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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Apprivoisés depuis trois siècles par les Hoots, lutins extra-terrestres aux sens aiguisés mais aux jambes atrophiées, les humains sont devenus leur moyen de transport. Élevés dans des haras, sélectionnés puis harnachés comme des bêtes de course, récompensés par des friandises pour leurs performances ou leur élégance, ils ont intégré leur statut de monture d'équitation. Charley, adolescent destiné à devenir la monture royale, noue avec le futur souverain une relation spéciale. Quand son père dissident redevenu "sauvage" le retrouve, une nouvelle voie et des choix s'offrent à lui: le mors en or dans les stalles chauffées ou la survie dans les montagnes austères ? L'auteur, en imaginant comment des animaux de proie pourraient dompter le plus dangereux des prédateurs, aborde avec simplicité, pudeur et une grande originalité les thèmes de la domestication, de l'aliénation animale, des différences raciales, de l'eugénisme et de la liberté. Pour cela, cette fable initiatique écrite à hauteur d'adolescent, hymne à l'humanité et au monde animal, est recommandable à tous les publics. Et quelle magnifique couverture aux airs d'enluminure...
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La monture est un roman de Carol Emshwiller; totale découverte pour moi, même si j'avais déjà lu plusieurs critiques de ce livre ici et là lors de sa réédition chez Argyll. C'est un roman assez court, mais frappant, et qui selon moi est aussi particulièrement marquant, même si j'en espérais davantage.

La monture inverse les rôles, les points de vue et les valeurs. Les humains sont les montures des Hoots, qui ont pris le contrôle de la planète. C'est profondément dérangeant et pénible à imaginer. Ca l'est d'autant plus à double titre. D'abord, l'autrice nous propose un récit raconté par Charley, une des Montures, particulièrement satisfait de son sort. Content de servir, content de l'état des choses, et content de sa place. Notons que Charley en est même réduit à sa fonction première, et que c'est cette fonction qui est le titre du roman. Preuve qu'il n'est rien en dehors de son rôle. Ensuite, parce que les premières pages s'adressent à nous, humains : petits êtres réduits à deux jambes et destinées à servir. le narrataire est donc intégré au récit et au monde proposé, et fait partie des esclaves des Hoots. Pas commode d'entrée de jeu, il faut le reconnaître.
Ce qui est le plus pénible, c'est l'utilisation par les Hoots de notre propre argumentaire utilisé jusqu'ici pour justifier notre domination sur le vivant. Encore plus quand cet argumentaire est retourné… contre nous-mêmes. le roman offre alors un reflet de notre fonctionnement d'humains. Et il inverse les positions pour nous prendre à notre propre jeu. Ici, l'humain est un simple cheval ou un chien, cet animal de compagnie qu'on caresse avec bienveillance et qu'on « aime », à notre façon d'humain. le roman donne d'ailleurs quelques aperçus de cet amour inégal et malaisant : les petites récompenses, dressage, divertissements, tableaux dans les habitations, comme des traces de cet « affectueux » amour bienveillant que les Hoots portent à leurs montures et les Humains à leurs animaux de compagnie. On retrouve même le discours sur la « complémentarité » entre espèces… Quand l'Homme devient l'animal de compagnie, on se rend compte à quel point ce blabla existe pour nous donner bonne conscience.


Par ailleurs, La monture est un texte qui oscille avec brio entre cruauté et grande naïveté. Cruauté du discours faussement bienveillant et mielleux des Hoots, cruauté du sort auquel on est réduit. Certains épisodes m'ont viscéralement gênée (notamment celui avec le mors que Charley veut mettre). La violence des combats n'épargne pas les personnages, détruit des familles, dès lors scindées par les chemins pris et les valeurs de chacun. Haine, ressentiment, perte de repères, position humiliante : La monture est un roman qui n'épargne pas son lectorat.
Sans doute la cruauté est-elle exacerbée par le discours naïf et ingénu de Charley, passif devant son sort. Son phrasé est court, très simple, et Charley saute du coq à l'âne sans arrêt. le vocabulaire est peu étendu et certaines de ses pensées ressemblent à du boudin d'enfant face au discours parental. le style du roman est donc à l'image de Charley, de son âge, de son statut et de son histoire. Il y a une cohérence d'ensemble, toutefois à la longue ça m'a lassée. Heureusement, le roman est assez court.

