'aise et ça marche !
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Depuis maintenant plusieurs générations, les humains ont été convertis en montures par les Hoots, créatures extraterrestres de petite taille et aux jambes malingres inaptes à les transporter, qui ont débarqué un jour sur leur planète. Les Hoots affirment aux humains que cette situation ne leur porte aucun préjudice : au contraire, elle va de soi puisque les Hoots leur sont supérieurs, grâce à leurs sens de la vue, de l'ouïe et de l'odorat bien mieux développés, et pourvoient à leurs besoins.
A bientôt douze ans, Smiley, alias Charley de son nom de personne, est fier de faire partie des meilleures montures potentielles puisqu'il appartient à la puissante race des Seattles : des Sams (nom donné par les Hoots aux mâles, les femelles étant des Sues) très grands, capables de porter de lourdes charges et de courir longtemps. Son dressage s'effectue en même temps que l'apprentissage des règles de monte par son cavalier, Petit-Maître, encore un bébé Hoot mais il n'est pas n'importe qui : c'est Son-Excellence-Vouée-À-Devenir-Notre-Maître-À-Tous.
La vie bien ordonnancée de Smiley, reposant sur des principes auxquels il croit, vole en éclats quand une horde de Sauvages fait irruption dans la ville, tuant les Hoots et saccageant leurs demeures, tout en faisant sortir les montures des stalles où elles sont retenues.
Au péril de sa vie, Smiley défend Petit-Maître. Mais celui qui est à la tête des Sauvages et a failli tuer son cher cavalier n'est autre que son père, qu'il n'avait jamais rencontré, venu exprès pour l'arracher à son environnement domestique …

Pour Charley, qui après quelques pages devient le narrateur, le père qu'il découvre est un étranger effrayant, un homme au regard fou et au visage marqué de cicatrices, à l'élocution difficile mais dont l'autorité naturelle est pourtant reconnue par tous ceux qui l'accompagnent. Appréhender cet inconnu, si soucieux de le délivrer d'une vie que lui aimait, ne sera pas tâche aisée : Héron, c'est son nom, est un homme silencieux et farouche, porté à la solitude, avec lequel communiquer ne va pas de soi.
Surtout, Charley, à douze ans, a ce côté légaliste qu'on peut retrouver chez des enfants de son âge : il a le chaos en horreur et rejette les moeurs rustiques des Sauvages, réfugiés dans les montagnes, lui qui était habitué au confort de la ville et appréciait les beautés qu'elle pouvait offrir. Ses objectifs étaient clairs : devenir une monture belle et performante pour gagner des courses et recevoir des trophées.

Le lecteur, bien sûr, fait un parallèle constant entre les montures et nos chevaux, car l'auteure s'est amusée à multiplier les clins d'oeil se référant à notre goût pour la chose équestre (les montures font l'objet de tableaux, pour ne citer que cet exemple). Cependant ce parallèle n'est qu'un premier plan, le propos va bien au-delà. Car les Hoots savent que les humains sont une espèce pensante et parlante (ils peuvent s'exprimer si on leur donne l'autorisation de parler), aptes à l'écriture et aux réalisations techniques. Mais toutes ces capacités sont étouffées au profit d'un pseudo pacte d'intérêt mutuel … qui en réalité n'a jamais été conclu.
Que Charley en ait conscience ou non, les Hoots assoient leur domination par la force, grâce à des techniques spécifiques, que le lecteur apprendra à connaître au fil des pages (en premier lieu, le saut d'étranglement, avec leurs mains disproportionnées hyper puissantes). Si le gant se veut de velours (les Hoots se targuent d'être gentils et c'est vrai qu'ils répugnent à tuer), la main à l'intérieur est de fer, et je n'évoque pas ici ce qu'il advient des rebelles, comme le père de Charley, on constatera qu'ils ne sont pas vraiment traités gentiment.
Quant au volet psychologique de cet asservissement, il est simple : les Hoots veillent à convaincre les humains qu'ils ne sont pas aussi intelligents qu'eux, pour qu'ils acceptent leur condition soumise.

