La soupe aux choux mon Blaise, ça parfume jusqu'au trognon, ça fait du bien partout où qu'elle passe dans les boyaux. Ça tient au corps, ça vous fait mettre des gentillesse dans la tête. Tu veux qu'cht'y dise : ça rend meilleur.
Si on peut plus péter sous les étoiles sans faire tomber un Martien, y va nous en arriver des pleines brouettes !
C'était à une quinzaine de kilomètres de là, une usine où les paysans qui avaient quitté la terre fabriquaient des tracteurs à l'usage des paysans qui étaient restés à la terre.
Et...qu'est-ce qu'y disent ?...
- Oh! pas grand-chose. T'avais pas tord, tout à l'heure. Y racontent que t'as l'air d'un con...
Chérasse accablé se laissa choir sur son arrosoir, chuchota :
- C'est bien ce que je pensais...
- C'est pas bien grave ! Mieux vaut avoir l'air d'un con que d'un moulin à vent ! On tourne, d'accord, mais moins longtemps.
- L'asile j'irai pas. Je me foutrai plutôt dans mon puits
comme devraient faire tous les vrais puisatiers.
- C'est ça, plaisanta Ratinier, et moi je me taperai sur la tête jusqu'à la mort
avec un sabot comme tous les vrais sabotiers.
Il grogna :
— Arrête de pleurnicher, t’es vilain comme un cul quand tu fais tes grimaces ! Comment que vous y avez fait, la Francine et toi ?
— Ben… comme tout le monde…, bredouilla Chérasse.
— Je te demande pas des détails ! Comment que c’est arrivé ?
Le Bombé, prostré, réfléchit, remonta dans la nuit des temps,
reprit sans le savoir les mêmes mots qu’avait employés la Francine :
— Elle s’ennuyait… Je m’ennuyais… C’était l’hiver… Et puis t’étais si loin !… J’y coupais son bois… Des fois, elle m’apportait un bol de soupe. On causait un peu. On n’était pas vieux… Ça fait que c’est arrivé tout seul. Mais on s’en voulait, le Glaude, on s’en voulait ! On se disait qu’elle était qu’une bourrique, que j’étais qu’un verrat…
— Et pis vous recommenciez…
— D’accord, d’accord, tant que ça pouvait, mais avec du remords partout. Tu nous en as gâché des soirées !
— Excuse-moi.
— Oh ! c’était pas de ta faute !
— Merci quand même.
Chez nous, les huiles, ça boit du pinard, et pas du pinard de soldat! Que du vin bouché. Que du cacheté qu'on peut pas s'y payer, nous autres, puisque c'est nous qu'on leur paye.
Leur porc ne consommait que du son ,des betteraves,des pommes de terre, leur poules et leurs lapins ignoraient tout des farines de têtes de sardines,des granulés et autres poudres de perlimpimpin industriel. Les légumes de leur jardin ne croissaient et ne se multipliaient que sur le bon fumier de Job. Nos deux écologistes sans le savoir n'avaient d'ailleurs pas d'autre choix : les aliments et les engrais chimiques leur auraient coûté, sauf le respect qu'on doit aux dames, "la peau du cul". Sans fortune, Ratinier et Chérasse étaient bien obligés de manger comme des riches
Le Glaude plongea la main dans sa musette, imité par Cicisse, et deux poignées de louis s'abattirent sur la noce...
- Non de Dieu ! des pièces d'or, tonna le marié en plongeant tel un gardien de but dans la poussière...
-Vous battez pas, y en aura pour tout le monde ! bramaient le Glaude et le bombé en aspergeant de louis la foule à quatre pattes...
... On déculotta, dans le feu du combat, une enfant de Marie.
On se dit des gros mots.
On se fâcha pour la vie.
On se prit aux cheveux, aux indéfrisables.
On se fila des coups de boule dans les naseaux...
Le maire perdit ses bretelles.
On s'empoigna aux parties nobles. On s'estoqua aux honteuses
Quelques nez éclatèrent...
Y en a encore, s’époumonaient Chérasse et Ratinier.
Au village, en outre, il n'y avait plus d'idiot du village. Dès qu'ils manifestaient leurs talents, on les ramassait comme des petits-gris pour les enfermer à l'asile psychiatrique d'Yzeure.