Il en va du
roman noir comme du chocolat... on doit pouvoir en mesurer le % de cacao ou de noir... Hammett et son Faucon maltais gravitent aux alentours de 30%. Stout ou Cheyney aussi. Irish et sa mariée en noir vers 50%.
McBain un peu au-dessus. Goodis, Thompson ou
Ellroy atteignent sans trop de mal les 80%. Voire davantage.
Faulkner avec
Sanctuaire culmine à 99%.
Il m'a bluffé avec cette histoire de paumés. C'est indescriptible. Il nous fait prendre des vessies pour des lanternes et dépeint des personnages, des tronches... mais à la seule fin de raconter une histoire. le tout est découpé avec un étrange emporte-pièce, les digressions abondent, la chronologie s'étiole.
Le récit est lent, mesuré, structuré mais maîtrisé. Tout vient à point à qui sait attendre semble nous dire
Faulkner. Il nous fait languir longuement pour enfin distiller l'information que nous souhaitons... et il nous surprend car s'il répond à nos interrogations ce n'est certainement pas en donnant l'information. Il faut aller la chercher, la deviner entre les lignes. Même au bout de plus de 350 pages, il arrive par un tour de passe-passe à faire basculer le récit. Nous arrivons pile à l'endroit choisi par
Faulkner. C'est (je me répète) indescriptible de maîtrise. Une chape de plomb sur un univers bouché, voilà ce que nous offre
Faulkner. Meurtres, lynchage d'un innocent, amoralité des personnages, viol, déshérance... la panoplie des paumés et du
roman noir est complète. N'en jetez plus. Faulkzer offre un indicible cadeau que je vais mûrir longtemps en moi.
Et en prime, que dire de cette poésie noire, glauque... ?Longtemps je garderai à l'esprit l'image d'un steak glapissant au fond de la poêle... Glapir... Ce n'est qu'un exemple parmi des dizaines.
Avec
Sanctuaire, mon premier
Faulkner, je viens de combler un trou béant dans ma culture. Je viens aussi de découvrir un auteur.