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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
03/10/2013: Au large de Lampedusa, le naufrage d'un bateau de migrants provoque la mort de 366 personnes...


Un poisson est revenu, à Lampedusa, le loup de mer.
"Tu sais ce qu'ils mangent?
Rien, il n'y avait rien à ajouter. "


Un plongeur se confie:
-En mer, toutes les vies sont sacrées. Il n'y a ni couleur de peau, ni d'ethnie, ni religion.
C'est la loi de la mer ! "


Une pause, une très longue pause, son regard s'était perdu.
- Quand tu as 3 personnes en train de couler près de toi, et 5 mètres plus loin, une mère et un bébé qui se noient, tu fais quoi ?


Mais, les embarcations n'arrivent plus. La Lybie bloque les bateaux, dans ses eaux et l'Italie les incercepte pour les escorter en Sicile...
Loin des projecteurs.
Zéro débarquement à Lampedusa!


Mais, en octobre 2013, les cadavres trouvés dans les filets, étaient rejetés à la mer, les femmes étaient violées dans les prisons syriennes, les bateaux continuaient à couler...


Enquêtes et témoignages des médecins, ONG et habitants de Lampedusa, mais il y a aussi l'histoire du cancer de l'oncle Beppe...
Aucun rapport ?
Sauf peut-être, l'évocation de la résonance de ces noyés, de ces cadavres, de la mort, sur les uns et les autres...
Un traumatisme collectif!


L'Aquarius n'a plus le droit de naviguer, ce bateau de SOS méditerranée qui portait secours aux migrants, en mer...
Changement de politique sur l'immigration.


"On parle d'êtres humains, sous forme de chiffres et de statistiques. Mais, une seule personne, c'est déjà beaucoup".
Le petit Aylan hante toujours nos mémoires, ce petit gamin retrouvé mort, sur la plage, le 03 septembre 2015...
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Voila, c'est fini…
La peur, l'égoïsme, la bêtise et la lâcheté auront eu raison de l'Aquarius. Pourtant, ce bateau affrété par SOS méditerranée respectait la loi de la mer, lui. Une loi qui dit qu'en mer on doit porter secours
à quelqu'un en difficulté, quelles que soient les circonstances.

Davide Enia, lors de séjours à Lampedusa, va recueillir des témoignages d'habitants de ce petit rocher perdu entre Sfax et Malte, entre Tripoli et la Sicile où tant de migrants on pu renaître, où tant d'espoirs ont pu sombrer.
Des habitants qui avouent avoir eu un reflexe de repli quand la première embarcation de fortune, en 1996, est venue accoster sur l'île avec ses premiers naufragés de la vie. Des portes fermées quelques minutes juste le temps d'avoir honte et de laisser parler l'humain.
Du plongeur qui pour toujours se demandera s'il aurait mieux fait de sauver cette femme et son enfant qui étaient à cinq mètres de lui plutôt que les trois personnes qu'il a sorti de l'eau et qui étaient plus près, à cet autre qui lors du naufrage du 3 octobre 2013 ( 350 morts, 150 rescapés) a vécu une plongée traumatisante, de celles qu'on imagine même pas dans les pires cauchemars, les témoignages sont bouleversants. Des habitants qui assurent l'après sauvetage aux pêcheurs sauveteurs, tous n'ont que faire des considérations économicomerdiques, la question de la solidarité et de l'aide ne se pose pas, les mains tendues ne sont qu'évidence.
Et puis il y a les témoignages de ceux qui ont vécu l'inimaginable, ceux qui se sont confiés pudiquement sur leur parcours.
Que de regards perdus, anéantis, dans ces pages…
Les jours, les mois, les années passent et toujours le même drame qui vient s'échouer sur le sable blanc. Et toujours les mêmes héros, meurtris, qui font tout leur possible pour repousser la mort qui règne dans ce coin de Méditerranée, faisant de leur île une terre d'accueil, n'en déplaise aux politiciens et autres fanatiques identitaires ou cravatés des « marchés ».
La faucheuse qui rode en permanence dans les parages renforce les liens entre les hommes.
Davide Enia fait aussi la part belle à l'amitié dans son ouvrage. Amitié entre les îliens, entre certains d'entre eux et lui. Et puis il y a la famille Enia, sicilienne. Les rapports distants (sicilien comme dans les plus belles caricatures, des rapports « d'homme ») avec son père. Davide Enia va lui demander de l'accompagner, le contexte fera évoluer la relation. L'oncle Beppe, comme un lien entre eux, un sacré bonhomme.
C'est à croire qu'il faut que le malheur s'invite pour qu'on se dise qu'on s'aime…
Ce livre est dur malgré une retenue dans les témoignages, une pudeur qui accompagne des gorges qui se nouent et des regards humides à travers les mots.
Loin des yeux de l'occident…
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Ce livre coup de poing correspond à une réalité dont on parle moins aujourd'hui parce que l'arrivée de migrants à Lampedusa n'est quasiment plus d'actualité : disparition des bateaux qui portaient assistance aux migrants en mer, politique récente de l'Italie et de l'Europe en matière d'immigration clandestine, forte baisse du nombre des migrants empruntant la voie méditerranéenne, rôle amplifié des garde-côtes libyens qui arraisonnent et ramènent les canots en Libye, etc… Il n'en reste pas moins que la réalité de cette immigration vers l'Europe est toujours présente avec son lot de drames ; sans compter que les importants camps de migrants en Libye et leurs conditions effroyables ainsi que l'instabilité politique de ce pays ne met pas l'Europe à l'abri d'une nouvelle vague massive d'arrivants.

