La guerre de Cent Ans, c'est d'abord le chef d'oeuvre de
Jean Favier, archiviste paléographe, docteur et agrégé d'histoire, professeur à la Sorbonne, puis directeur général des archives de France. Ce n'est pas rien.
Si
Jean Favier est internationalement reconnu comme un historien éminent, c'est aussi parce qu'il a su faire sa part des innovations historiographiques toutes récentes, françaises et étrangères, autant qu'il a fait sa place à l'ancienne manière.
Son intérêt pour le temps long ne l'empêche pas de s'intéresser à l'horizon générationnel. Son souci de l'évènementiel ne lui fait pas perdre de vue les forces profondes. Il fait de l'histoire diplomatique mais aussi de l'histoire des relations internationales. Il est "historien-bataille" dans son intérêt pour la tactique et par la place importante qu'il apporte aux dits affrontements, mais il étudie aussi la stratégie et l'histoire des techniques. Loin de considérer une bataille ou le sacre d'un roi comme des "épiphénomènes", il s'intéresse pourtant de près à l'opinion publique, aux mentalités, à la démographie. Il insiste tout autant sur la complexité du système féodal que sur le prix des légumes et le montant des loyers.
Point important au vu du sujet, il donne toute sa vraie place, non seulement aux épidémies et aux "révolutions" parisiennes, mais remet aussi en perspective certaines idées reçues profondément ancrées, y compris chez les historiens, à propos de Jeanne d'Arc, de la construction de l'État et surtout de celle de la nation française.
Une fois ceci posé, et pour les moins fascinés par
L Histoire avec un grand H, de France ou d'ailleurs, il n'en reste pas moins que ce livre est un véritable tourne-pages, extrêmement bien-écrit (excessivement, dirons ceux pour qui
L Histoire doit être mal écrite pour être sérieuse et crédible), et on se prend au jeu, on lit cette guerre de Cent Ans comme un véritable roman à la
Frank Herbert. Dune n'a certainement rien à lui envier...
Or le rôle premier de l'historien n'est-il pas de redonner au passé une substance et une vie qui nous le rend palpable, et qui sans trahison le rapproche de nous ?