Citations sur Toutes les barques s'appellent Emma (31)
Et puis l'enfant a grandi, et puis l'enfant n'a pas tout oublié, cela restait dans sa mémoire. Il s'est mis à lire des livres, beaucoup de livres, certainement beaucoup trop pour son âge, comme s'il ne voulait pas oublier, qu'il voulait savoir, comprendre. (p.189)
Stève avait écrit un océan de mots pour tenter de se sauver du naufrage qu’était sa vie . (p.159)
Parfois, Stève s'en va faire la tournée des poubelles pour ramasser des livres abandonnés. Il les recueille et leur parle doucement, comme ces vieilles femmes qui soignent les chats, les chiens errants et donnent à manger aux mouettes près du vieux port.
On pourrait croire que ces livres ne pouvaient plus parler, n'avaient plus rien à dire à personne, qu'ils étaient devenus muets et se tenaient sales et dépenaillés du côté de la langue arrachée. Mais il n'en est rien. Il les nettoie et les emporte chez lui, les range avec tous les autres, qui montent pour lui une garde silencieuse. Chers vieux livres amis. (p.98-99)
Il arrange les nouveautés, trie les invendus pour les retourner aux éditeurs. Des centaines de livres que personne ne lira, que personne n'ouvrira, destinés à se perdre dans des entrepôts, puis à glisser lentement vers le pilon (100 millions d'ouvrages pilonnés par an) à moins qu'un bouquiniste ne leur offre une nouvelle vie (vive les bouquinistes!). Stève jongle, habile, entre la nouveauté et le fonds. Libraire ? Pourquoi pas ? Vendeur de livres en tout cas, commerçant. Un petit épicier de luxe, pour les affamés, pour les curieux, pour les chercheurs de trésors, les aventuriers en pantoufles, comme disait Mac Orlan. (p.40-41)
Le savoir est une Montagne magique à escalader. (p.63)
Il y a en elle de la vérité à vouloir ainsi vers cette tension poétique. Ce n'est pas la vaine gloire qu'elle cherche, ni aucune sorte de reconnaissance. Il sent bien qu'écrire de la poésie est pour elle comme un souffle neuf, un poumon d'acier bleu qui la maintient en vie (...) (p.107)
On lui signale un livre défectueux dans le rayon littérature.
Il va vérifier. C'est -Les ravages de Sartre- , qui n'est pas massicoté. Stève explique au client que jadis les livres étaient ainsi, qu'il fallait les couper soi-même, attenter à leur virginité. (p.130)
Le sais-tu ? Il y a deux arbres dans la genèse:
L'arbre de vie et l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
Co-naître, c'est venir deux fois:
Une fois pour le bien, une fois pour le mal.
Une fois pour vivre, une fois pour mourir.
Mais toujours pour aimer. (p.91)
Ils ne s'aiment pas bien sûr, ils aiment seulement les livres, tous les livres, même les moches, même les abîmés par la vie. Et cet amour-là, vrai, ils le savent, jamais ne les décevra, jamais ne cessera, jamais ne les abandonnera.
Dans les bras l'un de l'autre, blottis, ils sourient paisiblement pour tout ce que les livres leur offrent: la tendresse, la beauté gratuite et lumineuse, pleine de l'or et du miel des mots. (p.60-61)
Mais écrire me soigne aussi de mal vivre, m'encourage à exister. La psychanalyse, si elle suffit à combler certains, ne me comble pas. Seul l'art, pour moi, remplit cette fonction. (p.152)