Revenons au témoignage de Davide Enia… L'état des migrants lorsqu'ils débarquent à Lampedusa est indescriptible. L'auteur nous en fait effleurer la réalité avec ces petites filles enceintes suite à des viols répétés, ces femmes gravement brûlées parce qu'obligées de voyager assises dans le fond du canot et marinant dans eau+pétrole+urine (seuls les hommes ont le droit d'être assis sur les boudins bordant le canot), ces migrants qui, repêchés après naufrage et épuisés par de longs mois de souffrance, meurent de froid sur le pont du bateau avant l'arrivée au port, d'autres qui s'évanouissent en chaîne lorsque qu'ils mettent le pied à terre parce que totalement déshydratés, etc…, etc…
Comment concevoir que les bénévoles qui les assistent puissent moralement résister et trouver encore le courage de leur sourire ? Surtout quand plusieurs canots arrivent en même temps et qu'ils sont totalement débordés par l'afflux et le nombre de cas à prendre en charge médicalement ; et je passe sous silence les morts, surtout les enfants, l'obligation de faire des choix pour les sauveteurs en mer lors des chavirages (trop de naufragés ne sachant pas nager pour le nombre de sauveteurs-plongeurs)… des choix qui les hantent.
« On parle des êtres humains sous forme de chiffres et de statistiques, alors qu‘une personne, c'est beaucoup plus. Une personne, ça a des espoirs et des inquiétudes, des désirs et des tourments» dit l'une des bénévoles. Elle raconte que la première fois où elle a vu des migrants, c'était ceux qui s'étaient réfugiés sous l'auvent de sa maison pour s'abriter de la pluie et du froid ; « Il faut fermer » s'est-elle dit. Puis elle a eu honte de ce premier reflexe et est sortie pour aider dans la mesure de ses moyens ; son rôle parmi les bénévoles venait de commencer… « Les gens de Lampedusa n'accueillent pas les réfugiés par pitié ou par altruisme ; tout ce qu'ils veulent c'est pouvoir se regarder dans la glace le matin sans avoir honte » a-t-elle dit dans un interview pour Arte.

Deuxième thème du livre : les relations entre Davide Enia et son père. Pas de communication entre eux : « le Sud souffre d'une difficulté à communiquer venue d'une culture séculaire où se taire est une preuve de virilité. (…) Parler, c'est une activité de ‘'fimmina''. Les faibles parlent, les vrais mâles restent muets. ». Cardiologue à la retraite, son père pratique la photographie en amateur : « Il n'est pas étonnant que mon père ait trouvé dans la photographie le moyen d'expression idéal. Dans cet environnement asphyxiant (omertà), quasi analphabète sur le plan des sentiments, incapable de nommer son désir, je vois ses photos comme une ouverture sur le réel ».
Pour tenter d'établir un début de communication et illustrer son reportage, il invite son père à l'accompagner à Lampedusa. Et là, il va découvrir que celui-ci est bien plus présent qu'il ne le croyait : « Si je ne m'étais jamais aperçu de sa présence, c'est que je donnais plus d'importance à ce qui manquait, les paroles, au lieu de comprendre la valeur de ce qui avait toujours été là, son regard. S'il n'était pas intervenu, c'est parce qu'à un moment donné je lui avais interdit de m'aider. » La fin de vie de Beppe, oncle très proche de Davide et frère cadet de son père avec lequel il avait un lien très fort va finir de les rapprocher.