Enfin, pour moi ce roman est semblable à un conte, tant il en reprend certains codes.
Premier élément en faveur du conte : le background très limité. Où on est ? A quelle époque ? Comment les Hoots sont parvenus jusqu'ici et comment ont-ils réussi à s'imposer ? le roman n'offre que très peu d'infos. Aucune explication non plus n'est donnée sur leurs capacités à s'adapter, biologiquement. Ils sont petits, tiennent à peine debout, et ils sont les maîtres du monde ? Difficile à croire… C'est parce qu'on est typiquement dans un conte. Nul besoin de chercher la vérité et la vraisemblance, ici ce n'est pas ce qui compte.
Deuxième élément qui m'a fait penser au conte : l'aspect oral et très simple du récit. L'oeuvre est courte, centrée sur quelques personnages et une intrigue fort simple, linéaire, uniquement ponctuée de quelques grands événements. L'intérêt ne réside donc pas non plus dans la difficulté de l'intrigue et le scénario hyper développé.
D'autre part, les personnages sont, à première vue, assez bruts, pas très fins. Pas très complexes à comprendre. Mais ils évoluent au fil du récit, au gré des amitiés qui se forgent, des liens familiaux qui se solidifient et d'attachements divers et variés qui se développent. Alors on parvient enfin au dernier élément caractéristique du conte : le message.
Car La monture interroge en effet. le roman provoque toute une série de questionnements, et le fait dans la douleur. Car je l'ai dit plus haut, le roman porte une large part de cruauté. le conte ne fait jamais dans la dentelle, il apprend la vie et le sens de la vie. On est tout à fait dans ce registre ici.
Le récit questionne alors les rapports maître/esclave, et surtout ce que cela signifie d'être un être humain. La réponse de Charley à cette question est la suivante : « Je ne sais pas ». Terrifiant, non ? On ne lui a jamais appris, comment pourrait-il le savoir ? La monture est donc cela : un apprentissage de l'humanité, de la liberté et de ce que cela signifie; le poids du choix, de la responsabilité, et aussi de la perte liée à l'attachement. Autant d'apprentissages très difficiles pour Charley qui s'y perd, refuse, s'obstine, recherche son petit confort « comme avant ».

Pas mal de choses intéressantes à en dire, toutefois, comme je l'ai dit plus haut, ce roman n'a pas provoqué chez moi les ressentis que j'avais espérés – et craints. Je m'attendais à une lecture particulièrement insupportable, qui me hérisserait à chaque instant. Ca a été le cas pendant le premier tiers, puis la lassitude de la narration et des atermoiements de Charley m'ont lassée. de ce fait, je me suis un peu ennuyée pendant la seconde partie, avant de finir le bec dans l'eau avec cet excipit très ouvert. Je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus fracassant, dérangeant, viscéralement. J'ai été gênée, dérangée, mais ça n'a pas non plus généré chez moi de malaise profond.
Le pire, je crois, c'est que « je m'y suis fait » : peut-être que dans le fond, c'est précisément ça, cette habitude à la servitude, qui peut paraître insupportable. Car j'ai très bien pu comprendre Charley dans son désir de retour au confort et dans son absence de questionnement. Je m'y suis d'ailleurs complu comme lui, finissant par donner raison aux Hoots : syndrome de Stockholm sans doute… En attendant, le roman nous pousse à nous interroger : que ferions-nous, à la place de Charley ? Serions-nous tentés de résister, de nous révolter, ou pas ?
Alors, a posteriori et quelques jours – semaines – après la lecture, je me dis que La monture est un texte qui se rumine. Il faut l'absorber et le mâcher sur la durée comme le font les vaches. Il se réfléchit davantage sur le temps long qu'il ne fait réagir sur le temps court. Selon moi, il ne génère que peu d'émotions brutes et directes dans l'instant, sauf par moments très fugaces. Il provoque au contraire un long chemin de pensée et révèle toute sa force dans cette mastication prolongée. En cela, il est davantage, pour moi, un texte philosophique qu'un roman d'action, et à prendre comme tel.
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"La monture" est un livre qui m'a mise profondément mal à l'aise. Ce n'est pas que je n'ai pas aimé cette lecture au contraire mais l'ambiance générale est tellement bien faite que ça nous donne envie de repousser le livre autant qu'il nous repousse.

