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Citations sur La force de l'ordre (42)

La vie publique d'un livre se développe en large part indépendamment de ce dernier - à travers ce qui en est dit bien plus qu'à partir de ce qu'on en lit.
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A la différence de nombreux autres pays occidentaux, la police française n'est pas au service de la population, mais de l'État. Cette situation déconnecte les gardiens de la paix et leur hiérarchie des citoyens, auxquels ils estiment n'avoir pas de compte à rendre et qu'ils tendent à concevoir comme des adversaires, voire des ennemis. En revanche, elle les lie à l'appareil étatique et, dans un contexte de centralisation et de politisation renforcées de ce dernier, le ministre de l'Intérieur et le président de la République deviennent leurs uniques interlocuteurs.
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Dans la mesure où les policiers, dans leur ensemble, estiment que justice n'est pas rendue par les juges, ils tendent à se considérer habilités à la rendre eux-mêmes sur le terrain. Bien entendu, ce principe de substitution n'est jamais énoncé comme tel publiquement et peut-être même demeure-t-il souvent inconscient : le reconnaître serait admettre une forme d'illégalité du travail de la police.
(...) [Les gardiens de la paix] sont entrés dans les forces de l'ordre pour arrêter des "délinquants". Si les juges ne prononcent pas les condamnations attendues, qu'au moins ces délinquants reçoivent leur châtiment de ceux qui les interpellent. Du point de vue de ces derniers, ce n'est là que justice. Toutefois, leur justification s'avère doublement problématique, y compris en adoptant la perspective des forces de l'ordre. D'une part, la punition procède bien moins de la justice (châtier un coupable), voire de la pédagogie (donner une bonne leçon) que de la simple vengeance (...). D'autre part, l'application en est non pas ciblée (sur un coupable présumé) mais aveugle (à l'encontre de celui qu'on a réussi à prendre) (...)
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Le pouvoir donne (...) aux forces de l'ordre les moyens de leur politique, attendant en retour qu'elles la mettent en œuvre. Les effets se mesurent en termes d'interpellations, de gardes à vue, de mises sous écrou, de condamnations pénales et de population carcérale dont les statistiques connaissent une progression sans précédent dans l'histoire française. Bien plus que des transformations subjectives, difficilement saisissables, ce sont ces évolutions objectives qui attestent l'empire de cette fusion de la demande politique et de l'attente policière.
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L'interprétation de la discrimination raciale doit (...) dépasser la question de l'intention raciste. C'est l'institution policière et, plus largement, la société qui produisent les catégories racialisées que mettent en œuvre les fonctionnaires sur le terrain, transformant en suspects les jeunes des minorités, tout comme le fait le discours politique lorsqu'il associe, de plus en plus fréquemment, immigration et délinquance. Plutôt que de focaliser l'attention sur la discrimination raciale en tant qu'acte individuel, c'est donc bien aussi au racisme institutionnel en tant que pratique collective qu'il faut s'intéresser.
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A côté des études qui établissent de manière chiffrée le risque supplémentaire d'être contrôlé lorsqu'on appartient à une minorité, il est tout aussi essentiel de considérer la manière d'être traité à l'occasion de ces interactions. L'observation est un complément indispensable de la statistique. La discrimination doit s'appréhender qualitativement aussi bien que quantitativement. Probablement les individus concernés souffrent-ils au moins autant de l'humiliation qu'ils ont subie, de l'injustice qu'ils ont ressentie, du mépris qu'on leur a manifesté, de la menace qu'on a fait peser sur eux que simplement du contrôle ou même de l'interpellation en tant que tels.
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La violence de la police, qu'elle soit physique ou morale, s'exerce de façon radicalement et institutionnellement inégale : d'un côté, des individus qui ont non seulement le monopole de l'usage légitime de la force, mais également l'exclusivité de son utilisation effective compte tenu des circonstances ; de l'autre, des individus doublement captifs, en raison à la fois de la coercition physique qu'ils subissent et de la menace latente qui pèse sur eux au cas où ils auraient la mauvaise idée de répondre. (...) Mais elle est également ciblée. Elle ne s'applique pas à toutes et à tous. Elle affecte presque exclusivement les individus de sexe masculin, principalement jeunes, appartenant aux milieux populaires, résidant dans des quartiers défavorisés, le plus souvent d'origine immigrée ou faisant partie des minorités. Elle concerne de façon exceptionnelle les femmes, les personnes d'âge mûr, celles et ceux qui appartiennent aux classes moyennes, habitent des zones résidentielles ou sont d'apparence européenne.