Pour conclure, je reprendrai ces mots de l'auteur : « Des centaines de milliers de personnes ont transité par cette île. (…) Nous n'avons pas les paroles pour dire leur vérité, (…) eux qui sont partis pour aborder nos rivages à un prix qu'on n'imagine même pas. (…) C'est eux qui auront les mots pour décrire ce que veut dire aborder sur la terre ferme après avoir échappé à la guerre et à la misère, pour suivre leur rêve d'une vie meilleure. Qui nous expliqueront ce que l'Europe est devenue, qui nous montreront, comme dans un miroir, ce que nous somme devenus. »
Et je ne suis pas sûre que cette image soit à notre gloire…
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Déjà auteur d'une sublime fiction " sur cette terre comme au ciel" en 2016, David Enia, romancier italien particulièrement prometteur, tente la voie du récit avec cette loi de la mer qui nous plonge dans la situation des migrants arrivant sur l'ile de Lampedusa, petite île italienne située au dessus de l'Afrique, où les migrants débarquent toute l'année.

Enia part à la rencontre des insulaires qui côtoient les migrants , bénévoles, pécheurs, médecins et qui libère la parole de ces témoins impuissants...

En parallèle, l'auteur évoque des souvenirs personnels, sa relation difficile avec son père, la maladie de son oncle.. Un récit à multiples facettes et une formidable leçon de vie à lire absolument !!
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Davide et son père regardent L Histoire se dérouler sous leurs yeux, dans l'immensité de la Méditerranée, à Lampedusa. Pendant plus de trois ans l'écrivain s'est fait le témoin des vagues successives de rafiots bondés de migrants en détresse. Ils viennent de la corne de l'Afrique. Ils ont bravé la peur, le soleil implacable du désert, les passeurs sans foi ni loi pour fuir. Fuir la pauvreté, la famine, le chômage, la corruption. Souvent détenus en Lybie, avec toute la violence qui en découle, ils cheminent vers l'Europe avec l'espoir vissé au corps, la promesse d'un avenir plus doux. Ils n'ont ni identité, ni âge, ni nationalité. Dépouillés de leur histoire personnelle, ce sont des hommes affaiblis et moribonds qui s'échouent sur les plages de sable blanc de cette petite île perdue entre l'Europe et l'Afrique. L'Europe, c'est l'espoir d'une nouvelle vie, d'une renaissance. Ils sont alors prêts à braver tous les dangers.