Le concept est étrange et glauque : des extraterrestres venus sur terre suite à un crash il y a plus d'une centaine d'années, décident de dresser et domestiquer les humains par la domination physique.

Ici les humains sont traités de la même manières que les chevaux. Ils sont croisés par reproduction, élevés dans des stalles, on leur fait porter des mors, on les félicite ou on les puni.

Ce roman présente la situation aux travers des yeux d'un petit garçon qui n'a connu que cette forme de société. C'est là que l'écrivaine a choisi un parti pris intelligent car on se retrouve dans la tête de ce garçon qui se pose milles questions et qui se bat intérieurement contre son propre fanatisme pour ces extraterrestres. Il les adore, il aimerait être la meilleure monture qui existe pour eux. Mais un évènement va tout bouleverser et l'amener à questionner sa position, ses choix et les choix collectifs.

Je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher les surprises cachées de ci de là au travers du livre mais soyez avertis, vous n'allez pas passer un "bon" moment, tout est fait pour vous mettre mal à l'aise et ça marche !
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La Monture est un roman surprenant et volontairement malaisant qui permet, sous couvert d'une intrigue faussement classique, d'interroger notre rapport aux animaux mais surtout les questions de domination et de racisme entre les peuples. La narration peut parfois déstabiliser mais le roman n'en reste pas moins très intéressant en proposant un schéma qui ne tombe pas dans l'écueil du manichéisme. Notons qu'il sort en poche au mois d'avril pour celleux que ça intéresse!

Retrouvez la critique complète sur yuyine.be!
Lien : https://yuyine.be/review/boo..
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La Monture est un court roman aux allures de conte, récemment publié par les éditions Argyll. Il s'agit d'ailleurs de la première traduction française parmi la poignée de romans signés par Carol Emshwiller, parfaite contemporaine de le Guin qui en fait l'éloge.

À une époque indéterminée, une race extraterrestre a débarqué, conquis et domestiqué les êtres humains (« les nous »). Les Hoots, bipèdes à l'allure féline mais aux jambes atrophiées, voient essentiellement dans les hommes un parfait mode de locomotion.

Le premier chapitre, introductif, est très instructif, car on rentre dans la peau d'un représentant Hoot, justement. Dans la suite du roman, nous suivrons Smiley, un jeune adolescent promis à devenir la monture officielle du futur chef Hoot, qui n'est pour l'heure qu'un bébé.

Dès les premières pages, le style de l'auteure m'a rebuté. À vrai dire, je ne m'y suis jamais fait. Un style un peu vieilli, mais c'est surtout la façon de rendre les pensées et les paroles des Hoots d'une part et celles d'un Smiley plus tout à fait humain d'autre part, qui ma challengé. La traduction n'a semble-t-il pas beaucoup aidé.
Fort heureusement, ces premières pages nous plongent aussi au coeur du sujet, elles annoncent la couleur et cela a suffi pour me motiver suffisamment.

Ce conte explore avec une sensibilité folle les rapports de domestication, et plus généralement de domination. On y prend également la mesure de l'aliénation sous-jacente. On y voit bien sûr aussi la relation de maître à esclave disséquée, avec ses paradoxes perturbants, comme dans La planète des singes, ou encore l'excellent Dogville.
À côté de cela, d'autres thèmes forts sont explorés, comme le passage à l'adolescence (rapport aux parents, découverte de l'amour), la quête de soi-même, mais aussi l'amitié.

La Monture est un roman poignant qui fait réfléchir, forcément et intelligemment. La narration à la première personne nous plonge dans l'intimité psychique du Smiley, et c'est ici plutôt efficace. le climax se fait longtemps désirer pour éclater plus fort encore : larmes assurées ! le dénouement ne m'a pas déçu non plus.

