Citations sur Dix jours avant la fin du monde (70)
C’est drôle, l’existence. Quand on est jeune, on croit qu’on ne tombera pas dans ses pièges, qu’on fera mieux que ses parents, mieux que tout le monde. On a tout prévu. On n’imagine pas que des galères peuvent nous tomber dessus — ça n’arrive qu’aux autres — et on attend de l’univers qu’il se plie à nos désirs. Jusqu’au jour où on comprend que les autres, ça peut aussi être nous. Et alors, tout change.
— C’est l’heure ? murmura Brahim.
Elle acquiesce. De violents sanglots la traversent soudain, secouent ses épaules, inondent ses joues. En silence, Brahim pose une main en haut de son dos. Que pourrait-il dire ? Aucun mot ne peut adoucir la peine de quelqu’un qui sait ses parents en train de mourir de l’autre côté de la planète. Alors, Brahim se contente de cette main, ce contact amical, comme pour lui montrer qu’elle n’est pas seule et que, s’il pouvait porter ce deuil à sa place, l’en décharger ne serait-ce qu’un petit peu, il n’hésiterait pas. Il est comme ça, Brahim. Il aimerait que tout le monde soit heureux. Il aimerait absorber les douleurs, être un aspivenin géant, un aimant à merde, pour ne laisser aux autres que le beau, le tendre, le passionné. Ce n’est pas possible, bien sûr. Ce qui ne l’empêche pas d’essayer.
Au bout d’une heure, les pleurs de Lili-Ann se tarissent, sa respiration saccadée s’apaise peu à peu. [...]
— Merci, chuchote-t-elle.
[...]
Elle se laisse tomber à côté de lui. Il sourit, puis pioche dans le panier la tour de verres en plastique qu’il distribue autour du feu.
— Lili, tu veux quoi ?
— Je ne bois pas.
Il lève les yeux au ciel.
— Évidemment.
— Je t’emmerde.
— Pourquoi tu as descendu ces bouteilles, si ce n’était pas pour les boire ?
— J’ai pensé que ça vous ferait plaisir. Je ne pense pas qu’à moi.
Valentin éclate de rire.
— Si, Lili, souffle-t-il assez bas pour qu’elle soit la seule à l’entendre dans le fracas des vagues. Tu ne penses qu’à toi, depuis le début tu ne penses qu’à toi. Et ce n’est pas un reproche, hein.
— Ce n’est pas vrai, proteste-t-elle vivement. J’ai pensé à ma nièce, à ma sœur.
— C’est pour toi que tu es venue ici, pas pour elles.
— Tu fais chier, Valentin.
— Rhum ou Vodka ?
Les mâchoires de Lili-Ann se contractent un instant. Puis elle lâche :
— Rhum.
H - 225
— Et si on allait manger dehors ? propose la mère de Valentin en rassemblant le jeu de cartes. Ça fait si longtemps...
Elle n’a pas quitté l’appartement depuis trois semaines, et soudain, aujourd’hui que la fin du monde a commencé, elle veut sortir... Dans le genre timing pourri, elle se pose là.
H - 239
On avait pas prévu ça.
On avait prévu les tornades, les raz-de-marée, les éruptions volcaniques, les pluies de météorites, les catastrophes nucléaires, la montée des eaux, les bombes atomiques, la planète qui étouffe sous la pollution, la surpopulation, les épidémies, les manipulations génétiques qui tournent mal. On avait prévu la terre qui se rebelle contre la connerie humaine. On avait prévu l’humanité qui s’autodétruit. Mais ça, on ne l’avait pas vu venir. Comment aurions-nous pu en vérité ? Même aujourd’hui que l’apocalypse se précipite vers nous, personne n’a la moindre idée de ce qui se passe.
[...]
– Eh ben moi, lâche ce dernier avec un grand sourire, je suis bien content d’être là avec vous ! C’est vrai, quoi, ça pourrait être pire !
– Pire que de savoir qu’on va mourir dans neuf jours et d’être coincés dans les embouteillages ? s’amuse Valentin.
– Oui. Savoir qu’on va mourir dans neuf jours et être coincés dans les embouteillage avec des cons.
– Pas faux.
C'est drôle, l'existence. Quand on est jeune, on croit qu'on ne tombera pas dans ses pièges, qu'on fera mieux que ses parents, mieux que tout le monde. On a tout prévu. On n'imagine pas que des galères peuvent nous tomber dessus - ça n'arrive qu'aux autres - et on attend de l'univers qu'il se plie à nos désirs. Jusqu'au jour où on comprend que les autres, ça peut aussi être nous. Et alors tout change.
Commencer un livre, c'est avoir la responsabilité de le finir.
Ce serait quand même con d'attraper un rhume cinq jours avant la fin du monde.
Il est comme ça Brahim. Il aimerait absorber les douleurs, être un aspivenin géant, un aimant à merde, pour ne laisser aux autres que le beau, le tendre, le passionné. Ce n'est pas possible bien sûr. Ce qui ne l'empêche pas d'essayer.