Son sac à dos lui donnait la silhouette d'une tortue en compétition avec un lièvre invisible.
Cette année elle devait faire 17 pas depuis l'abribus jusqu'au chemin qui conduisait à la maison. Dix-huit l'automne dernier. Preuve que ses jambes s'allongeaient.
Son sac pesait autant que si elle y hébergeait trois éléphanteaux.
Pendant une seconde, Bettina se sentit exactement pareille aux autres matins, en résumé une fille plutôt pas moche, sans histoires, rien d’autre à se reprocher qu’un 4/20 en sciences ou que se trouver moins ravageuse que Renee Zellweger, bref, aussi heureuse qu’on peut l’être à treize ans et demi.
La seconde suivante la saisit d’une puissante envie de vomir. Sa tête était pleine de douleurs ; et toujours ces clous au cœur. Non, ce n’étaient plus les mêmes. Ce n’étaient plus ces clous de rage ou de colère. Plutôt de dégoût, et de honte. De culpabilité. Une question horrible se posa à elle.
Comment affronter le regard du monde aujourd’hui ?
Non, Bettina a un visage vif, un œil piquant, elle fait songer à du pointu, à de l’étincellant, une aiguille. Un poignard. Ciselée, séduisante, très gaffe-à-vous.
Elle sait être gentille… lorsqu’elle ne veut pas avoir l’air d’être méchante.
Geneviève adorait avoir des sœurs. Parfois elle en aurait aimé trois ou quatre de plus. Excepté les jours de lessive. Les jours de lessive, l’été. Comme aujourd’hui.