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EAN : 9782246282013
454 pages
Grasset (25/08/1982)
3.72/5   80 notes
Résumé :
Admirateur de Pasolini, Dominique Fernandez signe avec ce récit, ou plutôt devrions-nous écrire: avec ce monologue, une autobiographie fictive du réalisateur. Sujet à controverse, l'ouvrage fut décrié par des proches de Pasolini, tout en obtenant un Prix Goncourt.
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Dans la main de l'ange, roman publié en 1982 qui vaudra à son auteur la même année le Goncourt, soit cinquante ans après le Fémina obtenu par son père Ramon Fernandez.

Ce dernier mourut en 1944, aussi il n'aura pas eu le bonheur de voir cette littérature couronnée de prix prestigieux s'inviter une deuxième fois dans la maison Fernandez sous la plume ascendante cette fois.

Dominique Fernandez écrira un livre sur son père, s'interrogeant sur son passé controversé de socialiste puis de collaborationniste, et nourri des nombreux mystères de la vie qu'il a emportés avec lui, notamment ce détachement familial. Oui, il faut que les pères se marquent une fois pour toutes dans la tête qu'ils ont un devoir de lignée et qu'on ne dispose pas impunément des siens pour aller butiner ailleurs. Il est un honneur qui demeure ici quoiqu'il en soit, celui du fils de faire encore mieux que son père : de rafler le plus grand prix littéraire français (nous sommes en 1982), surtout quand ses origines remontent au Mexique ..

Alors quand je lis Dans la main de l'ange, le roman qui consacre l'écrivain Dominique Fernandez, à travers la passion qu'il manifeste pour Pier Paolo Pasolini, PPP, "né à Bologne le 5 mars 1922", pauvre qui deviendra à la fois communiste et l'immense cinéaste que l'on sait : L'Evangile selon Sant-Matthieu, Théorème, Oedipe roi .., on ne peut s'empêcher de penser que l'auteur brouille là les cartes de son passé, de sa vie d'après celle du temps de son père et qu'un nouveau paradoxe va l'éblouir, selon l'épigraphe de Dans la main de l'ange : "On ne peint bien que son propre coeur, en l'attribuant à un autre".

J'ai une bonne anecdote personnelle à propos de Dominique Fernandez. A propos de son Tolstoï de 2010, année du centenaire de sa mort, Je lis incidemment sur internet un papier avantageux sur le grand écrivain, sans savoir qui l'a écrit. Je trouve ça tellement bien écrit, d'une plume soyeuse et si juste .. Bien sûr que je vais le lire jusqu'au bout, mais surtout pour savoir qui a écrit cela et je découvre alors qu'il s'agit de Dominique Fernandez !

Je me demande si on n'a pas intérêt à lire parfois les yeux bandés ou les oreilles closes un auteur qu'on se surprend à aimer quand on découvre après qu'il s'agit d'un auteur au dessus du lot. Ca m'avait déjà fait la même impression quand j'avais entendu lire une lettre de Paul Claudel à la radio sans savoir qu'elle était de lui, il me semble que c'était à la faveur de Camille, et j'avais trouvé cela époustouflant, je me suis dit alors voilà une écriture comme j'aime, ni plus, ni moins, et c'est ainsi que j'ai découvert Paul Claudel..

Il me semble qu'on ne peut aimer un auteur que si l'on a déjà un pied dans son jardin, une sorte d'affiliation.. Je doute de l'altérité comme a voulu nous l'enseigner Jean-Marie le Clézio trop souvent dans ses écrits et quand il se commet à ne pas l'être, il est génial. Ici, c'est une passion que deux générations ont eu en spectacle, l'histoire d'un homme si singulier, son cinéma extraordinaire, que l'on va retrouver mort un jour assassiné sur une plage près de Rome , mort restée assez mystérieuse ! le jeune PPP va passer 7 ans à Bologne qui seront les plus belles de sa vie, sa vie au lycée Galvani, ses découvertes littéraires chez le bouquiniste d'â côté : Dostoïevski, Tolstoï, Shakespeare ..

