Voulez-vous vraiment voir un monde en 3D? Voulez-vous en jouir sans vous donner la peine de payer votre place et d'enfiler vos lorgnons? Regardez autour de vous
L'indignation est un art de ramper la tête haute, qui a besoin de cause comme la charité a besoin de pauvres : son propos n'est pas de changer le monde, mais d'y trouver l'occasion de s'en plaindre.
La philosophie n’a aucun effort à faire pour convenir à la banalité, qu’elle soit grotesque ou sublime. La glaise est déjà sa vie.
Depuis que la philosophie est en vogue ou à la mode , le philosophe orphelin de l’Université (qui n’a jamais su l’accueillir) se penche sur la vie quotidienne comme on s’encanaille, avec la condescendance jubilatoire du grand seigneur qui adopte le parler paysan.
On présente souvent l'indignation comme un antidote à l'égoïsme alors qu'elle en est le digestif et le paravent et que, à l'image du père qui lutine sa fille tout en s'indignant de la condition des femmes, l'indignation offre à l'incurie l'écrin d'une bonne conscience qui autorise toutes les infamies. Dès lors, autre avantage : l'indignation est indéfiniment renouvelable. N'ayant, face au réel, que la ressource de l'anathème et de la déploration, puisant dans l'hiatus entre le monde comme il est et le monde comme il devrait être, le phénomène publicitaire de l'indignation se trouve toujours une raison d'être.
(...) l'indignation a ceci de génial qu'étant l'affect rousseauiste par excellence elle donne le sentiment d'être iconoclaste tout en appartenant à la majorité. Elle consiste à hurler avec la meute tout en persuadant l'indigné qu'il est son seul maître. Elle a l'air de révolte, mais c'est un sédatif. Dormez, braves gens, faites comme tout le monde, indignez-vous !
On a beau constater, la conscience jaune encore de sommeil, qu'un Janvier blafard exhibe des bouteilles vides, et que, outre l'aspirateur il va falloir passer la serpillière, rien n'y fait, le Nouvel an renaît chaque années des cendres de Décembre, tel un Phénix impénitent qui aurait la mémoire d'une poule
(...) l'art contemporain est le théâtre d'une étonnante inversion au terme de laquelle il es plus facile d'être "artiste" que spectateur. L'hermétisme et l'élitisme qui le caractérise lui viennent, paradoxalement, d'une démocratisation du geste de l'artiste qui, remplaçant le talent par le seul courage de cracher ce qu'il porte en lui, dispense de tout effort, à commencer par celui de se rendre intelligible. Quand tout le monde peut devenir artiste, l'art ne s'adresse à personne. L'art contemporain, c'est un réalisme démocratique né du dévoiement de l'égalité des droits en équivalence (imaginaire) des talents.
C'est la crainte et non le goût de la philosophie qui fait d'elle une mode.
L'indignation est un art de ramper la tête haute, qui a besoin de cause comme la charité a besoin de pauvres : son propos n'est pas de changer le monde, mais d'y trouver l'occasion de s'en plaindre