Le tueur de l'ombre

Avec une maîtrise absolue, ils fouillèrent ses chairs pour compresser les zones adéquates. La douleur enfla et parcourut chacune de ses terminaisons nerveuses pour se ficher dans son cerveau. Il haleta et grogna. La pression cessa après un temps infini. Lorsque sa vision se brouilla, il se souvint brusquement que ses poumons avaient besoin d’air. Et pourtant, il aurait été si simple d’arrêter de respirer et de se laisser glisser dans l’oubli.

-Bob m'a expliqué que tu désapprouves le fait de donner des surnoms aux tueurs.
-Je trouve en effet que c'est leur accorder trop d'importance.
RJ reprit son vieux cheval de bataille.
-Songe en parallèle que personne ne se souvient jamais du nom des victimes.Je trouve cette injustice monstrueuse. C'est comme si elles mouraient deux fois : une fois physiquement de la main de ces types et une fois moralement dans l'inconscient collectif.

Les gens sont aveugles à ce qui ne les concerne pas. Appelle ça de l'indifférence, de l'égoïsme, de la crédulité. Le tout c'est de se glisser à la périphérie de leur seuil d'alerte.

L'esprit de Michael était une source inépuisable de réconfort pour les individus affublés d'un QI inférieur à 60. Face à lui, un poulpe avait plus de chance de tenir une conversation brillante en société.

Ses penchants déviants prenaient dorénavant le pas sur chacune de ses pensées conscientes. Une onde d’anticipation parcourut d’ailleurs ses veines à l’idée de le revoir et d’entendre sa voix posée lui relater les atrocités qu’il avait commises. Cette attirance devenait aussi dangereusement obsessionnelle qu’une drogue ! Lee avait besoin de son shoot d’horreur à une fréquence de plus en plus rapprochée, à présent.

Un passage en particulier lui revint en mémoire :
Je regrette de ne pas avoir croisé votre route. Mes cheveux noirs vous auraient forcément interpellés et sans doute vous aurais-je plu. Je me vois alors allongée entre vos bras et subissant vos attentions. Et je frissonne de désespoir en songeant à notre rendez-vous manqué.

Miles se secoua pour échapper à l’incrédulité qui le paralysait à chaque fois qu’il revoyait le joli papier à lettre couleur mauve, sentant le parfum et signé par une certaine Mary Jane Porter de Denver. La fille avait-elle des velléités de suicide ? Sans rire ? Qui pouvait avoir envie de subir le rituel de Will Edwards volontairement ? Miles reprit le cours de ses réflexions avec une petite moue désabusée.

Ils n'oublieront jamais leurs doutes parce que la vérité les intéresse moins que la satisfaction de leur curiosité malsaine.

Le crocodile venait de prendre position sous la surface, et il attendrait patiemment son heure.

-Vous faites erreur, monsieur Kellermann. Cette affaire ne sera jamais oubliée. Les gens me verront toujours comme la femme du tueur. Ils vous diront que j'étais dans la maison quand Will a tué ces pauvres femmes. Ils se demanderont pourquoi il m'a laissé la vie sauve. Ils cancaneront sur mon second mariage et mon réel degré d'innocence.
Elle soupira en percevant la curiosité de son patron.
- Ils n'oublieront jamais leurs doutes parce que la vérité les intéresse moins que la satisfaction de leur curiosité malsaine.

Dans un exemple parfait de lâcheté masculine, il préférait donc la fuite plutôt que de mettre des mots sur son trouble.