Bref, un roman fort qu'on appréciera d'autant plus si l'on fait abstraction de l'écriture parfois laborieuse et de quelques invraisemblances somme toute normales pour un conte.


Si vous avez aimé l'ambiance et la narration de ce roman, Roche-Nuée, de Kilworth Garry pourrait vous plaire, avec des thèmes différents mais apparentés (quête de l'identité, tolérance et rapport à l'autre, races), même si personnellement cet autre conte ne m'a pas vraiment ému.


Carol Emshwiller s'est éteinte le 2 février 2019. Deux ans de plus et elle était centenaire. Deux ans qui ont vu le monde entier consentir comme un seul homme. Deux ans qui ont vu partir en fumée des libertés lentement et durement acquises.
Destin ironique ou mal pour un bien ? Je l'ignore mais je suis bien certain que cette grande dame eut été bien attristée.
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Depuis maintenant plusieurs générations, les humains ont été convertis en montures par les Hoots, créatures extraterrestres de petite taille et aux jambes malingres inaptes à les transporter, qui ont débarqué un jour sur leur planète. Les Hoots affirment aux humains que cette situation ne leur porte aucun préjudice : au contraire, elle va de soi puisque les Hoots leur sont supérieurs, grâce à leurs sens de la vue, de l'ouïe et de l'odorat bien mieux développés, et pourvoient à leurs besoins.
A bientôt douze ans, Smiley, alias Charley de son nom de personne, est fier de faire partie des meilleures montures potentielles puisqu'il appartient à la puissante race des Seattles : des Sams (nom donné par les Hoots aux mâles, les femelles étant des Sues) très grands, capables de porter de lourdes charges et de courir longtemps. Son dressage s'effectue en même temps que l'apprentissage des règles de monte par son cavalier, Petit-Maître, encore un bébé Hoot mais il n'est pas n'importe qui : c'est Son-Excellence-Vouée-À-Devenir-Notre-Maître-À-Tous.
La vie bien ordonnancée de Smiley, reposant sur des principes auxquels il croit, vole en éclats quand une horde de Sauvages fait irruption dans la ville, tuant les Hoots et saccageant leurs demeures, tout en faisant sortir les montures des stalles où elles sont retenues.
Au péril de sa vie, Smiley défend Petit-Maître. Mais celui qui est à la tête des Sauvages et a failli tuer son cher cavalier n'est autre que son père, qu'il n'avait jamais rencontré, venu exprès pour l'arracher à son environnement domestique …

Pour Charley, qui après quelques pages devient le narrateur, le père qu'il découvre est un étranger effrayant, un homme au regard fou et au visage marqué de cicatrices, à l'élocution difficile mais dont l'autorité naturelle est pourtant reconnue par tous ceux qui l'accompagnent. Appréhender cet inconnu, si soucieux de le délivrer d'une vie que lui aimait, ne sera pas tâche aisée : Héron, c'est son nom, est un homme silencieux et farouche, porté à la solitude, avec lequel communiquer ne va pas de soi.
Surtout, Charley, à douze ans, a ce côté légaliste qu'on peut retrouver chez des enfants de son âge : il a le chaos en horreur et rejette les moeurs rustiques des Sauvages, réfugiés dans les montagnes, lui qui était habitué au confort de la ville et appréciait les beautés qu'elle pouvait offrir. Ses objectifs étaient clairs : devenir une monture belle et performante pour gagner des courses et recevoir des trophées.