Mais voyons plutôt ce que nous écrit Dominique Fernandez à son propos :

" Je suis né à Bologne, le 5 mars 1922. Que de choses, cher Gennariello, contenues dans ces quelques mots : Et comme je me réjouis que tu aies le coeur assez simple, assez pur, et l'esprit encore tout frais et ouvert au spectacle du monde ! Je n'aurai pas besoin de brouiller artificiellement l'ordre de mon récit, ni peur de commencer par le début. Tu es mon destinataire, mon seul destinataire, je n'en veux pas d'autres. Reste toujours le garçon napolitain que j'aime, vif, sincère, robuste d'âme et de corps, prêt à entrer dans chaque nouveau livre avec le sérieux d'un enfant pauvre qui va pour la première fois à l'école, mais aussi à le rejeter en riant aux éclats si l'auteur t'assomme par un style compliqué et obscur.."
"


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Après s'être intéressé à la mort obscure de Winckelmann, avant de se pencher sur Tchaïkovski et Caravaggio, Dominique Fernandez s'empare ici du personnage de Pasolini. Pas pour en établir la biographie, fut-elle romancée : il s'agit plutôt d'un portrait intime, où l'auteur fantasmant son sujet se dépeint lui-même à travers l'autre, utilisé comme miroir autant que comme objet.

De l'Italie fasciste aux années de plomb, face à la rigueur mussolinienne comme à la permissivité républicaine, Fernandez dépeint un personnage en décalage constant avec son temps. le décalage à la fois subi et voulu, souffert et revendiqué, ouvertement christique, de celui qui ne sait pas s'adapter au monde qui l'entoure, refuse le confort trop facile du consensus général et ne peut, ne veut que s'opposer, toujours, malgré la souffrance et l'infamie, jusqu'aux limites de l'auto-destruction. L'homosexualité, ici, est à la base de tout, ou au moins de beaucoup - une homosexualité vécue non comme simple goût mais comme différence, divergence fondamentale, dans un inextricable mélange de honte et de fierté qui finit par définir l'individu tout entier, dans son rapport à lui-même et au reste du monde. Ses ambiguïtés, d'ailleurs, autant que la sphère intime, concernent ses engagements politiques, artistiques et sociaux, de bout en bout.

Il est un brin agaçant, parfois, ce Pasolini, mais aussi douloureusement attachant et surtout fascinant. Je regrette juste un peu que Fernandez n'ait pas consacré plus d'attention à ses films, évoqués de manière assez succincte. Dommage, surtout, lorsqu'on pense aux pages superbes qu'il sait consacrer aux oeuvres qui lui sont chères, mais son sujet, en l'occurrence, est ailleurs, et reste passionnant. Ceux qui cherchent à en savoir plus sur l'écrivain et cinéaste italien feront mieux de passer leur chemin, mais ceux qui veulent se plonger dans les méandres d'une personnalité complexe et tourmentée, interroger leurs propres contradictions et celles d'une société qui, malgré ses évolutions, continue à nous définir, seront généreusement servis.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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Une très belle prose ,écrite dans un français châtié ! en 1982 ,date à laquelle ce livre eut le prix Goncourt ,le jury avait encore beaucoup d'exigences littéraires ! le texte aurait pu cependant être un peu plus court :quelques longueurs et redites .
En lisant ce livre j'ai appris beaucoup sur la vie de
Pasolini : son enfance dans le Frioul pendant la seconde guerre mondiale ,laquelle déterminera son engagement social ,sa haine du père et l'amour de sa mère , son arrivée à Rome ,son homosexualité vécue loin de la sphère intime et familiale et enfin sa vocation d'écrivain et cinéaste .
Suivre sa vie c'est aussi suivre l'évolution de l'Italie après les années 50 : la société de consommation qui remplace l'Italie rurale et déclassée ,la corruption, la libération sexuelle , les années de plomb et ses Brigades Rouges .
Il va devenir ce grand cinéaste engagé fidèle à ses idées et finir sa vie assassiné ( un crime crapuleux mais peut-être un assassinat politique ) .
Cet être pur , c'est ainsi que le décrit Dominique Fernandez ,lequel a certainement mis beaucoup de lui même dans ce roman, de sa façon de voir le monde , surtout de l'Italie dont il est un des spécialistes
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Mon challenge « Prix Goncourt » me réserve de belles surprises et de moins belles !
Cette fois-ci avec le prix Goncourt 1982, « Dans la main de l'ange » de Dominique Fernandez, il s'agit d'une très belle découverte !
En effet ce roman, qui nous raconte la vie de Pier Paolo Pasolini, est un livre qui m'a particulièrement touché.
C'est une lecture qui n'est pas des plus facile, le livre étant long et dense. On y découvre un homme, un artiste que je connaissais évidemment de nom, sans pour autant avoir approché son oeuvre. Peut-être un film, il y a de nombreuses années mais sans que j'en garde de souvenirs.
Un homme talentueux au parcours tumultueux qui n'aura pas réussi à trouver d'équilibre malgré le succès.
Dominique Fernandez nous fait revivre cette vie de façon intense et attachante.
Il ne me reste plus qu'à découvrir son oeuvre, un peu oubliée aujourd'hui, peut-être !
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Dominique Fernández ne souhaite pas que ce livre soit réellement considéré comme une véritable biographie. Et pourtant, au fil du livre, nous avons l'impression de réellement découvrir la personnalité complexe de Pasolini.
En réalité, cet homme sulfureux reste totalement mystérieux Et il est impossible de percer ses mystères sauf qu'il était homosexuel mais que les femmes qu'il adorait furent ses meilleures amies.


