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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Barry est irrésistible. « Je suis encore un play-boy. Toujours là, Dieu soit loué. Qui se fait beau, tiré à quatre épingles, démarche virile. Toujours dans les un mètre quatre-vingt-cinq, sans signe de ratatinement. Qui arbore un certain je ne sais quoi. J'ai peut-être perdu mes cheveux, mais je possède toujours une moustache élégamment taillée à la manière des anciens séducteurs hollywoodiens. Les gens me disaient que je ressemblais à un jeune Sidney Poitier. Maintenant, ils préfèrent un (presque vieux) Denzel Washington. Qui suis-je pour discuter ? Les faits sont les faits. Certains gagnent, d'autres pas. Allez, vas-y, Barry. Vas-y… » Dans un costume croisé façon années 50, chaussettes et tire-chaussettes assortis à sa cravate de soie, boutons de manchette en or, Barry porte beau ses 74 ans tandis qu'il se glisse subrepticement dans la chambre conjugale où il espère que dorme son épouse Carmen avec laquelle il a émigré depuis Antigua dans les Caraïbes à Londres il y a si longtemps.

Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts. le couple s'est enrichi grâce au flair immobilier de Barry, a eu deux filles Donna et Maxine qui ont désormais 50 et 40 ans. L'une est devenue une sorte de harpie psychorigide et complètement cinglée élevant seule son fils unique Daniel quand l'autre rêve de percer dans la mode avec le même enthousiasme qu'une gamine de huit ans. Carmen, l'épouse, s'est confite en religion. Elle tente ainsi de juguler la haine qu'elle éprouve contre son mari, de pardonner ses incartades avec des prostituées. Car « pour elle, son mari est un coureur de jupons. Répandant sa semence chez toutes les Jacynthe, Meredith et Jonquille du coin. Sur quelle preuve ? Parfum étranger ? Rouge à lèvres sur mon col ? Petites culottes dans la poche de ma veste ? En toute honnêteté, je peux dire à ma femme : « Chérie, je n'ai jamais couché avec une autre femme. » Elle préfère ne pas me croire. Ses gros yeux lui sortent presque de la tête. Si elle ne fait pas gaffe, je vais en attraper un et jouer au ping-pong avec. »

Barry est insupportable. Pédant, puéril, misogyne, infatué de lui-même. C'est un plaisir de lire ses diatribes contre les gosses qu'il faudrait enfermer dans une cave jusqu'à leur majorité dès qu'ils dépassent les douze ans, les énormités qu'il profère, sa clairvoyance sur les égarements… des autres, la haine enthousiaste qu'il manifeste contre Carmen, ses dauphins en crochet, ses pantalons de nylon et son bondieuseries.

C'est un fait que le couple va mal. Il n'est jamais allé vraiment bien d'ailleurs, car, sachez-le, Barry n'a qu'un seul amour. « Il s'appelle Morris. C'est mon Morris et il l'a toujours été. C'est un homme au grand coeur, un homme extraordinaire, un homme sexy, un homme loyal, un homme qui apprécie les bonnes plaisanteries, un homme à état d'âme, un homme qui boit et un homme avec qui je peux être complètement moi-même. » Leur couple clandestin écume les bars, écluse les verres de rhum, s'envoie en l'air avec bonheur et navigue à vue dans l'adultère et l'illicite depuis soixante ans. Depuis que sa femme Odette, il y a vingt ans désormais, a surpris les deux amants en plein ébat et a aussitôt demandé le divorce, Morris aimerait que Barry quitte Carmen et qu'ils vivent enfin ensemble au grand jour. C'est pas gagné.

Le roman commence là, les monologues impayables de Barry nous permettant de reconstituer ce que je viens de vous raconter. Avec intelligence, humour et un sens aigu de la psychologie, Bernardine Evaristo peint le portrait d'un homme et d'une génération. Noir immigré dans un Londres peu accueillant, Barry ne sait être qu'ostensiblement viril, macho et flambeur. Les années glissent sur lui, immuable dans ses inclinaisons et dans son désir de les dissimuler. Les événements racontés dans le roman vont se charger de le faire doucement évoluer mais surtout de croquer pour nous une succession de scènes drolatiques, de caractères impeccablement rendus, farce tendre et acide ayant pour centre un homme bourré de défauts et terriblement attachant.

J'avais beaucoup aimé la construction des personnages dans Fille, femme, autre. Je retrouve ce talent dans Mr Loverman, cette verve et cette énergie capables de nous peindre un monde chatoyant et subtil à la fois bien loin des attendus stéréotypés. Bernardine Evaristo sait camper des parcours avec finesse et nuances et, à travers eux, raconte de l'intérieur les représentations limitantes, les pièges dans lesquels on se complait parfois. Bien qu'enlevé, charmant et brillant, Mr Loverman est aussi, pour tous les personnages qui l'habitent, une histoire d'incommunicabilité avec soi-même, une histoire de libération permettant enfin d'être soi.
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Merci aux éditions Globe pour la réception de ce roman dans le cadre d'une opération Masse Critique.