« La monture » est un roman d'apprentissage, court mais dense. Charley en lui-même, capable de clairvoyance lorsqu'il cesse de s'aveugler volontairement et observe vraiment ce qui l'entoure, y revêt autant d'importance que sa relation particulière avec Petit-Maître, lui aussi endoctriné depuis son plus jeune âge et, au moins au départ, installé dans ses certitudes.
Au fil des péripéties qu'ils traversent ensemble, tous deux grandissent. En pleine confusion, souvent, car ils ne savent plus de quel côté ils sont, celui des Sauvages ou celui des civilisés, au sujet desquels on voudrait que leurs yeux se dessillent. Les relations de dominant à dominé, régulièrement testées voire inversées par chacun des deux, présentent des frontières mouvantes et perméables. L'éveil à la conscience et à la capacité de faire, individuellement, des choix, est long, compliqué et parfois douloureux et le lecteur s'inquiète régulièrement de la tournure que prennent les choses.

Récit prenant, original dans sa forme et son propos, « La monture » s'achemine vers un dénouement qui n'aura rien de convenu. Et s'il y a une leçon à en tirer, c'est que lorsque l'intelligence se joint au coeur, des voies nouvelles peuvent s'ouvrir.
Lien : https://surmesbrizees.wordpr..
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L'ouverture du livre se fait par la voix d'un Hoot, donc. Puis nous suivrons par la suite le point de vue de Charley (Smiley, son nom de monture) qui a 11 ans au début du livre, 13 à la fin. C'est donc un point de vue de pré-adolescent, presque encore enfant, assez naïf, peu cultivé (les humains savent rarement lire et écrire et quand ils ont appris, ont peu l'occasion de le faire). L'angle est biaisé aussi par le fait que Charley considère son état de servitude comme un bienfait. Lorsqu'il est libéré par son père, Héron et va vivre ensuite chez les Sauvages (les Humains qui refusent de servir de montures et vivent dans la nature) , Charley n'a qu'un souhait : retrouver le confort, la vie quotidienne même si c'est pour servir de monture, subir les brimades et vivre emprisonné. On suit donc la complexité de son développement lors de sa vie hors du conditionnement des Hoots. Son langage se précise ainsi que sa pensée (magnifiquement retranscrit par l'autrice ; j'ai pensé un peu dans un autre ordre d'idée à « Des fleurs pour Algernon » pour l'exercice littéraire).
De fait, Charley se trouve à un âge charnière : l'adolescence. Ses idées s'aiguisent. Il n'est pas le seul car il s'est enfui avec celui qui est destiné à devenir son maître, le Hoot : Petit-Maître, lui-même un enfant (on peut assez logiquement penser que tous deux sont plus ou moins du même âge ou, du moins, qu'ils sont au même stade de développement). Lui aussi, loin de la société Hoot, va prendre ses distances. Il va même muscler ses jambes et marcher ! (là, bémol : on se demande pourquoi les Hoots n'y ont jamais songé avant, ces petits paresseux, plutôt que de s'embêter à asservir des couillons d'humains, mais bon…).
Les thèmes tournent autour des relations de maître à esclave, de dominant à dominé, bien sûr mais aussi du fait de grandir, de s'affranchir ou pas de son éducation, de trouver sa propre voie, d'aller vers l'Autre. La violence tient une grande part, avec un étrange côté freudien, tant que j'y pense (la relation entre Charley et Héron ; Charley qui veut à tout prix tuer son père,. .. je n'en divulgue pas plus).
Mais ce qui touche aux révoltes contre l'oppresseur (les Sauvages s'organisent contre les Hoots) se conclut par des issues assez dérangeantes.(suite sur le blog)
Lien : https://imaladybutterfly.wor..
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