Manon a 16 ans, 18 dans J-.... Elle aime surfer, lire, dessiner. Lors d'un salon du livre à Vannes, elle fait la connaissance de Gérald Duprat-Moreau, 56 ans, directeur de collection dans une maison spécialisée en bande-dessinée. le contact se crée alors, les coordonnées sont échangées, quelques mails envoyés autour d'un projet de bande-dessinée que Manon porte en elle. Quelques-uns au début, puis, le rythme va en s'intensifiant. Bientôt, les mails se font quotidiens, envoyés à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. le ton change, aussi, subrepticement. le "professionnel" laisse place au "personnel". Les formalités cèdent le pas aux confidences. Et ça y est, Manon et Gérald lâchent leur premier "Je t'aime", car, oui, ils sont amoureux. Amoureux fous malgré leur grande différence d'âge, le fait que Gérald soit déjà marié, l'opposition totale de la mère de Manon. Une passion interdite, contre nature, un amour impossible, l'amour avec un grand A, une emprise aveugle, une perte de pédales, appelez ça comme vous voulez. Difficile, à certains moments, de savoir sur quel pied danser, de lire sans juger. Et comme ne le dit pas la chanson, les histoires d'amour commencent mal, en général...
J'ai été happée par la construction extrêmement habile de
Manon Fargetton, d'inspiration apparemment autobiographique. le récit nous fait entendre plusieurs voix : celle de Gérald, tantôt fougueux, tantôt colérique, tantôt anéanti ; celle de la mère de Manon, complètement dépassée par les événements, effrayée de voir sa fille sous une influence ; celle de Tristan, l'un des frères de Manon, qui ne la reconnaît plus, ou encore, celle de Viviane, la femme de Gérald. Les formes de narration varient elles aussi, nous faisant tantôt lire un échange de mails, tantôt les morceaux d'un procès-verbal édifiant. Nous entendons ainsi plusieurs versions d'une même histoire d'amour. de sorte que c'est à nous de reconstituer le puzzle du "Mystère Manon", d'essayer de comprendre ce qui a pu se produire, de déceler si ce que dit Manon est vraiment vrai. Plus j'avançais dans l'histoire, plus le malaise et le dégoût grandissaient en moi. La peur que Manon n'arrive plus à ouvrir les yeux, aussi.
Malgré quelques passages répétitifs, ce roman-témoignage m'a saisi par sa sincérité, les multiples messages qu'il transmet par le biais d'une fiction qui n'en est pas totalement une. C'est un livre courageux, à mettre, selon moi, entre toutes les mains. Car des jeunes filles comme Manon, il y en a tant, malheureusement.