Ce tome contient les épisodes 1 à 6 de la série débutée en 2011. Il s'agit d'une histoire complète indépendante de toute autre.
Dans une banlieue dortoir américaine, une femme est en train de se confier à son journal intime. Elle s'appelle Jen Fellows, son mari se prénomme Andrew. Ils sont les parents de 2 enfants : Alice et Mark. Elle indique que son mari a déposé les enfants à l'école, qu'il s'est trompé en préparant la machine de linge (il a intégré un vêtement qui a décoloré), qu'elle s'est fait faire les ongles des pieds chez l'esthéticienne et qu'elle n'a pas compris pourquoi le dernier numéro de "Flingues & munition" promouvait autant le calibre 9mm. Elle a préparé le repas pour toute la famille, elle aide l'aîné à faire ses devoirs, etc. Quand tout le monde dort enfin, elle revêt une tenue noir en cuir, une perruque et va dessouder du criminel. Ce premier tome explique qui est cette femme, quelles sont ses motivations et qui sont les gens qui trinquent en face.
Garth Ennis est un scénariste prolifique qui a à son actif de nombreuses séries inoubliables telles que Punisher MAX, Hitman, Preacher, The Boys ou Battlefields. Difficile pour moi de résister quand il débute une nouvelle série.
Dans la postface,
Robert Greenberger explique que cela lui a fait très plaisir de voir Ennis se détendre avec un projet moins glauque que "The Boys" ou "Crossed", 2 des projets en cours au moment de la publication. Par moins glauque, il faut comprendre que la situation de l'héroïne est moins désespérée que celle de Billy Butcher. le lecteur retrouvera malgré tout des moments Ennis énormes : coup de hache dans le crâne, matière cervicale qui gicle, assassinat par noyade, éviscération, etc. On peut même dire qu'il se lâche à plusieurs reprises dans le gros qui tache. Coté histoire principale, le lecteur découvre peu à peu la motivation de Jen Fellows et la raison pour laquelle elle massacre du criminel.
Jusqu'ici, rien qui ne sorte de l'ordinaire pour
Garth Ennis. le lecteur remarquera tout au plus un ton un peu plus léger effectivement, ainsi qu'une ou deux remarques techniques sur les armes à feu. En regardant de plus près, le premier point d'originalité est relatif à la durée de la série : Ennis s'en occupe pendant 6 épisodes, puis il la quitte pour laisser la place à
Al Ewing dès l'épisode 7. Deuxième particularité : l'équipe de bras cassés qui dessinent. Il semble à peu près évident que l'éditeur Dynamite Entertainment a convaincu Ennis de les aider à développer leur ligne de comics en lui demandant de créer des concepts dont il assure la première histoire : ce fut le cas pour Crossed, c'est le cas pour "Jennifer Blood". C'est une pratique courante dans le monde des comics, et rien ne vous oblige à acheter les épisodes qui ne sont pas écrits par Ennis. Mais on attend au moins que les premiers numéros soient illustrés par une équipe graphique qui tienne la route. Or en 6 épisodes, le lecteur voit défiler 3 dessinateurs :
Adriano Batista (épisodes 1 à 3), Marcos
Marz (épisodes 3 & 4) et
Kewber Baal (épisodes 4 à 6). Batista a un trait un peu gras un peu sec, pas toujours très précis. Mais il donne une apparence visuelle à Jennifer Blood qui en impose et il ne lésine pas sur les détails. Les dessins sont adultes, les blessures par balle ne sont pas belles à voir. Il n'y a que la composition de la page qui est parfois un peu fouillis.
Marz utilise un style plus simple et plus appliqué. Il subsiste des détails dans les vêtements et les lieux, mais ces dessins un peu trop propres sur eux finissent par diminuer l'intensité dramatique (les ninjettes ne passent pas du tout).
Kewber Baal s'applique pour être réaliste, mais son style est affecté des tics de comics avec un abus de cadrages inclinés pour dramatiser, et des poses stéréotypées qui nuisent à la crédibilité et à l'immersion. Pour que le coté graphique du récit ait été satisfaisant, il eut été préférable qu'il n'y ait qu'un seul dessinateur du début jusqu'à la fin, Batista aurait pu faire l'affaire. Je n'ai toujours pas compris la politique de l'éditeur qui n'a pas pu trouver un dessinateur souhaitant être associé à un scénario de
Garth Ennis le temps de 6 épisodes.
Troisième particularité :
Garth Ennis n'est pas très en forme. Il enfile une série de clichés sur la ménagère en banlieue dortoir qui ne constituent qu'un mince vernis insuffisant à insuffler une identité à la famille Fellows. Il ne sait pas résister à la tentation de leur coller un voisin aux pratiques singulières. Quand elle effectue ses activités nocturnes, Jennifer Blood compartimente sans réelle difficulté ses 2 identités et ses 2 vies. Il y a bien une ou 2 réflexions qui montrent qu'il y a des risques de contamination d'une sphère par l'autre, mais cela ne reste que de timides esquisses. Mise à part la dernière scène du premier épisode, Ennis manque singulièrement de cruauté, ou même de mordant vis-à-vis de la situation de Jennifer Blood. Elle passe d'une vie à l'autre, sans coup férir, sans tension réelle. Elle maîtrise tout du début jusqu'à la fin, décimant avec une facilité impressionnante et assurant ses 2 vies sans difficulté réelle. du coup ses aventures ne forment qu'une suite de péripéties sans enjeu ; il ne reste au lecteur que les moments Ennis mais seulement leur coté choc, sans poids social ou caricatural.
Ce tome souffre de 3 dessinateurs moyens en 6 épisodes, et d'un scénario avec des moments Ennis énormes, mais sans substance.