Damian Baxter, à l'article de la mort, charge un ex-ami (le narrateur) qu'il n'a pas revu depuis quarante ans, de débusquer parmi ses conquêtes de l'époque, la mère de son possible rejeton à qui il souhaite léguer son immense fortune. le narrateur se sent contraint d'accepter, malgré la tonitruante rupture survenue entre les deux amis lors d'un séjour au Portugal en 1970, événement ayant profondément marqué la mémoire de tous les protagonistes et dont nous ne saurons rien avant la fin de l'ouvrage !
Et, alors, vogue la galère ...
Retour vers le passé et la saison londonienne de l'année 1968.
Retour vers les curieuses moeurs de la bonne société anglaise de jadis, superbement évoquées par l'auteur, qui en a lui-même fait partie et sait donc de quoi il parle !
Retour vers la jeunesse du narrateur, de sa bande d'amies, des bals chics, des mères aux aguets, à l'affût du bon parti pour leur précieuse progéniture, à l'affût également de la brebis galeuse à éloigner du troupeau des débutantes, prêtes à prendre leur envol et dénicher le mari idéal.
Retour vers la horde de crétins pompeux, aristos et si fiers de l'être, chassant la jouvencelle, jeunes cons bien nés et leurs parents vieux cons, solidement ancrés dans leur certitude d'appartenir à l'élite.
Julian Fellowes, en maître de l'exercice, nous narre les péripéties réjouissantes de cette saison 1968, avec une intarissable verve bien vacharde, et croque avec un humour décapant les travers de ces fantoches du passé.
Et incursion dans le monde d'aujourd'hui, à la recherche des tendres jouvencelles dont Damian Baxter fut amoureux jadis. Mais que sont-elles donc devenues ces fleurs délicates depuis l'aube de leur existence privilégiée ? L'auteur ne nous épargnera rien en nous détaillant avec humour, raillerie, tendresse parfois, les ravages du temps, les illusions perdues, les sinistres ou cocasses rapports que ces personnes, devenues d'âge mur entretiennent avec leurs conjoints.
Julian Fellowes s'y entend comme personne à concocter des dialogues étourdissants de drôlerie, d'un naturel confondant où l'on sent la patte adroite du scénariste de talent (n'oublions pas Downton Abbey et Gosford Park) et on se laisse entraîner avec jubilation jusqu'au bout de l'histoire, jusqu'à ce fameux final en apothéose, sur la terrasse d'une somptueuse villa de vacances au Portugal où, réglage de comptes aidant, beaucoup de choses seront enfin révélées !
Malgré quelques passages didactiques, parfois un peu fastidieux, sur l'évolution des moeurs anglaises pendant ces quarante dernières années, un constant bonheur de lecture !