La Loi de la mer est une ode à l'amour, à la vie. Dans ce récit s'entremêlent la fragilité et la force de tout être humain. Grâce aux nombreux témoignages d'habitants, de secouristes, d'exilés et de survivants, Davide Enia donne toute la mesure de l'urgence de la réalité. Sans jamais tomber dans le pathos, il décrit avec précision la violence qui accompagne chaque migrant. Et pourtant, ce sujet s'avère très épineux car il évoque ici en majorité, les migrants économiques (Niger, Cameroun, Erythrée, Soudan, Somalie, Maroc, Tunisie, Népal). C'est en cela que les témoignages sont indispensables.
Tout en restant factuel, l'auteur parvient efficacement à dépeindre les sentiments contradictoires des habitants de Lampedusa. Lors des premiers débarquements, certains îliens se sont laissés submerger par leur atavisme de protection pour ensuite laisser parler leur coeur et secourir ces hommes, ces femmes, ces enfants du bout du monde.
Et pourtant, quelle honte y-a-t-il d'avoir ces deux réflexes opposés, l'instinct de protection et l'instinct de porter secours? Même contradictoires, ces deux sentiments sont humains. Pouvons-nous blâmer les habitants de vouloir se protéger de l'inconnu, de vouloir protéger leurs conditions de vie? En aucune manière… Et dans ce récit, Davide Enia met en exergue l'humanité que chacun porte en lui, sans jugement, partialité ou prosélytisme.
Pour autant, j'entends déjà des voix qui chercheraient à y apporter un discours politique, à critiquer le besoin impérieux de ces migrants économiques ou climatiques à quitter leur pays… le plus grand danger serait de se laisser aller à se poser la question à savoir quel serait le degré d'empathie pour un migrant économique et celui pour un réfugié politique? Il semble donc impératif de répéter que ce récit n'a pas pour but d'apporter un regard idéologique, bien au contraire. le lecteur qui cherchera des solutions pour enrayer ou assimiler ces flux migratoires n'en trouvera aucune. Ce n'est pas une histoire de politique, d'économie. C'est une histoire d'Homme (oui, avec un grand H).
L'auteur se fait le porte-parole de tous ces gens qui respectent la Loi de la mer. Cette loi, tacite et séculaire, qui impose de porter secours à toute personne en danger de mort.
Cependant, en refermant la dernière page du livre, un sentiment de malaise nous envahit. Lampedusa et ses habitants, livrés à eux-mêmes… Qui se soucie réellement des problèmes rencontrés par les habitants? Des flots incessants de journalistes déferlent sur les plages lors des débarquements, encore plus depuis ce tragique 3 octobre 2013 où 366 migrants africains ont trouvé la mort. Les habitants vivent quotidiennement avec le souvenir de ces corps repêchés et gonflés comme des éponges, de ces cercueils alignés… L'ampleur de ce drame a provoqué un immense coup de tonnerre dans la bulle médiatique mais, in fine, rien ne change. Une quinzaine de jours plus tard, c'était 700 personnes qui allaient être secourus au large de l'île… Mais les lampedusiens continuent, envers et contre tout à sauver des vies, à apporter de l'eau, de la nourriture, des vêtements chauds. Ils continuent car, à bien y réfléchir, ont-ils d'autres choix? Leur générosité, leur bonté et leur altruisme font briller à nouveau l'étoile de l'espoir, font renaître ce sentiment profond d'appartenance à la race humaine.
De leurs témoignages, tous aussi poignants les uns que les autres, Davide Enia en a fait une ode à l'amour, à l'humanité, à l'entraide. Il s'évertue à rendre publics leurs paroles, leurs doutes, leurs failles, leurs blessures, leurs traumatismes. Alors, confortablement installé dans son fauteuil, le lecteur ne pourra que se laisser envahir par son humanité, quelles que soient ses opinions politiques, car la Loi de la mer se fiche pas mal des couleurs, des frontières, des difficultés économiques, des guerres, des religions.
Un récit poignant, tragique, profondément humain et écrit avec la plus grande des sensibilités qui mérite amplement le prestigieux prix Mondello qui lui a été décerné.
Je remercie sincèrement Masse Critique et les éditions Albin Michel pour leur envoi à titre gracieux.
Lien : https://mespetitescritiquesl..
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La loi de la mer, ce sont les yeux de Davide Enia devant les migrants sur l'île de Lampedusa, au sud de l'Italie.

Naufragés-survivants.
La tombe ou la terre.
La mer, grande dame qui porte dans ses vagues l'espoir d'un avenir meilleur.

A travers des témoignages poignants, l'auteur nous plonge dans cette migration sous les traits de l'urgence à agir, telle une mère pour secourir son enfant en danger, telle une mer portant hommes femmes et enfants dans ses tumultes, ses vagues, tempêtes afin d'amener les plus chanceux sur une terre d'asile.

Davide Enia nous livre son regard dans un roman sans trêve, pas de chapitre ici nous permettant de reprendre notre souffle. On embarque dans ses flashs, dans des bouts de recueils d'autres regards. On devient rescapés sur cette île de Lampedusa face aux espoirs échoués.

Ce n'est pas une romance ni une histoire suivant un fil.
Des témoignages et des images sur ces migrants à travers un fils et un père dont le silence est omniprésent. « Chacun de nous reste là encore en silence, le téléphone à la main, face a son propre vide, comme deux embarcations qui n'ont fait que se frôler la nuit en mer et reprennent ensuite leur voyage en solitaire. » le voyage d'un fils vers son père est poétique et troublant. Toujours cette mer en toile de fond en guise d'image émotionnelle.

L'image est permanente dans ce roman. L'image plus forte que les mots pour figer l'horreur. L'image pour saisir le détail, l'émergence de la trêve.

La loi de la mer interroge : sommes-nous prêts à aider, secourir, comprendre, aimer quel qu'en soit le poids des drames et du sacrifice...

Un roman que je conseille pour sa prestance littéraire, pour toutes les espérances fatiguées que retient et s'en va larguer dans ses profondeurs, la grande maîtresse bleue.