Premier gros coup de coeur pour cette année 2022 !

La britannique Bernardine Evaristo s'est faite un nom en France après la traduction et la publication de son roman Fille, femme, autre, pour lequel elle a reçu le prestigieux prix Booker en 2019 conjointement à Margaret Atwood, l'autrice canadienne des Testaments, suite de la Servante Écarlate.

Autrice de plusieurs romans explorant la condition sociale des femmes et hommes noir·es entre leurs pays d'origine et le Royaume-Uni, il nous fallait attendre la traduction de ces autres livres pour continuer de découvrir son talent.

C'est chose fait avec Mr Loverman, publié en 2022 chez Globe, qui nous raconte l'histoire de Barrington Jedidiah Walker, caribéen originaire d'Antigua, qui émigre avec sa femme Carmel dans les années 60 à Londres. Personnage haut en couleurs de soixante-quatorze ans, il a vécu toute sa vie en cachant son homosexualité à son entourage ainsi que sa relation amoureuse avec Morris Courtney, émigré antiguais vivant également dans la capitale anglaise, dont il est éperdument amoureux depuis l'adolescence.

Naviguant entre le passé et le présent, entre Antigua et Londres, B.Evaristo va nous raconter l'histoire du coming-out de Barry, et nous aider à comprendre les processus, les relations qui construisent le genre, et notamment la masculinité.

Car la position sociale de Barry au début du roman apparaît complexe : homme noir, ouvrier immigré, il est à l'extrême opposé du modèle dominant de la masculinité blanche et riche de la société dans laquelle il évolue. le personnage n'évoque jamais les discriminations qu'il a pu ou aurait pu subir, notamment parce qu'il a réussi a devenir un transfuge de classe : bricoleur, il a retapé des appartements et investit dans l'immobilier ce qui lui permet d'avoir une retraite dorée et de sortir de sa condition d'ouvrier immigré. de même que ses enfants adultes, Donna et Maxine, font partie de la classe moyenne supérieure, et son petit-fils est sur la voie d'intégrer une université de prestige qui le propulserait dans l'élite du pays.

Cette ascension sociale est possible parce que Barry bénéficie de privilèges masculins : sa femme Carmel, employée municipale, se charge du travail domestique et de l'éducation des enfants. Déchargé de cela, Barry peut continuer de s'investir dans des travaux, et surtout de jouir des plaisirs de la vie avec Morris (entre autres).

C'est l'archétype de l'homme viril, qui n'hésite pas à jouer de son exotisme pour séduire, sa femme pense d'ailleurs qu'il est un coureur de jupons invétéré. Cette image, en opposition à l'image des homosexuels construite par la société patriarcale hétérosexuelle («la folle») lui a permis de cacher son orientation sexuelle. Dans ce contexte, faire son coming-out, divorcer, et vivre publiquement sa relation amoureuse avec son amant lui apparaît être au premier abord un suicide social. En tout cas, il pense qu'il aurait plus à perdre qu'à y gagner.

C'est parce que Morris lui pose un ultimatum, que simultanément sa femme Carmel va abandonner son illusion dans l'institution du mariage qu'elle essaye de sauver à tout prix, que l'idée de faire son coming-out va cheminer dans l'esprit de Barry à l'aube de sa vie. S'il est vécu comme une véritable libération pour le couple Morris/Barry, mais également par les autres personnages, c'est que le mensonge aura eu pendant cinquante ans des impacts émotionnels et relationnels lourds pour tous·tes. La faute à une société patriarcale, dans laquelle aujourd'hui encore, il est difficile de vivre pleinement et sereinement son homosexualité.

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Barry et Morris s'aiment depuis leur adolescence, à Antigua, et se retrouvent à Londres, mariés… chacun de leur côté.
Les années passent. A 74 ans, si Morris est divorcé, Barry vit toujours officiellement avec sa femme Carmel et n'a toujours pas fait son coming out.