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Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
Elle cracha beaucoup d’eau et en fut quitte pour la peur. Mais moi, je n’étais plus le même. Sans cesse occupait mon esprit la noyée du Tagliamento. La nuit j’ouvrais ma fenêtre et je criais son nom à la campagne endormie. Seul me répondait le silence de la clarté lunaire épandue sur les jardins potagers, les champs de betteraves. Ou l’aboiement lointain d’un chien en écho à mes soupirs. J’étais amoureux, amoureux fou comme on peut l’être à quatorze ans, de celle avec qui jusqu’alors ne m’unissaient que des liens de bonne camaraderie. Mais cet amour ne correspondait pas du tout à ce que je lisais dans les romans : au lieu de me pousser vers Aurélia, il m’incitait à fuir sa présence. Moi qui ne dédaignais pas auparavant de l’accompagner jusqu’à la ferme et de me faire voir à côté d’elle dans la rue, bien qu’il ne s’agît que de traire les vaches et de l’aider à rapporter les seaux, je m’abstins désormais de répondre à son appel quand elle s’arrêtait sous ma fenêtre pour le signal convenu. Loin d’être tombée en disgrâce, comme elle le crut sans doute, elle était montée au pinacle. La fillette vivace aux tresses toujours agitées ne m’intéressait plus, depuis que j’avais découvert son double inanimé. Je la trouvais trop active, trop sanguine, trop vivante : trop femme. L’autre Aurélia blanche et funèbre étendue comme une reine de mausolée, enflammait seule mon imagination. En gisante elle m’avait conquis ; en gisante je voulais continuer à la chérir : transfigurée, faite de toute autre substance que de chair.