J'adresse mes remerciements aux Éditions Albin Michel pour cette participation à Masse Critique Babelio, j'ai découvert un roman et un auteur tout à fait méritants et prometteurs l'un comme l'autre.
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Bouleversé par le tragique naufrage d'une bateau qui transportait 500 migrants au large de Lampedusa en octobre 2013, Davide Enia decide de se rendre sur l'île 3 années durant pour tâcher de mieux comprendre, et raconter ce qui s'y passe.

De ces observations, des rencontres qu'il fait à Lampedusa, des réflexions qu'elles suscitent naît ce récit intime et bouleversant.

Enia donne la parole avec une pudeur et une sensibilité remarquables à ceux qui accueillent au quotidien ces hommes, femmes, enfants qui viennent chercher l'espoir en Europe. Médecin, plongeur, bénévole, habitant de l'île...ils disent leurs souvenirs, les mains tendues, les mots qui apaisent et le choc continu face aux cadavres, aux tortures subies, aux souffrances de ceux qu'ils accueillent coûte que coûte, parce que c'est la loi de la mer.

On entend la peur, l'effroi, l'impuissance mais aussi les chants, les danses, les blagues qui redonnent aux voyageurs épuisés et effrayés une humanité. Enia évoque évidemment aussi avec certains migrants l'odyssée cauchemardesque qu'ils ont vécu, les geôles libyennes, les tortures, les viols, les disparus, puis la traversée dans des conditions inhumaines. Et le sentiment d'abandon des Lampedusains.

Dans une langue toujours soignée et poétique, l'auteur palermitain nous invite à regarder en face ce qui se passe tout au sud de l'Europe, à travers son regard ou celui de son père, photographe, qui l'accompagne de ses silences, et de l'ombre protectrice de son oncle malade, qui craint de ne pas vivre suffisamment longtemps pour lire une dernière fois les mots de son neveu.

Un immense coup de coeur pour ce récit indispensable et d'une infinie bonté qui m'a émue aux larmes et révoltée. Indispensable pour comprendre ce qui se passe en Méditerranée et redonner un visage à ceux qui y risquent la vie chaque jour.
Un auteur à découvrir, si ce n'est déjà fait, avec ce récit ou son sublime premier roman "Sur la terre comme au ciel".
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Davide Enia, dramaturge et depuis peu romancier, nous présente ici le récit de faits épouvantables en convoquant l'art du dramaturge et de l'écrivain. Son but n'est assurément pas de passer un message politique quelconque, me semble-t-il. Il raconte ce qui se passe à Lampedusa en trois longs chapitres rythmés par les débarquements, la maladie de son oncle Beppe et ses séjours sur l'île. Comme il n'a pas assisté lui-même à beaucoup de débarquements, il va faire parler des témoins qui acceptent de se livrer, essentiellement parmi les gens qui aident ces migrants à leur arrivée, médecins, bénévoles, secouristes, etc., et les hommes qui respectent la loi de la mer : les plongeurs, les capitaines, les marins-pêcheurs. Les sauveteurs en mer le disent à plusieurs reprises : Quand tu vois quelqu'un qui se noie, tu lui portes secours, réfugié politique, climatique ou économique, peu importe.

Tous vont raconter ce qu'ils ont vu, ce qu'ils ont de la difficulté à verbaliser : les morts méconnaissables qui arrivent sur les plages, qui sont repêchés en mer ou qui dérivent sur des canots de fortune ; les vivants épuisés, dénutris, malades, désespérés ; les femmes violées à d'innombrables reprises dans les camps et par les passeurs, leurs organes génitaux brûlés par les excréments au fond des canots ; et les enfants… oh ! les enfants… Et la vie continue, le quotidien reprend ses droits, des drames différents surviennent, de bons moments présents ou passés, la vie à célébrer…

C'est parce qu'il mêle deux récits que j'ai trouvé le témoignage de Davide Enia si fort. L'horreur de Lampedusa va alterner avec les relations de Davide et de son père, médecin à la retraite et photographe. Entre ces deux Siciliens, la parole est difficile et parfois, la photo prend le relais. Ce récit rend aussi hommage à l'oncle Beppe, le frère du père, et donne le sentiment d'une relation privilégiée entre les trois hommes, mais toujours entravée par la difficulté du père à dire les sentiments. Je me rends compte en recherchant les passages que j'ai notés de l'importance que prend le thème de la parole dans ce texte, et peut-être plus encore celui de la nécessité de dire. Pas seulement les témoins des drames de Lampedusa au monde entier, mais le médecin à son patient, le père à ses enfants, l'homme à la femme qu'il aime et vice-versa…

