Julien Orme , notre narrateur, gravement malade se retrouve hospitalisé, cohabitant avec un autre malade, Marcel, moine de son état… Ils vont sympathiser ; ce religieux va déclencher chez Orme une prise de conscience, un élan et, à sa mort, Orme va trouver un appétit de vivre tout neuf…En rémission, il éprouve la nécessité de trouver un sens , une raison d'être à son chemin. Avant d'être accepté en maison de repos, il décide de se rendre au monastère du Frère Marcel et d'y faire une retraite….
« Il marche les mains dans les poches sur la petite route qui surplombe le monastère. Silence et silence. A s'en faire mal aux oreilles, à s'en laver le coeur. Il voulait poser des questions à l'abbé sur le bien et le mal, la mort, la résurrection, il n'a pas trouvé les mots. Il lui reste la fatigue, la grande fatigue des hommes qui marchent sous un ciel muet. (p. 72) «
J'ai découvert très récemment cet écrivain, homme de tous les métiers du livre ; ce qui m'a évidemment attirée d'emblée…
Après «
Toutes les barques s'appellent Emma », lecture des plus agréables narrant de façon lègère et fantaisiste l'amour des mots et des librairies… cette «
Messe de granit » est diamétralement autre, avec une intensité exceptionnelle.
-Pour moi, un véritable ovni !-
J'avais noté dans mon pense-bête, ce texte plus grave… et quelle n'est pas ma surprise de trouver ce dernier dimanche l' ouvrage dans les bacs magiques (pour moi !) de ma médiathèque, où nous, lecteurs…pouvons nous faire grandement plaisir tout en ayant la satisfaction de « redonner » une seconde vie à un livre « délaissé » ou « méconnu »…depuis moult temps !
Un texte extraordinaire, « dévoré » en 1 jour, épuré à l'extrême, qui m'évoque fortement l'univers de
Christian Bobin, qui m'est si cher, par sa tonalité unique, minimaliste et poétique… En plus de la beauté du style et des thèmes traités, le livre, en lui-même est un fort bel objet : texte aéré, imprimé sur un épais papier vergé , habillé d'une couverture élégante, ornée d'une illustration fort évocatrice de Jean-François Desserre , d'après Zadkine…
Un texte singulier qui pourfend la surface des choses, atteint avec simplicité le coeur des questions de chaque homme : le pourquoi du chemin ? de la Vie ? Sa présence sur terre ?
Un écrit des plus originaux, qui ne peut qu'interpeller au plus intime chaque individu. Mal aisé d'en exprimer plus !… Des lignes qui interrogent le grand Mystère de l'existence, le sens que nous pouvons chacun lui donner...
Cet écrit m'a frappée également par le talent de
Christian Estèbe de rendre palpable « le silence », différentes qualités de silence…
« de ce qui glisse entre les blancs de la journée et les gris du soir, il ne peut rien dire. La vie au monastère n'est pas dans le silence, elle est le silence… » (p.87)
« Entre chaque journée, chaque geste : le silence. Apre musique de Dieu » (p.87)
« Cependant nous sommes seuls à pouvoir nous absoudre, personne n'échappe à la condition d'être, d'exister » (p. 87)
Un texte étonnant, détonant, d'une qualité certaine à l'image de cette petite maison d'édition qui se trouve parmi les petits éditeurs indépendants que je suis depuis fort longtemps…avec le même enthousiasme toujours !