Fût-elle morte pour de bon, l’avertissement n’aurait pu être plus net. Qu’a-t-elle été pour moi, sinon l’occasion d’entrevoir pour la première fois mon destin ? « Renonce aux femmes, adorateur de statues féminines ! » Tel était le secret déposé sur ses lèvres closes, pendant que je tordais ses nattes ruisselantes. Tant que cet été dura, j’ai pleuré le soir dans ma chambre. Pourquoi ces larmes versées en prenant la lune à témoin ? Pas une fois, au lieu de m’exalter à la fenêtre et de mêler mes plaintes aux souffles de la nuit, je n’eus l’idée de m’échapper de la maison pour rejoindre Aurélia dans le village. Involontairement, la pauvrette, elle m’apprenait à distinguer mes vrais buts. Je n’ai pu aimer que son visage d’outre-tombe, que son corps de marbre. Plus tard, les seules femmes auxquelles je m’attacherais seraient des actrices célèbres, des divas mises hors de ma portée par leur gloire. La conscience de l’obstacle qui m’empêchait de les atteindre fut mon lien le plus fort avec elles. Sa beauté intemporelle de défunte m’avait enchaîné à Aurélia. Je fermais les yeux à tout moment pour revoir le tableau de la noyade, la scène au bord du fleuve transformée, dans mes fantasmes obituaires, en cérémonie d’enterrement. « Adieu ! » lui criais-je comme si je la veillais, non plus évanouie sur la grève, mais allongée dans son cercueil. « Adieu pour toujours ! » Je sanglotais de plus belle, sans me douter que je mettais au tombeau, à la place d’Aurélia, une partie de moi-même.
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Mon père n’occupait pas seulement une position géographique médiane (évocatrice pour moi des notions de moyenne, d’ordre, de norme, de coutume) contre ma mère « périphérique » (forclose, à l’écart), il personnifiait aussi, revêtu de son uniforme que lui fournissait le ministère de la Guerre, paré de ses galons, coiffé de sa casquette réglementaire, muni de ses papiers tricolores et habilité à crier ses commandements, Rome, le pouvoir, la loi. Deux raisons pour moi de refuser l’obéissance aux règles et de m’ouvrir spontanément à tout ce qui me paraissait différent, exceptionnel, dans l’ombre, limitrophe. Ineffables connivences, qui s’étendirent à chacun de mes terrains d’activité. J’ai écrit mes premiers poèmes en dialecte : aucune vaine nostalgie de folklore ni fantasme de paradis champêtre ne me poussa à cette tentative, sinon le choix de l’idiome maternel « excentrique » contre la langue officielle. En politique, j’ai été franc-tireur ; en amour, hors-la-loi ; en voyage, plus attiré par les solitudes dépeuplées du Yémen, aux confins du monde civilisé, que par des capitales comme Londres ou Paris. Il n’y a pas jusqu’à mon goût pour les banlieues qui ne montre comment, loin du cœur exécré des villes, je me retrouve chez moi dans les espaces suburbains. Combien de fois, quittant brusquement mes amis avant la fin du dîner, j’ai pris un tram qui m’emmenait jusqu’au terminus de la ligne. Un de ces ronds-points en rase campagne, comme naguère il y en avait autour de Rome : un peu d’herbe jaunie, deux bancs couverts de graffiti obscènes, un abri en ciment à la marquise brisée. Plus loin, contre le ciel, quelques carcasses de maisons populaires à demi construites. Je ne cherchais rien, je n’attendais rien, je poussais du pied le long des rails une vieille boîte de conserve. Le wattman me faisait signe : je remontais dans le wagon vide et repartais en direction des lumières, apaisé.
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La mort de Paul, moi, m’intriguait au plus haut point. Pourquoi n’avait-elle jamais intéressé les peintres ? Pourquoi la légende ne s’était-elle pas emparée de son martyre ? Il fut décapité, à ce qu’il semble, la même année que Pierre, en même temps que lui, dans la fournée des victimes envoyées au supplice par Néron. Mais autant les tortures infligées à l’un ont enflammé l’imagination populaire, autant le calvaire de l’autre ne soulève ni curiosité ni pitié.

Tous les premiers saints ont laissé un souvenir glorieux de leur mort. La lapidation d’Etienne, l’énucléation de Lucie, la décollation de Jean Baptiste, l’écorchement de Bartholomé remplissent des milliers de fresques et de tableaux. À tous le supplice fut donné comme une apothéose. Les flammes et le glaive à Janvier, ton patron, le gril à Laurent, les lions à Blandine, les flèches à Ursule et à Sébastien. À tous sauf au missionnaire de Tarse. Je ne comprenais pas cette exception. Il me semblait que son histoire n’était pas finie, qu’il manquait une pièce. Après tant d’outrages et de mortifications, il aurait eu droit plus que quiconque à une fin spectaculaire. On ne se rappelait de sa vie que les extases, les miracles, les prêches, les victoires : mais l’échec final, l’agonie, la dérision et l’humiliation du billot ? Son scandaleux passage sur la terre méritait de laisser un autre souvenir que l’image d’un visionnaire et d’un exalté. Ni goutte de sang ni trace de cadavre. Le Seigneur l’avait rappelé tout doucement au ciel, sans lui permettre de frapper le monde par une note éclatante d’infamie.