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Le plus souvent, la violence physique est seule prise en considération par les commissions de discipline et les juges d'instruction. A l'inverse, la violence morale est ignorée. Banale, elle demeure invisible, car elle ne laisse pas de traces, du moins corporelles, ne donne pas lieu à des plaintes et ne fait pas l'objet de sanctions. (...) Faute d'être nommée, elle n'existe pas socialement. Faute d'être reconnue, elle ne permet pas que justice soit rendue. Or c'est cette violence sans nom et sans justice qui constitue l'expérience ordinaire des adolescents, des jeunes et des hommes qui vivent dans les cités.
(...) Cette dernière est devenue alors une sorte de violence de substitution, comme on le dit des produits qui remplacent les drogues en induisant des effets proches sans en avoir les implications légales. (...) Il ne s'agit évidemment pas de nier la persistance de la violence physique, mais de suggérer un déplacement vers la violence morale dont le rapport coût-efficacité est, pour celui qui en est l'auteur, bien supérieur.
(...) Si, dans mes observations, les scènes de brutalité étaient donc exceptionnelles, les scènes d'humiliation étaient en revanche tout à fait communes. Elles se produisaient quotidiennement dans la rue à l'occasion des contrôles d'identité et des fouilles à corps ou des interpellations avec menottage non justifié, au commissariat pendant l'interrogatoire ou dans le local de détention, et même dans le véhicule qui ramenait les individus arrêtés. Les procédés étaient nombreux, des remarques désobligeantes aux insultes racistes, des signes ostensibles de mépris aux mises en scène devant les voisins. Il s'agissait à chaque fois d'instituer un rapport d'abaissement et de mortification alors que les individus se trouvaient captifs d'une situation qui les condamnait à devoir se laisser tourmenter sans répondre, afin d'éviter l'engrenage de l'outrage et rébellion.
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Mon propos vise ici à appréhender la violence de la police comme une interaction qui affecte l'intégrité et la dignité des individus et pas seulement leur corps et leur chair, qui peut être profonde et ne pas se donner à voir, qui implique enfin une composante éthique et non strictement normative. (...) Il existe des pratiques bien plus mortifiantes et des blessures bien plus durables [qu'une gifle adressée à un adolescent] ne supposant pas l'usage de la force physique.
(...) Il serait possible d'aller au-delà de la définition administrative et judiciaire, laquelle conduit à condamner, au moins dans le principe, la claque, mais à ignorer, le plus souvent, l'humiliation. Dès lors, on commencerait à s'interroger non pas dans les termes de ce que la police et la justice pensent des actions, mais du point de vue de la manière dont le public les vit. Cette inversion du regard ne se limiterait du reste pas à l'expérience des individus qui ont affaire aux forces de l'ordre, mais inclurait la perspective plus large de la société, c'est-à-dire la manière dont cette dernière délègue à la police, au nom de la loi, le pouvoir de traiter certaines personnes en dehors du droit, ou plutôt de manière dérogatoire au respect des droits humains.
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Paradoxe que cette inversion des rôles : contrairement à l'opinion répandue, selon laquelle les jeunes provoquent les policiers qui ne peuvent que répondre pour manifester l'autorité de la force publique, ce sont souvent, dans certains quartiers, les policiers qui provoquent les jeunes en anticipant une réaction qui pourra justifier leur riposte musclée. Ainsi, lors d'une patrouille dans une cité, le véhicule de la BAC roule au pas derrière un adolescent d'origine africaine âgé d'une quinzaine d'années qui, à considérer le sac qu'il porte en bandoulière, rentre du collège. Les gardiens de la paix baissent la vitre du véhicule et lui lancent en riant des insultes racistes. Au bout d'une vingtaine de secondes, excédé, les larmes aux yeux, l'adolescent, qui avait pu se contenir jusqu'alors, éclate : "Mais laissez-moi tranquille!" Immédiatement, la voiture s'arrête, les trois policiers en sortent et entourent le garçon, menaçants. L'ayant contrôlé et fouillé avec rudesse, ils se préparent à l'emmener au poste, mais l'intervention d'une passante qui assure qu'il est un garçon sans problème et supplie les policiers de le laisser rentrer chez lui permet in extremis d'éviter l'interpellation. Heureusement pour le collégien, l'affaire se termine donc par une simple intimidation, qui lui aura inculqué, à moindres frais, la leçon que ne cessent de lui rappeler ses parents et ses aînés : il faut toujours se taire face aux forces de l'ordre.
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