Merci au Grand Prix des lectrices de Elle et aux éditions Albin Michel pour ce livre bouleversant.
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Lampedusa, une petite île en Méditerranée. Une petite île qui est devenue un symbole. Une petite île mise en lumière le jour où Le Pape François est venu pour dénoncer l'indifférence du monde face aux sorts de ces hommes et de ces femmes qui décident de fuir leur pays.
A Lampedusa, pas d'indifférence. le livre commence d'ailleurs pas les mots d'un homme loin de l'image du militant associatif, puisqu'il se dit proche des idées fascistes. Des mots forts et lourds de sens : "Ici on sauve des vies. En mer toutes les vies sont sacrées." La fameuse loi de la mer, que certains oublient. Depuis toujours, on sauve un homme à la mer, et il n'y a pas de mais. Davide Enia se fait le témoin d'une situation, sans jugement. Il rencontre ceux qui agissent, ceux qui sont là pour aider le jour du débarquement, ceux qui silencieusement apportent quelques vêtements, ceux qui repêchent les corps quand il n'y a plus de survivants.
Davide Enia n'est pas seul dans ce récit, il est accompagné de son père, qui part pour la première fois en voyage avec lui. Et la relation entre les deux hommes est d'une grande beauté. Il y a l'évidence des regards entre un père et son fils, les silences partagés, l'amour incommensurable qui ne se dit pas. Et il y a l'oncle Beppe, qui se bat contre un lymphome, qui va être un lien entre le père et le fils.
Tout est touchant, sans misérabilisme, toutes les relations humaines sont justes et décrites sans pathos. Et c'est naturellement que les larmes viennent aux yeux à la fin du récit autour d'un lit d'hôpital.
Davide Enia a le talent de mêler à ces choses terribles, que ce soit la mort des migrants ou le cancer, l'Italie, la lumière si particulière de la Sicile, la beauté de la mer, l'ombre d'un requin, et des mots d'italiens qui émaillent le récit.
J'ai beau cherché, je ne trouve pas de bémols à ce texte. Il est tristement d'actualité, il est nécessaire et il est merveilleusement bien écrit. C'est un livre qui devrait faire prendre conscience à tous de la nécessité de ne pas fermer les yeux sur la situation migratoire en Europe. Et que ceux qui arrivent sur les bateaux ne sont pas des migrants mais des êtres humains comme vous et moi, avec leur histoire, leurs joies et leurs peines.
Si je devais utiliser un mot pour résumer ce texte, ce serait celui de miséricorde. Venir en aide à celui qui est dans le besoin. Tout simplement.
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Davide Enia part d'un reportage qu'il doit faire sur Lampedusa pour étendre son propos à ses relations avec son père et au cancer en phase terminale de son oncle, Beppe. le père et l'oncle sont tous deux médecins. le père de Davide Enia, à la retraite, s'est trouvé un hobby, la photographie. Il va l'accompagner au gré des séjours d'Enia à Lampedusa, autant d'occasions pour Enia d'essayer de renouer un dialogue avec son père et de persuader celui-ci de téléphoner (et de voir) Beppe, son frère.

On ne va pas se mentir, ce n'est pas un livre facile. le propos rend la lecture parfois pénible. Enia revient sur le naufrage de plusieurs centaines de migrants le 3 octobre 2013 et sur les commémorations officielles. le sujet est dur.

Les interviews de pêcheurs, des gardes civils, des habitants de Lampedusa qui ont participé aux repêchages de corps, à l'accueil de migrants... ce ne sont pas des moments de franche rigolade. Pourtant, même en étant assez cash sur les mots, Davide Enia n'est jamais voyeur, il reste humaniste et humble. Même lorsqu'il parle de la dégénérescence de son oncle, de l'état des corps repêchés après un long séjour en mer, des violences faites aux femmes, des viols, de l'attitude hypocrite des autorités... Finalement la loi de la mer s'impose. le récit de Davide Enia se situe entre incompréhension et révolte, colère et acceptation, entre souvenirs et temps présent.

Le résultat est fort et secoue pas mal.
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