Alors que le point fort des Filles d'Ennismore semble être sa comparaison élogieuse avec Downton Abbey, c'est pour ma part son contexte historique qui a piqué ma curiosité. L'histoire du pays est particulièrement utilisée dans les romans écrits par des auteur.ice.s irlandais.e.s mais les traductions françaises ne sont pas aussi nombreuses que je le souhaiterais. Alors lorsqu'une est publiée, je ne me fais pas prier !
C'est l'histoire de Róisín et de Victoria.
Róisín (à prononcer « rochine ») est née dans une famille de paysans irlandais. Une petite chaumière dans laquelle brûle la tourbe, de nombreux frères et soeurs et une seule perspective d'avenir : devenir, comme sa soeur aînée, domestique à Ennismore, la grande propriété d'à côté.
Victoria est la fille des landlords, les propriétaires terriens anglais, ceux qui possèdent le fermage de la famille de Róisín. Elle vit dans une grande demeure un peu froide, entourée d'adultes qui ne s'occupent pas d'elle, passant le temps à utiliser ses nombreux jouets. Sa seule inquiétude sera de faire un beau mariage en ce début de XXe siècle. Si possible avec un riche anglais, pour perpétuer les traditions et la richesse de la famille.
Les deux petites filles n'ont rien en commun et pourtant, par la force des choses, elles vont devenir amies. C'est Victoria qui en a l'idée, elle veut que Róisín lui tienne compagnie en classe et s'instruise en même temps qu'elle. En dehors de la salle d'étude, les deux petites filles reprennent chacune leur statut social mais entre les cahiers, elles grandissent dans un semblant d'égalité.
Si les années passées ensemble les rapprochent, la future entrée de Victoria dans « le monde » scellera leurs différences. Róisín, fière et têtue irlandaise refuse de s'humilier en devenant la suivante de son amie. Elle a reçu une instruction, elle a goûté au monde de son amie, jamais plus elle ne pourra être une simple domestique !
Méprisée par les familles riches, moquée par son entourage proche, Róisín n'a plus sa place nulle part. Elle fuit à Dublin et trouve sa voie dans la rébellion irlandaise, auprès de la ligue gaélique alors que Victoria s'émancipe de plus en plus de cette société noble dans laquelle elle ne croit plus.
En ces temps troubles, alors que le Titanic a sombré et que la Première Guerre Mondiale fait rage, le nationalisme irlandais grandit. Les Pâques sanglantes se préparent. Róisín et Victoria y prendront part, chacune à leur manière… Mais peut-être pas chacune dans leur camp ?
Même si j'aurais aimé beaucoup plus de détails sur ce sujet qui me passionne tant (le conflit entre l'Irlande et le Royaume-Uni), je suis tout de même ravie par cette lecture.
On y découvre un pan de l'histoire européenne méconnue en France. L'histoire de l'occupation anglaise, des inégalités de classes (l'extrême pauvreté des fermiers irlandais obligés de payer des loyers effarants aux propriétaires anglais), de la montée du Sinn Fein jusqu'aux coups d'éclats de l'IRA… le tout grâce aux vies de deux héroïnes courageuses et prêtes à tout pour leurs convictions.
Alors certes, c'est parfois un peu facile et forcé (il se passe évidemment exactement ce qu'il doit se passer, notamment en terme de rencontres fortuites au milieu des rues de Dublin) ; certes des histoires d'amour pas forcément très réalistes se glissent là-dedans… mais c'est l'occasion de découvrir la grande Histoire irlandaise à travers les petites histoires de personnages crédibles créés de toutes pièces.
Les Filles d'Ennismore est un roman historiquement documenté offrant des personnages qui nous émeuvent et auxquels on peut facilement s'attacher. Je ne sais pas si
Patricia Falvey a écrit d'autres histoires dans un contexte irlandais mais si c'est le cas, je n'hésiterai pas à m'y plonger.
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