AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur La course à l'abîme (74)

" La mort de la Vierge" - Exposée au Louvre

Ne pouvant convaincre Lena de se prêter à mon idée, je dus me mettre en quête d'un autre modèle. Un jour que je me promenais le long du Tibre, j'aperçus un attroupement. On avait repêché une noyée qu'on étendait sur l'herbe. C'était Adriana, une prostituée bien connue. Enceinte, elle s'était jetée dans le fleuve pour ne pas mettre au monde une créature promise au malheur. Je demandai la permission de me rendre à la morgue et de peindre le cadavre. Ce fut ma dernière folie que de prendre pour modèle de la Vierge, une femme coupable de trois crimes. Par pure solidarité avec une consœur infortunée, et dans l'espoir de me dissuader d'un acte aussi déraisonnable, Lena avait tenu à m'accompagner à la morgue. Assise à côté de moi, elle me regardait travailler, prête à intervenir pour limiter le blasphème. Le cadavre était couché, les bras allongés le long du corps. Lena me suggéra une variante qui s'est avérée de tous les détails le plus touchant, celui qu'on remarque d'abord dans cette vaste composition. Elle prit une main de la morte et la plaça sur son ventre, à l'endroit où Adriana eût senti bouger son enfant, si elle ne s'était pas damnée en lui ôtant la vie.
Commenter  J’apprécie          254
Lena et Fillide emménagèrent dans une grande maison de la via dell'Occa que le pape avait réquisitionnée. Anxieux de retrouver Anna, je partis à sa recherche avec Mario. Le délai expirait à deux heures. A quatre heures, à force de battre les quais, lieu de rendez-vous des chats et des perroquets, nous tombâmes sur un attroupement de curieux. Je craignais qu'Anne ne se fût jetée dans le Tibre pour échapper aux sbires. Une femme attachée toute nue sur un âne était conduite en prison. Quatre gendarmes pontificaux l'escortaient. Chacun levait son fouet à tour de rôle et la fustigeait en cadence : un coup tous les deux pas de l'aliboron. Je me souvenais de ce que m'avait dit Pietro Moroni, au sujet des juifs qu'on promène nus sur le Corso, pendant le carnaval, en signe de dérision et de mépris.
Je n'eus pas besoin d'écarter les curieux pour reconnaître la crinière flamboyante. L'humiliation s'ajoutait au châtiment. A celle qui avait montré une modestie si émouvante quand elle avait posé pour la Madeleine repentie, et qui, en Madone du Repos en Egypte, s'était abandonnée avec un naturel si touchant à son instinct maternel, ni la douleur ni la honte n'arrachaient un cri. Ses mains qui pendaient inertes contre les flancs du quadrupède, n'avaient plus la force de cacher ce que les badauds lorgnaient en ricanant.
Commenter  J’apprécie          2612
En attendant, je continuais ma série de portraits de Mario en demi-figure. Non sans me souvenir des conseils du cardinal : "Pour désarmer les censeurs du Saint-Office, si tu abordes un sujet trop libre pour ces Monsignori, déguise-le en thème mythologique. Ils sont si vétilleux.... mais si faciles à tromper! Et même, garde cette confidence pour toi, si heureux qu'on les trompe .....Contre un petit mensonge, avoir la permission d'admirer ce qu'il leur est défendu de regarder!"

(Mario étant l'amant du Caravage)
Commenter  J’apprécie          331
Arrestation de Michelangelo du fait de son amitié pour Matteo et de tous les membres, adeptes de l'Eglise des Portugais, sur ordre de l'inquisiteur pour la Lombardie, don Pietro Morello, appartenant à l'ordre des Dominicains, Domini Canes, chiens de Dieu.

