Chauvier n'a pas bougé, mais Linh l'entend respirer bruyamment, comme sa vieille R5 lorsqu'il la conduit sur une route escarpée.
[...]
-C'est pour me parler d'histoire que tu m'a donné rendez-vous ici ?
Je le fixe de mon regard "tranchant". Le bleu électrique des yeux sous mes cheveux noirs. Ce que Clément appelle mes "yeux de squale"; un regard auquel il n'a jamais pu résister. Il se contorsionne et recale sa chaise pour laisser passer un couple d'Américains qui s'assied dans notre dos en jappant des "How nice!" d'être dans le saint des saints du Paris "oulala!"
Quelle idée de me donner rendez-vous ici... Clément sait pertinemment que je déteste Le Flore. D'une manière générale, Saint-Germain-des-Prés m'inspire une méfiance instinctive, presque paysanne. Mon côté "province", j'imagine.
-Bon, d'accord, concède Clément, j'ai quelque chose à te demander...
Il se reprend et corrige :
-En fait, j'ai quelque chose à te proposer... Je ne peux m'empêcher d'être narquoise :
-Tu vois, tu caches toujours ton jeu.
Devant son sourire peiné, je réalise que - comme d'habitude - je suis allée trop loin. Tu t'emballes, Anaïs, tu t'emballes ! Mais c'est plus fort que moi. Ce que Léa, ma meilleure amie, appelle mon "orgueil de femme seule". Et je n'ai que vingt-cinq ans !
_ Toutefois, il y aurait bien eu une "procréation dirigée". Des candidates aryennes postulaient pour être engrossées.
_ On ne les y obligeait pas ?
_ Pourquoi donc ? Hitler avait besoin de jeunesse, et ces femmes aimaient leur Führer.
_ On dirait que vous trouvez ça normal !
_ Il n'est pas question de normalité ou d'anormalité ! Nous sommes là en historiens, pas en arbitre de la moralité...
_ Comme vous voudrez... dis-je, bien décidée à ne pas lâcher si facilement le mors.
_ Je disais donc que ces postulantes passaient devant des "conseillers à la procréation", qui les orientaient vers les bons lieux de reproduction... Et les bons géniteurs.
Vidkun parle lentement. Il teste sur moi l'effet de chaque donnée : procréation, reproduction, géniteurs... Je simule la décontraction.
_ Une fois enceintes, ces jeunes femmes étaient transférées dans de grandes propriétés où on les choyait jusqu'à l'accouchement.
Pour retrouver ma contenance, je griffonne sur mon calepin.
_ Et une fois nés, les enfants connaissaient-ils l'identité de leurs parents ?
_ Bien sûr que oui. Le père, c'était Hitler, et la mère, l'Allemagne !
_ Toutefois, il y aurait bien eu une "procréation dirigée". Des candidates aryennes postulaient pour être engrossées.
_ On ne les y obligeait pas ?
_ Pourquoi donc ? Hitler avait besoin de jeunesse, et ces femmes aimaient leur Führer.
_ On dirait que vous trouvez ça normal !
_ Il n'est pas question de normalité ou d'anormalité ! Nous sommes là en historiens, pas en arbitre de la moralité...
_ Comme vous voudrez... dis-je, bien décidée à ne pas lâcher si facilement le mors.
_ Je disais donc que ces postulantes passaient devant des "conseillers à la procréation", qui les orientaient vers les bons lieux de reproduction... Et les bons géniteurs.
Vidkun parle lentement. Il teste sur moi l'effet de chaque donnée : procréation, reproduction, géniteurs... Je simule la décontraction.
_ Une fois enceintes, ces jeunes femmes étaient transférées dans de grandes propriétés où on les choyait jusqu'à l'accouchement.
Pour retrouver ma contenance, je griffonne sur mon calepin.
_ Et une fois nés, les enfants connaissaient-ils l'identité de leurs parents ?
_ Bien sûr que oui. Le père, c'était Hitler, et la mère, l'Allemagne !