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Citations sur La femme sans ombre (7)

En chaque être humain habite une innocence qui lui est propre.
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On ne voit que cela : le sang. Un long serpent d’un rouge profond qui ondule sur la partition, paresseusement, coupant une portée juste à l’armure de la clé – trois dièses, la partie des bassons –, puis coule droit vers le coin de la feuille et tombe goutte à goutte sur le bois clair du podium, les éclaboussures imbibant le tissu du pantalon noir retroussé sur des chaussettes de coton à côtes, elle l’a vu, le matin même, en prendre trois paires identiques et les ranger avec soin dans son sac de voyage à côté des deux chemises immaculées et des nœuds papillon en piqué de coton blanc, pourquoi trois paires, a-t-elle demandé, tu seras rentré demain, on ne sait jamais, a-t-il répondu.

On ne sait jamais. Il disait cela souvent.

Il disait aussi : il faut toujours s’attendre à une surprise. À en croire l’étonnement qui ne s’est pas effacé de ses traits, il ne s’attendait pas à celle-là.
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Un mur entier du restaurant est occupé par des étagères sur lesquelles il ne reste aucun espace libre. Sur ces étagères, classés par ordre alphabétique, des CD de tous les compositeurs classiques, à l’exception d’un seul. Personne ne t’a jamais demandé le motif de cette exclusion, personne n’en a jamais eu l’idée, d’ailleurs, faute de l’avoir remarqué. Même les soi-disant mélomanes, qui battent la mesure avec leur fourchette quand tu insères dans la chaîne 15B & O le dernier enregistrement du Concerto pour piano no 3 de Rachmaninov, capté en live à la Philharmonie en juin 2015 avec Daniil Trifonov au piano et Myung-Whun Chung dirigeant l’orchestre de Radio France, sont en réalité d’une ignorance crasse. D’ailleurs, ils préfèrent Chopin et Vivaldi. Tu as sur ton mur tout ce qui est nécessaire à leur bonheur, depuis l’intégrale des Préludes par Sokolov jusqu’aux innombrables concerti pour violoncelle déclinés en quinze versions, joués par Yo-Yo Ma, Jean-Guihen Queyras, Francesco Galligioni, Paul Sacher et l’inégalable – à ton avis – Alexander Kniazev. Ils n’entendent pas la différence, mais cela n’a aucune importance. Ils sont heureux de prendre leur repas dans un endroit si atypique, si décalé, si cosy. De temps à autre, ils te demandent ton avis avant d’acheter une place de concert, ce qui te permet de les aiguiller vers des interprètes convenables.

Mais aussi d’éviter, dans la mesure du possible, de les croiser en remontant les rangs de l’orchestre.

Car tout, dans la vie, est une question d’équilibre. Chacun dans son monde. C’est ta devise, et elle ne t’a pas trop mal réussi jusqu’à présent.
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Car tout, dans la vie, est une question d’équilibre. Chacun dans son monde. C’est ta devise, et elle ne t’a pas trop mal réussi jusqu’à présent.
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Depuis longtemps, elle sait que le ciel est vide. Ou que dieu, si ça existe est un nœud dans l'univers, un croisement de lignes de force, une divinité sans intention, sans pensée, bonté, ni justice. Une sorte de robot, ou de poupon géant jouant à édifier des tours pour mieux les démolir ensuite.

Chapitre 14 page127 sur 251
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Tu restes là des heures, à savourer la musique, les yeux fermés, laissant ton corps – ce corps mince mais puissant, aux muscles quotidiennement exercés – se détendre. Tu ne t’endors jamais, bien sûr.
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Dans le coffre de la Carrera, il a laissé l’étui qui ne le quitte jamais, un étui à hautbois qui lui a souvent servi à se faire passer pour un musicien, à l’introduire dans les coulisses et les salles de répétition, ses lieux de prédilection pour le business. Il est un musicien, peut-être le plus subtil d’entre-eux, mais personne ne le sait. C’est son secret. Jouissif et solitaire.

Ça et l’instrument des punitions, la machine à oubli comme il aime à dire, mieux qu’une psychanalyse et moins cher. Le fric, il préfère le claquer.

Il se penche vers le coffre, le déverrouille. Fait claquer les fermoirs de l’étui. Dans le compartiment de gauche, le knout est lové, bien sage, ses cinq lanières lestées de plomb enroulées autour du manche en cuir tressé. D’une main, il déboucle sa ceinture. Il n’y a personne dans le parking et il s’est garé juste hors de l’angle de prise de vues de la caméra de surveillance la plus proche.

De toute manière, il va faire vite. Il a l’habitude.

Il baisse son pantalon. Prend le fouet.
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