L'instruction dura plusieurs mois. La marquise Costanza Sforza Colonna étant intervenue en ma faveur, on m'autorisait à peindre. La châtelaine de Caravaggio gardait de puissants appuis auprès de l'Evêché. On m'apporta un chevalet, des couleurs, une palette, des toiles, des pinceaux. Mon grand-père, avec toute la famille, était fier de moi. Je m'étais rallié au parti de leur faire croire que j'avais comploté contres les Espagnols. Il n'eut pas la permission de me rendre visite mais on me remit, de sa part, la collection de gravures de mon père qu'il avait eu l'excellente idée de laisser au guichet de la prison. Je voulus aussi du papier et des crayons. Requête cette fois écartée : on craignait que le papier ne me servît pour communiquer avec l'extérieur. Mes biographes se sont demandé pourquoi on n'a retrouvé aucun de mes dessins. Seul de tous les peintres italiens, je ne suis connu que par des tableaux . La réponse est simple : je n'ai jamais dessiné. Maître Simone négligeait cette partie de l'enseignement. Quand j'aurais pu mettre à profit ma captivité pour rattraper mon retard, aucun des moyens nécessaires ne fut mis à ma disposition.
Commenter  J’apprécie          360
En effet , le baptistère de notre village n'est pas de forme circulaire, c'est une sorte de gros pigeonnier à huit côtés et à huit angles.
"Un octogone, dit ma mère. Le monde a été créé en sept jours. Sept est le nombre de la plénitude, de la totalité. Huit exprime le renouvellement, ce qu'il y a au-delà de la perfection. Christ, c'est le huitième jour qu'Il est ressuscité. La Résurrection universelle adviendra lorsque les sept âges du monde se seront écoulés. Tu me suis ? Les baptistères ont toujours huit côtés, parce que le baptême est le moyen et la condition de la Résurrection. Le baptême nous ôte le péché originel, de même que ....." Elle s'arrêté et rougit. Mais elle en avait trop dit pour me laisser dans l'ignorance. "Vois-tu, mon mignon (jamais cette femme, ennemie du Poverino!, ne m'appelait ainsi), Notre Seigneur Jésus-Christ a été circoncis le huitième jour après sa naissance pour nous laver, dans sa personne, du péché originel. Le péché originel, reprit-elle en baissant la voix, qui a sa source précisément dans cette partie du corps (elle rougit à nouveau) dont le Grand Prêtre a purifié Jésus le huitième jour dans le Temple. Circoncision et baptême diffèrent par la pratique mais s'accordent par l'effet. Le nombre huit, commun aux deux opérations, révèle le plan établi par Dieu pour le salut de notre âme".

page 43
Commenter  J’apprécie          250
La Passion du Christ aurait-elle été complète sans les quolibets des soldats ?
Commenter  J’apprécie          40
Page 28 du livre de poche

Le Père Amelio, de la Compagnie de Jésus, était venu exprès de Rome pour prôner le programme de décoration ecclésiastique décidé par le concile de Trente. Ayant réuni dans la sacristie tout ce que le village comptait de bûcherons, de tailleurs de planches, charpentiers, menuisiers, sculpteurs, ornemanistes, il leur présenta la construction d’un retable comme une nécessité stratégique. Barrer la route au protestantisme par une ostentation de grâce et de beauté, voilà, affirma-t’il, la meilleure réponse à la politique d’austérité vantée par la Réforme. Pas de luxe, bien entendu, mais l’apparat qui sied à Dieu. Les luthériens proscrivent de leurs temples les images ? Ils pensent que les œuvres d’art distraient les fidèles de la prière en fixant leur attention sur des objets dont les modèles sont nécessairement profanes ? Faisons
donc le contraire de ce qu’ils prêchent, remplissons nos églises de statues et de tableaux, offrons aux offenseurs de la vraie religion un décor digne de leur foi, aux hérétiques capables de repentance la surprise d’un spectacle charmant.
Commenter  J’apprécie          00
Une vie consacrée à l’art ne peut-être qu’en guerre avec ce qu’il est convenu de respecter.
Commenter  J’apprécie          10
C'était donc cela, le Sud : une absence de couleurs et de lumière, un entassement de murailles noires, un fouillis de boyaux sans air, un monde de ténèbres et de clameurs. On s’interpelle d’une fenêtre à l’autre, on gesticule, on crie plutôt qu’on ne chante, les voix sont rauques et basses. Je ne pensais plus à Virgile, aux tendres idylles entre bergers, aux concours de pipeaux sous les hêtres, mais à Dante et à son univers de damnés.
Commenter  J’apprécie          61
En montrant un homme et une femme de tous les jours, sans appareil intimidant d’anges ni de saints, j’avais réalisé le rêve du peuple, qui est de raccourcir la distance qu’il sent entre la majesté des œuvres d’art et la bassesse de sa condition.
Commenter  J’apprécie          30






    Lecteurs (528) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Quelle guerre ?

    Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

    la guerre hispano américaine
    la guerre d'indépendance américaine
    la guerre de sécession
    la guerre des pâtissiers

    12 questions
    3218 lecteurs ont répondu
    Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

    {* *}