Le lecteur, bien sûr, fait un parallèle constant entre les montures et nos chevaux, car l'auteure s'est amusée à multiplier les clins d'oeil se référant à notre goût pour la chose équestre (les montures font l'objet de tableaux, pour ne citer que cet exemple). Cependant ce parallèle n'est qu'un premier plan, le propos va bien au-delà. Car les Hoots savent que les humains sont une espèce pensante et parlante (ils peuvent s'exprimer si on leur donne l'autorisation de parler), aptes à l'écriture et aux réalisations techniques. Mais toutes ces capacités sont étouffées au profit d'un pseudo pacte d'intérêt mutuel … qui en réalité n'a jamais été conclu.
Que Charley en ait conscience ou non, les Hoots assoient leur domination par la force, grâce à des techniques spécifiques, que le lecteur apprendra à connaître au fil des pages (en premier lieu, le saut d'étranglement, avec leurs mains disproportionnées hyper puissantes). Si le gant se veut de velours (les Hoots se targuent d'être gentils et c'est vrai qu'ils répugnent à tuer), la main à l'intérieur est de fer, et je n'évoque pas ici ce qu'il advient des rebelles, comme le père de Charley, on constatera qu'ils ne sont pas vraiment traités gentiment.
Quant au volet psychologique de cet asservissement, il est simple : les Hoots veillent à convaincre les humains qu'ils ne sont pas aussi intelligents qu'eux, pour qu'ils acceptent leur condition soumise.

« La monture » est un roman d'apprentissage, court mais dense. Charley en lui-même, capable de clairvoyance lorsqu'il cesse de s'aveugler volontairement et observe vraiment ce qui l'entoure, y revêt autant d'importance que sa relation particulière avec Petit-Maître, lui aussi endoctriné depuis son plus jeune âge et, au moins au départ, installé dans ses certitudes.
Au fil des péripéties qu'ils traversent ensemble, tous deux grandissent. En pleine confusion, souvent, car ils ne savent plus de quel côté ils sont, celui des Sauvages ou celui des civilisés, au sujet desquels on voudrait que leurs yeux se dessillent. Les relations de dominant à dominé, régulièrement testées voire inversées par chacun des deux, présentent des frontières mouvantes et perméables. L'éveil à la conscience et à la capacité de faire, individuellement, des choix, est long, compliqué et parfois douloureux et le lecteur s'inquiète régulièrement de la tournure que prennent les choses.

Récit prenant, original dans sa forme et son propos, « La monture » s'achemine vers un dénouement qui n'aura rien de convenu. Et s'il y a une leçon à en tirer, c'est que lorsque l'intelligence se joint au coeur, des voies nouvelles peuvent s'ouvrir.
Lien : https://surmesbrizees.wordpr..
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Encore une traduction qui a pris son temps pour traverser l'Atlantique, et c'est heureux qu'elle nous parvienne.

Un court roman philosophique qui nous happe rapidement et donne à réfléchir. Difficile en effet de ne pas faire de parallèle avec l'esclavage dans ce récit qui nous plonge dans les rouages des relations de domination-soumission entre humains et Hoots.

Le point fort du récit est de nous placer du point de vue de Charley, jeune humain de race Seattle (la "meilleure"), et désireux de plaire aux Hoots en tout point. Charley et son hoots,"Petit-Maître", voué à devenir le maitre de tous, vont voir leur monde bousculé au fil des révoltes humaines et leur relation va également changer. Quel camp aura finalement raison de l'autre ?
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La Monture n'est pas un roman de science-fiction comme on peut d'habitude l'imaginer en lisant ce terme assorti à son résumé. Ce n'est pas un roman qui met stricto sensu en scène la lutte de l'humanité contre une invasion extra-terrestre. Son originalité se situe justement dans le pied de nez que fait l'autrice à nos habitudes en la matière. Et rien que pour ça, c'est brillant. Si vous n'avez pas peur d'être chamboulé·e dans vos convictions et dans vos certitudes, alors tentez l'aventure.
Lien : https://ombrebones.wordpress..
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Un beau jour (ou peut-être une nuit), les Hoots ont débarqué sur Terre. Ces petits êtres (qui ne sont pas bleus) venus d'ailleurs.

Ils possèdent de grandes mains, savent faire des bons prodigieux, mais leurs jambes sont fines et incapables de les porter.

Tandis que nous, les Hommes, nous avons de belles jambes musclées…

Nous ne saurons jamais comment cela a commencé, mais les Hoots ont décidé que nous ferions d'excellentes montures et ont commencé à nous dresser, nous faire reproduire entre même race, de faire de nous des coureurs rapides ou des trotteurs sur longues distances. Bref, nous sommes leurs montures !

