L'enthousiasme que soulevèrent les premières oeuvres humoristiques de Hogarth eut une influence décisive sur l'école anglaise, qui exploite encore aujourd'hui avec moins de vigueur le terrain où ce spirituel aventurier de l'art, d'abord renié par tous ses confrères, planta sa tente d'observation.
Y a-t-il une école anglaise? Si l'on s'en tient à la lettre étroite du mot École, il s'applique d'une façon bien imparfaite au mouvement de la peinture en Angleterre. En effet, il sert généralement à désigner un ensemble de traditions et de procédés, une technique, un goût particulier dans le dessin. un sens de la couleur également particulier concourant à l'expression d'un idéal commun poursuivi par les artistes d'une même nation dans le même temps. A ce titre, il y a une école flamande, une école hollandaise, une école espagnole, il y a diverses écoles en Italie, il y a une école française; mais il n'y à pas d'école anglaise.
Toutes ces idées de Ruskin se trouvent développées dans les dix chapitres de son Esthétique végétale, ou l'étude des formes extérieures de la plante est appuyée sur les notions les plus certaines de la science physiologique végétale. La plante y est considérée comme un individu doué-de vouloir et d'instinct et produisant ses formes extérieures, après une lutte constante contre les vicissitudes de la vie. Le modèle n'est pas extérieur dans un idéal géométrique abstrait et arbitraire, il est intérieur dans les lois intimes du mouvement physiologique. Appliquez cette méthode à l'étude des passions de l'homme et vous aurez les splendides descriptions psychologiques d'un Shakespeare, d'un Dickens développement du dedans en dehors, création de nihilo...
Le principe du paysage préraphaélite, nous l'avons déjà montré précédemment, consiste a substituer à toute convention la représentation minutieuse de la réalité. La fonction des paysagistes est à ce prix, pour le moins scientifique autant que pittoresque. A la vue de leurs tableaux, les savants spéciaux doivent être suffisamment renseignés pour retrouver la constitution géologique du sol, le caractère des terrains, les phénomènes particuliers de la végétation propre au coin de nature mis sous leurs yeux. Parfois ils y réussissent.
Hogarth est donc le premier en date, celui qui ouvre l'école anglaise; il en est, si l'on veut, le Giotto, comme le disait avec quelque emphase l'introduction au livret de l'Exposition internationale de 1862. Mais que les mots ne nous trompent point, ne nous abusons pas sur leur valeur. De ce qu'il y a en réalité un art britannique, s'ensuit-il que cet art mérite de prendre rang parmi les grandes écoles que nous étions habitués à respecter dans leurs formules les plus opposées, Raphaël et Rembrandt, par exemple ?