Je sentais là une véritable injustice : peu à peu, j’en vins à me dire que c’était mon devoir de la réparer. L’histoire demeurée en suspens de Paul, à moi d’y apporter le complément nécessaire. La mort ignominieuse dont Dieu l’avait spolié, je la subirais à sa place. Je ne savais pas quand ni comment. Longtemps les seuls dangers que je courus furent les citations en justice, les saisies de mes livres et de mes films. Du jour où je ne me suffis plus de ces tracasseries, où j’ai commencé à risquer non plus mon travail mais ma peau, de ce jour date ce que j’appelle la victoire de Paul. Il pouvait compter sur moi : j’étais prêt à endurer des sévices inouïs pour redorer son auréole. Je rêvais que des bourreaux hilares m’assassinaient au bord d’une route et profanaient ma dépouille avant de l’abandonner dans la poussière du talus.
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Christ était mort avant de s’être prononcé sur un point qui souleva immédiatement d’acerbes controverses parmi ses disciples. Les chrétiens, à l’avenir, seraient-ils tenus d’observer les diverses pratiques de la piété juive, ou la religion de Jésus s’affranchirait-elle du judaïsme ? Les premiers convertis, tous juifs, étaient en règle avec l’Ancien Testament : circoncision, respect des prescriptions touchant les viandes permises et les viandes prohibées, abstention du sang des animaux. Dans les cités antiques, on passait beaucoup de temps aux bains publics et aux gymnases. Les hommes s’y montraient tout nus. La circoncision exposait les juifs à de nombreuses avanies ; d’où leur tendance à fuir la vie commune et à former une caste à part. De peur de tomber sur des bêtes impures, ils évitaient de s’approvisionner au marché.

Les douze premiers apôtres, et Pierre parmi eux, ne concevaient pas qu’on pût devenir chrétien sans obéir en tout point à la loi mosaïque. Paul fut prompt à comprendre que les scrupules de quelques talapoins compromettaient l’avenir du christianisme. Il se mit à prêcher, au cours de ses lointains voyages, devant les non-juifs, les païens, les gentils ; les invitant à entrer dans le royaume de Dieu sans leur demander d’abord de s’affilier à la famille d’Abraham. À Antioche de Syrie, il rencontra un jeune homme, Titus, qu’il prit en amitié, convertit et s’adjoignit pour disciple.
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À la place de l’ancienne Italie, qui veillait jalousement sur la virginité des filles et prohibait les relations entre les sexes, je voyais une nouvelle Italie, moderne et permissive, à l’américaine, où chaque samedi soir on se rendait les uns chez les autres avec sous le bras une pile de mambos et de madisons. Embourgeoisement, conformisme et pénurie d’imagination. Mais peu m’importait, pour être sincère, cet aspect-là du changement. Je devinais avec terreur une conséquence autrement grave qui ne manquerait pas de se produire. Il s’agissait de quelque chose qui changerait radicalement ma vie, et finirait par la rendre impossible. J’hésitais à formuler cette menace en termes brutaux, retenu par la peur superstitieuse d’en hâter l’accomplissement. Mais enfin, comment nier l’évidence ? Les garçons, dans cette Italie émancipée, ne seraient plus d’un abord aussi facile. Ils allaient m’échapper. J’aurais de plus en plus de mal à en trouver de disponibles. Sur la plupart des jeunes élevés dans la société d’abondance ne pèseraient plus, comme raisons de me suivre, les contraintes et les frustrations qui jusqu’à présent m’assuraient de leur complaisance. Si les filles se mettaient à sortir librement ; si, comme je le constatais chaque jour, les couples non mariés n’avaient plus à braver l’opinion ; si, avec l’effritement des conventions familiales et religieuses, l’autre sexe n’était plus hors d’atteinte derrière des murs infranchissables, je pouvais être sûr que les règles de la concurrence joueraient de moins en moins souvent en ma faveur, et que mon territoire de chasse, jusque-là illimité, se rétrécirait dans des proportions dramatiques. L’appât de la nourriture, mon meilleur auxiliaire autrefois, deviendrait lui-même inutile. L’époque où ils étaient si fauchés que pour se faire payer une pizza ils ne regardaient pas trop aux services qu’on leur demandait, cette époque avait bel et bien disparu. Un désastre pour moi. Victime des allocations familiales, je n’aurais plus qu’à me réjouir sottement de voir tout le monde manger à sa faim.
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