Cette dystopie m'a fait douter du bien fondé que nous avons de posséder des chevaux, de les utiliser, de choisir le meilleur étalon pour une jument, de les enfermer dans des box, de les tapoter et de leur refiler des friandises. Les Hoots sont très gentils avec leurs montures, ils les aiment, oui, mais… Au prix de l'enfermement ! Au prix de l'asservissement.

Oui, cette dystopie fait se poser pas mal de question, notamment dans notre rapport avec nos animaux de compagnie, même si, dans ce roman, l'on ne parle pas d'animaux, mais d'être humains transformé en monture et qui, s'ils bénéficient de tout le confort, n'en restent pas moins prisonniers, sans pouvoir choisir leur conjoint(e).

C'est encore pire lorsque l'on transforme des humains en bêtes, les divisant en races de Seattle (les trotteurs capables de porter des charges) et les Tennessee (les coureurs rapides). Les mâles sont les Sam et les femelles, les Sue.

Comme dans les dictatures, il y a ceux (et celles) qui se complaisent dans cet asservissement, appréciant la sécurité de leur "emploi", le confort absolu et le fait que l'on décide à leur place. C'est reposant, c'est sécurisant, bien plus que de vivre comme les Sauvages.

Le narrateur sera Charley, jeune garçon de 11 ans, de la race des Seattle, appelé à être la monture du jeune Excellente Excellence, Vouée-à-Devenir-Notre-Maître-à-Tous, dit Petit-Maître pour les intimes. Sa sécurité volera en éclat lorsqu'il se retrouvera libre, avec les Sauvages, son Petit-Maître toujours sur les épaules.

Les style de narration de notre Charley va changer au fur et à mesure qu'il va grandir (il va prendre 2 ans) et qu'il va commencer à réfléchir un peu plus loin que le bout de ses naseaux, pardon, de son nez. Il aime le système, il en fait partie, il est sécurisant, il est valorisant pour un jeune comme lui qui rêve de porter un mors et de conduire son Petit Maître partout.

Sans entrer dans les détails, je dirais que le récit est plus subtil qu'on ne pourrait le penser au départ, que l'autrice a pris la peine de nuancer son histoire, de jouer avec les sentiments de ses lecteurs et de faire de Charley un narrateur naïf, partial, mais pas que…

Tiraillé entre deux solutions, notre jeune garçon va devoir faire preuve de courage, d'abnégation et de réflexion afin de trouver une solution. Il en sera de même avec son Petit Maître qui n'est pas vraiment celui que l'on pourrait penser.

Voilà donc une dystopie intelligente, qui parle d'esclavage, d'asservissement, de rapport de domination entre des cavaliers Hoots et des montures humaines.

La métaphore est subtile, bien trouvée, elle met mal à l'aise à certains moments, surtout au départ, parce qu'on ne peut s'empêcher de faire un rapprochement avec les chevaux, qui, eux aussi, ne choisissent pas toujours leur vie.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Un accident, un vaisseau qui s'écrase sur la Terre, une race extra-terrestre qui se retrouve sur notre planète et qui la domine. Les Hoots qui ont des difficultés à se déplacer sur notre sol, ont vite transformé les hommes (les Sams) et les femmes (les Sues) en montures. Comme des chevaux, Les hommes sont élevés dans des stalles avec lit, eau chaude et froide, nourriture, vêtements. Des races sont aussi sélectionnées par les envahisseurs : les Tennessees sont les plus fins et les Seattles les plus robustes.

« Vous serez libres. Vous aurez un lit. Vous aurez un robinet et une étagère. Nous vous complimenterons si vous faites les choses assez vite et si vous ne faites pas les difficiles. Nous masserons vos jambes et nettoierons vos pieds, à vous, à tous les Sams et à toutes les Sues, et vous, les Sams, vous avez intérêt à bien vous tenir. Vous nous appelez toujours extraterrestres, bien que nous habitions votre monde depuis des générations. D'ailleurs, pourquoi appeler étrangers ceux-là même qui vous ont apporté la santé et le bonheur ? Regardez comme nous nous complétons, vous et nous. Comme si nous étions faits l'un pour l'autre alors que nous provenons de mondes éloignés. »