Bernardine Evaristo nous dépeint avec un humour tranchant les atermoiements de l'élégant lettré, père de deux filles adultes et grand-père d'un jeune homme apparemment très discipliné. le Londres alternatif comme la société traditionnelle antillaise sont merveilleusement décrits avec leurs multiples travers. On s'étouffe de rire grinçant et c'est très bien écrit / traduit ! Vite, le suivant !
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Ce livre n'est-il pas en passe de devenir le meilleur livre que j'ai lu cette année ? Drôle, punchy, original, émouvant, riche, bien écrit/traduit et profond tout à la fois. Wouah ! On en redemande.
Les précédents livres de Miss Evaristo ont-ils été traduits, hormis "Fille, femme autre" (que j'avais adoré également) ? C'est peut-être le moment de s'y mettre.
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Une fois n'est pas coutume j'ai découvert ce roman sur le compte de Floflyy, qui l'a présenté comme sa meilleure lecture 2023 pour le moment, ça plus la quatrième de couv ça a suffit à ma convaincre et en plus je suis contente je l'ai trouvé d'occase en poche !
De quoi ça parle ? «À soixante-quatorze ans, Barrington Jedidiah Walker est plus que jamais le séducteur que Carmel a connu à Antigua, avant d'émigrer à Londres avec lui. Dandy, noceur, artiste de la conversation, ce gentleman des Caraïbes est un autodidacte. Il cite William Shakespeare et James Baldwin et partage ses idées – nombreuses – sur la politique, l'art et ses racines familiales. Carmel et Barry sont mariés depuis un demi-siècle et Barry est toujours très épris de son amour de jeunesse. Mais ce n'est pas Carmel. le corps musclé de Morris Courtney de la Roux rend Barry fou depuis soixante ans. Son âme soeur devine sa moindre pensée, sa bouche termine ses phrases. Toute sa vie, Morris a supplié Barry de venir vivre avec lui, en vain. Pourquoi ? Crainte de ne pas avoir la force d'affronter les conséquences sociales d'un coming out si tardif ? Respect pour une épouse pieuse qui le croit coureur de jupons ?
À l'aube de sa vie, Barry sent que s'apprête à passer sa dernière chance d'être enfin heureux...»

C'était si bien ! Voilà merci …
Nan je déconne mais j'avoue que je ne sais pas par où commencer pour vous parler de ce roman, j'ai juste envie de vous dire lisez le !
Barry est Antillais, il a vécu toute sa jeunesse à Antigua (une île des caraïbes). Il est marié à Carmel originaire aussi d'Antigua, ensemble ils ont 2 filles. Comme beaucoup de gens d'Antigua ils sont partis vivre à Londres, Barry a réussi professionnellement mais pas sentimentalement ! En effet son coeur n'a jamais vibré pour sa femme, Barry est en couple depuis ses 14 ans avec Morris, celui que tout le monde pense être son meilleur ami de toujours ! Et à ce moment de leur 74 ans, Morris voudrait qu'il termine leur vie ensemble ! Barry n'avait pas eu le courage il y a quelques années lors du divorce de Morris, mais aujourd'hui osera t'il sortir du placard ? Affronter sa famille, les préjugés, les croyances de ses origines ?
Bernardine nous emmène dans ce roman qui retrace un peu l'histoire de ce triangle amoureux, on voyage entre le passé et le présent, entre Londres et Antigua, entre le point de vue et l'histoire de Barry et celle de Carmel !
Barry est un personnage magnifique, haut en couleur, un dandy caraïbéen, classe et bourré d'humour ! Morris semble plus posé mais aussi plus empathique. Leur duo fonctionne à merveille, ils sont les deux moitiés d'un tout. Carmel a tout donné à sa famille et à dieu, mais on la découvre aussi avec ses secrets.
C'est un roman magnifique, plein d'amour, d'espoir et surtout plein d'humour ! Un roman qui nous dit surtout qu'il n'y a pas d'âge pour assumer qui on est et être heureux ! Il n'est jamais trop tard, peu importe ses origines, son histoire un jour il faut juste oser !
Je n'ose pas trop en dire parce que ce roman ne fait que 354 pages et que j'ai peur de trop dévoiler et de gâcher le plaisir de lecture, mais vraiment si vous ne connaissez pas, foncez c'est un roman qui met de la joie dans les coeurs !
Note 10/10 COUP DE COEUR
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Gros coup de coeur pour ce nouveau roman de Bernardine Evaristo qui nous plonge dans l'histoire d'un couple pour le moins mal assorti... J'avais déjà beaucoup aimé son précédent, Fille, Femme, Autre et j'ai trouvé Mr Loverman encore plus accrocheur.

Le personnage de Barry relève autant du gougeât que de l'homme sensible et intelligent, et c'est évidemment ce qui fait son charme. L'autrice campe un personnage sans manichéisme, avec ses propres contradictions, ce qui le rend très humain. On apprécie aussi que la parole soit donnée à sa femme, Carmel. le récit alterne les flash back et nous fait remonter le temps.

Que signifie une vie sous couverture, est-il encore trop tard pour changer ? Comment s'épanouir quand on partage la vie de quelqu'un qui ne nous aime pas ? Des questions essentielles auxquelles vous aurez la réponse à la fin de ce roman savoureux, qui joue avec nos sentiments pour mieux nous toucher.

Saupoudré de questionnements sur la société actuelle, la famille, la religion, la place des afro caribéens ou de la culture queer dans la société anglaise, Bernardine réussit à écrire un roman fidèle à son temps.
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