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Critique de jvermeer


« Gala est un grand vin, une cuvée exceptionnelle, un millésime hors de prix. Un de ces nectars qu'en toute clairvoyance il lui faudrait partager, comme l'avait accepté Éluard. Mais Dali, lui, est bien résolu à garder cette cuvée exceptionnelle pour son seul plaisir. »

Dans « Un été surréel » Maxence Fermine annonce un roman hommage poétique, un pan d'histoire entre un peintre et sa muse.
De nombreux peintres sont inséparables de leur muse dans l'histoire de l'art : Modigliani et Jeanne, Picasso et Dora Maar, Bonnard et Marthe, et même, un temps, Van Gogh et Sien. Cette fois, l'union entre Salvador Dali et Gala va bien au-delà, elle est à la hauteur de la démesure de l'artiste : folle, passionnée, paroxystique…

Deux parties se distinguent clairement dans ce roman biographique court, résumé de la vie et de l'oeuvre de Dali.
Durant toute la première moitié du livre, la plus intéressante et poétique, cet homme et cette femme hors du commun vont se découvrir par un bel été de l'année 1929 sur les côtes de la Catalogne.
Un lieu : le petit village de Cadaqués, situé au sud-est de l'Espagne, le paradis vert de l'enfance du peintre : « Ce morceau de terre, unique et préservé, rappelle le ventre mou d'une femme aux seins lourds, gorgés de lait maternel, dont chaque pore transpire la sensualité. »
Des personnages venus rencontrer Dali : les surréalistes, le poète Paul Éluard et le peintre René Magritte envoyés par André Breton pour tenter d'intégrer Dali dans leur groupe ; un marchand d'art et deux amis de Dali, le poète Federico Garcia Lorca et le réalisateur Luis Buñuel qui ont produit un film inclassable avec Dali « Un chien Andalou ».
Les conversations des surréalistes sur la plage sont constamment interrompues par les fous rires hystériques de Dali. Cet étrange garçon est sujet à des délires paranoïaques incessants. Paul Éluard est venu avec sa femme Gala. Cette jolie brune d'origine russe est une femme libre, mondaine connue du tout Paris artistique des années folles, elle fait tourner la tête des hommes et trompe Éluard allégrement. Un temps, le poète a accepté un ménage à trois avec son ami Max Ernst : « Jamais mari n'a autant aimé les amants de sa femme ».
Le premier regard que Gala porte sur Dali le foudroie sur place. Ses cauchemars et autres phobies font que Dali n'a jamais connu l'amour physique et a peur de cette femme au port de reine qu'il désire. Cet éphèbe d'allure efféminée qui s'agite autour d'elle énerve Gala. Elle a dix ans de plus que le fantasque peintre. Elle s'ennuie. de longues promenades dans les rochers et les conversations avec ce curieux personnage totalement excentrique et original, finissent par l'intriguer. Qui est ce peintre qui couche sur ses toiles des délires incompréhensibles ? Elle l'écoute, comprend, sa folie paranoïaque l'attire.
Dali, fasciné par le corps de cette femme déesse, se prête à des excentricités d'enfant pour la conquérir. Ils se regardent, s'épient, se cherchent. Un jour, elle lui prend la main et la serre fort. « Nous ne nous quitteront plus déclare-t-elle. »
L'artiste tremble de désir. Gala le domine. Elle sait, elle sent que cette folie va lui offrir d'autres horizons que son mari ne peut lui donner. « Avec lui, elle peut atteindre les puissances infinies du mythe ». Elle s'abandonne. S'offre. Un amour violent, fulgurant, les emporte. Ils se dévorent, dévastés par une passion érotique qui les enflamment.
Eluard a vite compris qu'il a perdu la partie. Comme d'habitude il cède la place. A la fin de l'été, il rentrera seul à Paris. Il restera ami avec Dali et transformera sa mélancolie en vers d'une grande beauté.

La seconde moitié du livre couvre une longue période de vie amoureuse qui durera 53 années jusqu'à la mort de Gala en 1982.
Marié, le couple va acquérir une maison à Port Lligat, proche de Cadaqués, que la folie décorative de Dali va transformer en palais idéal, une oeuvre surréaliste.
Avec Gala, l'existence de l'artiste va s'envoler vers des sommets insoupçonnés. Exclu du groupe des surréalistes par André Breton, l'Amérique lui ouvre les bras. Gala lui apprend les subtilités du désir charnel et s'occupe aussi de ses affaires, signe les contrats, reçoit les clients. Dorénavant il peut se permettre toutes les excentricités. Toute la journée il peint des aberrations issues de ses fantasmes : montres molles fondant dans un décor de plage, roses sanglantes, tigres volants, téléphone-homard, girafes en feu, lampe crocodile, lit-poisson, Zeus surmonté d'un poulpe et d'une tête de rhinocéros. Mégalomane, Dali veut devenir immortel.
La gloire, la richesse arrive. Gala veille sur le génie. le peintre ne se remettra pas de sa mort et vivra encore sept longues années, dépressif, ressassant les images de sa vie.

La fin du livre m'a offert une surprise. Dali, tout comme je l'avais appris pour Vincent van Gogh, est né une année après la mort à deux ans d'un premier enfant de ses parents, portant le même prénom. Toute son enfance, il verra son nom inscrit sur une tombe. Il sera à jamais marqué par cette vision qui le mènera aux extravagances les plus folles. Il confessera qu'il voulait exister aux yeux de ses parents, et du monde bien plus tard. Il n'était pas le frère mort, mais le vivant.

Comment ne pas aimer ce petit livre qui m'a fait découvrir Dali ce personnage plus connu par ses fulgurances et sa folie que l'être timide, sensible, et fragile qu'il était. Des passages d'une grande poésie en font un livre dont le plaisir de lecture est constant.

« Et si la vie n'était qu'un rêve ? Mieux encore si la vie de Dali devenait un rêve, alors tout serait possible, la folie comme l'absurde, la fortune, la démesure, l'immortalité, la gloire éternelle. »

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