Le roman débute trois cent ans après l'arrivée des extraterrestres. Nous suivons Charley, un jeune humain qui est destiné à devenir la monture du futur chef des Hoots « Son-Excellence-Vouée-À-Devenir-Notre-Maître-À-Tous. » Elevé dans l'amour des maîtres, il ressent un certain dégoût pour les autres humains, les Sauvages qui vivent en liberté dans les montagnes. Ceux-ci refusent de respecter les règles édictées par les Maîtres et surtout ils se reproduisent sans respecter la pureté des races…

« Je suis un Seattle. Nous sommes les meilleurs en termes de taille et de force, même si nous ne sommes pas aussi rapides que les Tennessee. Je veux être un bon Seattle. Je veux être le meilleur de tous. Dans mon ancienne écurie, au-dessus de mon étal, il était écrit : « SMILEY », et en dessous, « FILS DE MERRY MARY. Sera bon pour le trait, bon trotteur de longues distances et bon étalon. » Ils l'avaient écrit dans notre écriture et dans la leur. Je peux les lire toutes les deux. Je serai libre de me proposer pour n'importe quelle fille de Seattle. J'aurai peut-être même le choix. »

Dans son roman, Carol Emshwiller prend le parti de nous raconter son récit à travers les yeux du jeune Charley âgé de 11 ans. le style est naïf et manque d'impartialité car écrit à la première personne. En effet, notre héros est partie prenante pour les envahisseurs. On est tellement habitué à se tenir du côté des opprimés que l'on a du mal à s'immerger dans cette histoire. C'est assez déstabilisant mais on finit par comprendre que toutes ces années de domestications ont pu empêcher ces hommes de développer un intellect propre à la liberté.

« Ils n'arrêtent pas de dire que les seuls qui soient vraiment libres, c'est nous.« Où serions-nous sans vos fidèles et sûrs appuis ? » Et puis, ils battent des oreilles (c'est leur rire) tellement ils sont heureux de nous avoir. C'est facile à comprendre, que feraient-ils sans nous ? Dans leurs maisons, ils doivent se déplacer en se traînant sur de petits tabourets. Je n'aimerais pas ça du tout. Nous sommes vraiment les plus chanceux. »

Le rapport dominant et dominé prend toute sa valeur dans la deuxième partie du livre lorsque Charley rencontre son père, un sauvage qui veut libérer tous les hommes de la suprématie des Hoots. Entre la soif de liberté du père et le conformisme à outrance du fils, La Monture est un roman qui sort des sentiers battus et possède une force qui lui a permis de recevoir le prix Philip K Dick et la reconnaissance de la critique pour son originalité.

« Mais nous, les Sauvages, nous sommes revenus, nous nous reproduisons en secret dans les montagnes. Mon père dit qu'ils ne peuvent pas avoir la moindre idée de notre nombre. Il dit qu'ils ont perdu notre trace parce qu'ils n'aiment pas les collines, encore moins les montagnes. Ils ont besoin d'endroits plats et sans relief. »

Ce roman est un hymne de 200 pages à l'humanité autant qu'à l'animal. Les deux se mêlent intimement l'un à l'autre au point que l'on ne sait plus très bien qui est qui et qui domine qui. On est perdu dès le départ. La dignité humaine devra-t-elle correspondre à une vie d'esclave douce et rangée ou devra-t-elle être une vie libre mais dure et dangereuse ? La solution n'est certainement pas simple et le livre essaiera pourtant de nous donner une réponse. Si vous êtes prêt pour ce voyage déroutant, si vous êtes prêt à être chevauché par un Hoot, si vous êtes prêt à remettre en cause votre perception de la nature humaine, alors cette aventure est faite pour vous. Je vous invite à la découvrir et à l'apprécier comme je l'ai fait.

« Comme si cette fleur était différente de toutes les autres, même de sa propre espèce. Comme si toi aussi tu n'étais pas de ton espèce, mais de toi-même, ni moi de mon espèce. Avance, avance, avance, maintenant, avance.
Nous avançons. »
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